Question de : M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la propagation des bactéries résistantes aux antibiotiques. Ce phénomène, qui représente une véritable menace pour la santé publique mondiale - ces bactéries étant plus difficiles à traiter - est bien connu dans les pays du Nord, notamment en France, qui reste l'un des plus gros consommateurs d'antibiotiques en Europe. Mais c'est surtout dans les pays du Sud, au moindre niveau d'hygiène, que la propagation des bactéries antibiorésistantes est la plus inquiétante. Ces pays étant visités par 300 millions de touristes chaque année, ce phénomène pourrait être amplifié par le tourisme de masse nord-sud. C'est en tout cas ce que révèle une étude publiée le 22 janvier 2015 dans la revue Clinical Infectious Diseases, qui explique que les médicaments que s'auto-administrent les voyageurs au moindre signe de diarrhée pourraient favoriser la propagation de bactéries antibiorésistantes, en l'occurrence d'entérobactéries productrices de bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE). Les résultats de l'étude sont alarmants : alors que seules 1,2 % de ces personnes sont positives pour une BSLE avant leur départ, 21 % reviennent de voyage avec l'une de ces bactéries. L'étude montre que le fait d'avoir eu une turista (aussi connue sous le nom de « diarrhée du voyageur ») au cours du voyage favorise cette colonisation : 21 % des touristes qui en sont atteints reviennent porteurs d'une bactérie BSLE. En outre, le fait de s'être soigné avec des antibiotiques aggrave le phénomène, avec un taux qui grimpe à 37 % toutes destinations confondues. Selon les auteurs de l'étude citée, la propagation des bactéries antibiorésistantes risque non seulement d'affecter le niveau de résistance dans le pays d'origine, mais aussi d'avoir des conséquences mondiales, ces germes pouvant de nouveau voyager vers d'autres pays. Il attire donc son attention sur la nécessité de sensibiliser les citoyens français aux risques accrus de propagation des bactéries résistantes aux antibiotiques avec le tourisme de masse, dans le cadre d'une nouvelle campagne de santé publique.

Réponse publiée le 1er septembre 2015

La question de la lutte contre l'antibiorésistance est prise en compte en France depuis les années 2000 avec la mise en place de deux plans nationaux depuis 2002 (2002-2005 et 2007-2010), et d'un 3e le « plan national 2011-2016 d'alerte sur les antibiotiques », actuellement en cours de mise en oeuvre. Dans certains pays, compte tenu de leur caractère endémique et des modes de transmission, les bactéries multirésistantes peuvent être acquises dans la vie courante. Selon une synthèse réalisée en 2014, le taux d'acquisition du portage de BLSE (bêta-lactamase à spectre étendu) lors du voyage varie selon les études de 5 % à 85 %, en fonction de la région géographique concernée, ce qui confirme que le voyageur est à risque pour l'acquisition de BLSE. Elle confirme les résultats d'autres études publiées ces dernières années. Le problème a plusieurs facettes : la pression de sélection antibiotique humaine et vétérinaire a amené le développement des résistances aux antibiotiques de bactéries, qui quelquefois sont résistantes à tout l'arsenal thérapeutique. Leur transmission est en premier lieu oro-fécale (ingestion d'aliments ou de boissons contaminée ou manu-portée), elle-même liée à l'accès à l'eau et à la gestion des effluents. Ces bactéries peuvent aussi être transmises par la voie alimentaire Aujourd'hui, leur diffusion dans la communauté est impossible à arrêter compte tenu du nombre croissant de voyageurs. Les bactéries en cause sont des bactéries commensales susceptibles de générer des transmissions familiales. La zone géographique est actuellement le facteur de risque identifié le plus important. Aucun élément ne plaide aujourd'hui en faveur de la mise en place d'une décolonisation systématique des personnes porteuses de ces bactéries, y compris en milieu hospitalier. Cependant, le respect des mesures d'hygiène concourt à la maîtrise de la diffusion de ces bactéries. S'agissant des voyageurs, compte tenu d'une transmission en lien avec le péril fécal, les recommandations insistent sur les mesures d'hygiène. Ces mesures, actualisées chaque année, sont aisément accessibles au public sur le site du ministère chargé de la santé. De plus, les consultations pour les voyageurs offrent une opportunité supplémentaire de sensibiliser ces derniers au risque. S'agissant de la diffusion en milieu hospitalier, des recommandations du haut conseil de la santé publique et des instructions du ministère encadrent la prise en charge des patients rapatriés de l'étranger ou ayant été hospitalisés à l'étranger dans l'année qui précède leur hospitalisation. Plus généralement, le contexte épidémiologique actuel des multi-résistances et de pénurie de nouveaux antibiotiques est aujourd'hui affiché au niveau européen et international comme une préoccupation majeure en termes de santé publique et le sera soumis à en mai 2015. La ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a défendu devant l'assemblée mondiale de la santé, l'adoption du plan mondial sur l'antibiorésistance. Dans ce contexte de forte menace et de mobilisation internationale, la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes a par ailleurs mis en place fin 2014 un groupe de travail spécial destiné à renforcer l'action gouvernementale contre l'antibiorésistance, en complément des plans nationaux en santé humaine et animale. Les propositions, qui seront rendues publiques à l'automne 2015, visent notamment à faire des propositions innovantes en matière de sensibilisation du grand public, notamment en direction des plus jeunes et de nouveaux modèles d'usage des antibiotiques.

Données clés

Auteur : M. Hervé Féron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Dates :
Question publiée le 10 février 2015
Réponse publiée le 1er septembre 2015

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