Question de : M. Christophe Premat
Français établis hors de France (3e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Christophe Premat attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur une tendance récente du marché de l'art qui est la privatisation des ventes par les sociétés d'enchère. La loi de libéralisation des ventes publiques en France, entrée en vigueur le 1er septembre 2011, permet aux maisons de vente d'organiser des ventes privées. Le risque est que ces grandes maisons de vente écrasent le marché avec des géants tels que Sotheby's ou Christie's. Les maisons de taille intermédiaire n'ont ainsi pas la possibilité de se créer un réseau et d'exister sur ce marché. Il aimerait savoir s'il existe des options de la part des pouvoirs publics pour pouvoir orienter ce marché et éviter qu'il ne se déstructure au profit des grandes maisons de vente captant les bénéfices les plus importants depuis cette loi.

Réponse publiée le 11 août 2015

Parmi d'autres objectifs, la loi n° 2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes publiques de meubles aux enchères publiques a tiré, pour ce secteur d'activité, les conséquences de la directive européenne du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur (dite directive « Services » ou « Bolkestein »). Afin de faciliter la liberté d'établissement des prestataires de services et la liberté de prestation de services dans l'Union européenne, cette directive demande notamment, par son article 25 relatif aux activités pluridisciplinaires, aux États membres de veiller « à ce que les prestataires ne soient pas soumis à des exigences qui les obligent à exercer exclusivement une activité spécifique ou qui limitent l'exercice conjoint ou en partenariat d'activités différentes ». Les ventes volontaires ne pouvaient donc échapper à ce décloisonnement, également mis en oeuvre pour d'autres professions. Cela s'est traduit, dans le projet de loi de réforme des ventes volontaires, par l'introduction de nouvelles facultés d'exercice pour les professionnels des enchères, notamment celle de procéder à des ventes de gré à gré. L'ouverture de cette possibilité, souhaitée par certains car elle existe depuis longtemps dans beaucoup d'autres pays, a fait débat et a notamment suscité l'opposition des négociants, qui y ont vu une atteinte prévisible à leur propre activité. Aux termes de l'actuel article L. 321-5 du code de commerce, des conditions ont néanmoins été posées par la loi : les opérateurs de ventes volontaires ne peuvent pratiquer la vente de gré à gré qu'après avoir informé au préalable par écrit le vendeur de sa possibilité de recourir à une vente aux enchères. En outre, l'opérateur ne peut procéder à la vente de gré à gré qu'en tant que mandataire du propriétaire ; le mandat doit être établi par écrit et comporter une estimation du bien. Enfin, la cession doit faire l'objet d'un procès-verbal. Depuis l'entrée en vigueur du texte, force est de constater que seuls les plus grands opérateurs de ventes volontaires se sont emparés de la nouvelle possibilité offerte par la loi de 2011 et que la part que représente la vente de gré à gré dans leurs chiffres d'affaires tend à augmenter. On observera, cependant, que les deux grandes maisons internationales, implantées en France, pouvaient auparavant, grâce à leur réseau mondial, facilement contourner l'interdiction en délocalisant ces ventes sur une de leurs succursales et qu'elles n'ont à présent plus de raison de le faire, ce qui permet désormais au marché français d'en bénéficier. Plus qu'une question de moindre capacité à mettre en oeuvre la vente de gré à gré, il semble que les opérateurs de taille intermédiaire, considérant que cette activité s'éloigne trop des fondamentaux de leur métier initial de commissaire-priseur, n'ont pas encore particulièrement cherché à profiter de cette opportunité, dont ils ne se saisissent que ponctuellement, sans stratégie préétablie de développement dans ce domaine. En conséquence, plus que par une intervention des pouvoirs publics, c'est sans doute bien davantage dans l'évolution des propres pratiques de la profession que résident les perspectives de rééquilibrage entre les divers opérateurs du secteur des enchères. Par ailleurs, ces maisons de ventes de rang intermédiaire disposent d'autres outils/leviers de croissance, notamment avec les perspectives offertes par la visibilité nationale et mondiale que peuvent leur apporter les ventes via Internet, parfois organisées sur des plates-formes mutualisées entre professionnels. Quoi qu'il en soit, le ministère de la culture et de la communication veille, pour sa part, à recourir sans exclusive à tout opérateur de ventes volontaires qui propose à la vente des biens culturels dont l'acquisition par gré à gré se révèle souhaitable pour enrichir les collections nationales.

Données clés

Auteur : M. Christophe Premat

Type de question : Question écrite

Rubrique : Ventes et échanges

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Dates :
Question publiée le 21 avril 2015
Réponse publiée le 11 août 2015

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