Question écrite n° 74881 :
politique agricole

14e Législature

Question de : M. Jacques Bompard
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit

M. Jacques Bompard attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur le danger de la libéralisation des politiques agricoles. Les États-unis qui prônent à tout crin une libéralisation des politiques agricoles sont loin de la respecter. Entre 1995 et 2013, les États-unis n'ont cessé de soutenir leur agriculture via des aides alimentaires, des subventions aux assurances agricoles, aux aliments du bétail, au carburant agricole, aux produits laitiers, à l'éthanol de maïs et à l'irrigation. Ce protectionnisme se maintient avec un nouveau programme d'aide intitulé Farm Bill 2014-2018, signé par Barack Obama. La coordination rurale nous en livre les principaux points : « Ce programme crée un prix-planché pour le blé à 110 $/t ou 95 euros /t qui déclenche un paiement compensatoire pour les producteurs si le prix du marché tombe trop bas. Un dispositif complémentaire appelé : le price loss coverage program (PLC), qui couvre les pertes de prix avec des prix de référence réévalués (pour le blé : 217 $/t, soit 192 euros /t). En considérant un coût de production moyen pour le blé de 150 euros /t aux États-unis, on constate que la rémunération des agriculteurs choisissant cette option est constamment assurée. L'alternative au PLC est l'Agriculture risk coverage program (ARC), garantie fédérale sur une partie du chiffre d'affaires, en prenant soit la référence du comté, soit la propre référence de l'agriculteur. Un renforcement de l'assurance agricole dont les primes sont subventionnées à 60 % en moyenne. Les assurances couvrent en général 75 % de la récolte ou du chiffre d'affaires mais les plus chères en couvrent la totalité ». La production laitière américaine possède aussi trois outils de régulation : « un prix mensuel minimum (blend price) versé aux producteurs via un fonds de mutualisation alimenté par les transformateurs, au sein de chacun des 10 programmes fédéraux d'organisation de la commercialisation du lait (FMMO) actifs sur le territoire américain, une assurance fédérale d'une partie de leur marge au choix (0,08 à 0,16 $/kg, soit 70 à 140 euros /t de lait) en contrepartie d'une souscription payée au trésor américain (0 à 24 euros /t), un programme permettant à l'État fédéral d'acheter des produits laitiers transformés, si la marge moyenne des producteurs passe sous les 70 euros /t, et de les distribuer sous forme d'aide alimentaire. Sans compter les assurances sur les fourrages et un programme d'indemnisation des pertes de cheptel en cas d'épidémie ou d'aléa climatique. Quant à la production américaine de viande (blanche et rouge), les prix sont faussés par la politique de soutien des revenus des producteurs de céréales et de soja, qui peuvent ainsi fournir une alimentation animale à bas coût. » Tout cet exposé présente la réalité protectionniste de la politique agricole américaine. En imposant une politique libérale au monde, elle tire encore plus d'avantages de son protectionnisme. En Europe, « les dépenses agricoles sont plafonnées, avec toujours des versements d'aides découplées dont le montant reste fixe quels que soient les prix du marché. Aucune mesure de soutien n'est assurée en en cas de chute des prix des produits agricoles. C'est une carence majeure de la PAC dont les agriculteurs européens continueront de pâtir ». En outre, « en matière laitière, l'UE a en outre choisi de supprimer les quotas à compter du 1er avril 2015 et d'abandonner ainsi toute régulation de la production, après avoir abandonné celle du marché ». Cette politique laisse à la merci des américains ce secteur de l'agriculture si fragile. Si l'Europe continue de vouloir respecter à tout prix les mesures de l'OMC, elle contribuera à la ruine du secteur de l'agriculture qui sera remplacé par un secteur américain dont les exigences au niveau de la qualité diffèrent de celles de la France. Rappelons que ce secteur de l'agriculture fait la richesse et la puissance de la France, c'est un pilier majeur de la production mondiale avec l'Europe et 8ème puissance de la production agricole mondiale. On ne peut abandonner ce qui fait notre fierté en laissant les agricultures crouler sous le poids des taxes, connaître la faillite faute de subvention, vivre une concurrence déloyale, mourir dans une grande détresse avec un suicide tous les deux jours... Il lui demande de créer un environnement protectionniste vis-à-vis des agriculteurs français pour que la France puisse garder son rang de producteur agricole mondial et surtout pour que les agriculteurs puissent travailler dignement.

Réponse publiée le 4 août 2015

Dans le cadre de la politique de commerce et d'investissement, l'Union européenne négocie des accords de libre-échange avec les pays tiers. A la condition qu'ils soient équilibrés, ces accords peuvent être une source de croissance et de création d'emplois pour l'agriculture française. La France est un grand pays exportateur de produits agricoles et agroalimentaires, avec un excédent commercial de 9,2 milliards d'euros en 2014. Ces accords peuvent ainsi constituer une opportunité pour développer l'activité économique des opérateurs. Ils doivent dans le même temps respecter les sensibilités des filières agricoles et des préférences collectives. Depuis juillet 2013, l'Union européenne et les États-Unis sont engagés dans des négociations pour un partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement. Parmi les intérêts agricoles offensifs figurent la reconnaissance et la protection effective des principales indications géographiques européennes, que la France défend comme un objectif prioritaire pour l'Union européenne dans chacune des négociations commerciales, et la levée des barrières non tarifaires américaines, afin que les exportateurs aient effectivement accès au marché américain. Le Gouvernement français soutient vigoureusement l'obtention de résultats positifs sur ces deux aspects, porteurs d'exportations et donc d'emplois en France et en Europe. Dans le même temps, le Gouvernement français est particulièrement vigilant à ce que les produits identifiés comme « sensibles » dans cette négociation bénéficient d'un traitement spécifique, garantissant ainsi qu'ils ne feront pas l'objet d'une libéralisation dommageable, et tenant compte des différences de conditions et de coûts de production entre les filières européenne et américaine. La France est en outre très attentive à la préservation du modèle alimentaire européen, auquel sont attachés les consommateurs et citoyens français. Les produits importés doivent, en tout état de cause, respecter la réglementation européenne, notamment en matière d'interdiction de traitement des viandes d'animaux aux hormones ou avec tout autre promoteur de croissance, en matière d'organismes génétiquement modifiés, ou encore d'interdiction d'une décontamination chimique des viandes non autorisée dans l'Union européenne. C'est un point sur lequel le Gouvernement français est particulièrement vigilant et qui contribue à limiter les distorsions de concurrence. Ces exigences s'appliquent pour l'ensemble des accords commerciaux. Enfin, la politique agricole commune (PAC) 2014-2020 apporte un soutien financier puissant au secteur agricole et agroalimentaire européen, pour favoriser son développement. La PAC intègre des possibilités efficaces de mesures en cas de crise, plus puissantes même par bien des aspects que les dispositions du « Farm Bill » américain.

Données clés

Auteur : M. Jacques Bompard

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 3 mars 2015
Réponse publiée le 4 août 2015

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