Question de : M. Michel Terrot
Rhône (12e circonscription) - Les Républicains

M. Michel Terrot attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la campagne qui est menée par l'organisation représentative de grands distributeurs de pièces automobiles indépendants (filiales de la grande distribution ou de fonds d'investissement), pour la libéralisation du marché des pièces de carrosserie automobile. En effet, ces distributeurs demandent la modification du droit sur la protection des dessins et modèles. Cette réglementation s'applique en France comme dans seize pays de l'Union européenne dont l'Allemagne ou en Corée et au Japon, aux pièces visibles de tous les secteurs industriels. La France a d'ailleurs toujours défendu la protection de la propriété industrielle et un éventuel changement serait incompréhensible au regard de motivations fondées sur des idées fausses, qui ne résistent pas à l'analyse. Bien que les pièces de carrosserie protégées soient faibles en nombre, elles représentent une part importante du chiffre d'affaires des pièces de carrosserie des réseaux des marques. Or la rentabilité se situe déjà en moyenne à moins de 1 % du chiffre d'affaires, et le marché de l'après-vente baisse depuis plusieurs années. Si le marché devait être libéralisé, les constructeurs mais aussi les réparateurs seraient confrontés à une concurrence déloyale qui ne devra pas remplir les mêmes conditions (disponibilité des pièces, stockage, rapidité de fourniture). Ainsi, les commerces et les services de l'automobile seraient toujours tenus de vendre toutes les pièces visibles, même les plus anciennes (pièces disponibles dix ans après la fin de série du véhicule) alors que les nouveaux acteurs se concentreraient sur les plus vendues. Toute abrogation de ce droit sur les « dessins et modèles » serait inacceptable car elle remettrait en cause l'activité carrosserie-réparation des entreprises et entraînerait une réduction du maillage territorial des réseaux automobiles. L'abrogation n'apporterait aucun gain significatif de pouvoir d'achat aux consommateurs et ne provoquerait qu'un transfert de la marge des constructeurs vers les nouveaux opérateurs indépendants. Elle ne serait pas de nature à entraîner une baisse des primes d'assurance. Des experts indépendants ont démontré que le consommateur gagnerait au mieux 5 euros par an. En effet, la hausse du prix des pièces, et de façon générale de l'après-vente automobile, s'explique objectivement (notamment par la flambée du prix des matières premières). Enfin la qualité et la sécurité des produits adaptables se révèlent moindres. En conclusion, l'abrogation de la protection des dessins et modèles pour les pièces visibles entraînerait une fragilisation générale de la filière automobile tant au niveau industriel qu'au niveau de la distribution, et une destruction de ses emplois, en favorisant l'entrée sur le marché de fournisseurs de pièces produites en Asie. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir faire part de sa position sur les effets que pourraient avoir la loi « droits des consommateurs » dont certains amendements militent en faveur d'une libéralisation totale du marché des pièces de carrosserie.

Réponse publiée le 9 avril 2013

L'autorité de la concurrence a rendu un avis le 8 octobre 2012 relatif au fonctionnement concurrentiel des secteurs de la réparation et de l'entretien de véhicules, de la fabrication et de la distribution de pièces de rechange, dans lequel elle émet des propositions pour renforcer la concurrence dans la filière. La principale de ces propositions est d'ouvrir de manière progressive et maîtrisée le marché des pièces de rechange visibles, qui représente moins de 20 % du marché global de la distribution de pièces détachées automobile. Plutôt qu'une approche opposant le statu quo et une libéralisation brutale, différentes considérations ont conduit le Gouvernement à étudier, en concertation avec les professionnels, une palette d'options. En effet, si l'introduction d'une clause de réparation est susceptible de procurer des gains, au demeurant difficiles à quantifier pour les consommateurs, ces derniers doivent être mis en balance avec les conséquences qu'elle peut avoir sur l'emploi et le tissu industriel, à la lumière du contexte propre à chaque pays. Ainsi, en France, les constructeurs automobiles français se sont engagés auprès du Gouvernement, en particulier sur les emplois affectés sur le territoire national, à la conception et à la production de pièces détachées visibles, sur les investissements afférents mais aussi en termes d'évolution du prix des pièces visibles. Une première piste d'amélioration qui fait l'objet de travaux est celle d'un partage des droits de propriété intellectuelle entre les constructeurs et les équipementiers. Le Gouvernement a invité les organisations représentatives de ces professionnels à poursuivre leur négociation dans une approche constructive pour aboutir à un accord substantiel et équilibré dont tant la compétitivité du tissu industriel français que le pouvoir d'achat des consommateurs pourront être bénéficiaires. Cette orientation rejoint une recommandation du Conseil économique, social et environnemental qui, dans son rapport du 23 octobre 2012, rappelle également la nécessité de préserver la propriété intellectuelle qui constitue un levier de la recherche et de l'innovation et un outil stratégique de maintien d'activité industrielle en France, tout en veillant à garantir la réparabilité de l'ensemble du parc circulant pour l'ensemble des consommateurs. Une autre voie d'amélioration, sur laquelle le Gouvernement a également invité les constructeurs à travailler, est celle de la filière des pièces de réemploi issues du recyclage. Sans constituer une alternative à la fluidification du marché des pièces détachées automobile, cette action en est un complément utile, tant sous l'angle du développement durable que sous ceux de la préservation du pouvoir d'achat et de l'aide à la mobilité des personnes au revenu modeste. Les modalités d'une amélioration de l'information des consommateurs sur le prix des pièces détachées, y compris au stade de l'achat de véhicules neufs ou d'occasion, sont également à l'étude. Enfin, il va de soi que les corps d'enquête de l'État restent très attentifs au respect, à tous les stades de la chaîne économique de ce secteur, des règles du droit économique qui sont garantes d'un bon encadrement des relations commerciales entre entreprises, telles notamment que l'interdiction des pratiques de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, prévue par le 2° de l'article L. 442-6 du code de commerce, ou que la lutte contre la contrefaçon.

Données clés

Auteur : M. Michel Terrot

Type de question : Question écrite

Rubrique : Automobiles et cycles

Ministère interrogé : Économie et finances

Ministère répondant : Redressement productif

Dates :
Question publiée le 23 octobre 2012
Réponse publiée le 9 avril 2013

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