Question écrite n° 80531 :
DOM-ROM : Guyane

14e Législature

Question de : M. Gabriel Serville
Guyane (1re circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Gabriel Serville alerte Mme la ministre des outre-mer sur la situation très préoccupante des jeunes de Maripasoula, dans l'intérieur guyanais. En effet, le 19 mai 2015, une jeune collégienne de 14 ans est décédée suite à l'ingestion volontaire de paraquat, un désherbant très puissant interdit à la vente sur le territoire français mais en circulation au Suriname voisin. On déplorait déjà 4 tentatives, heureusement infructueuses, par des jeunes collégiennes du collège de Maripasoula sur les trois derniers mois seulement. On estime ainsi que chaque année, une dizaine d'adolescents bushinengués se suiciderait en Guyane en avalant ce neurotoxique. Il lui demande donc de lui donner des informations quant aux mesures qu'envisage le Gouvernement pour investiguer sur la cause de ce phénomène ainsi que sur les moyens mis en place, notamment par l'éducation nationale pour y remédier.

Réponse publiée le 22 septembre 2015

La survenue de suicides ou de tentatives de suicide chez les jeunes amérindiens et bushinengués est un phénomène récurrent et préoccupant. Les causes des suicides ont fait depuis plus de 10 ans l'objet de différentes études anthropologiques et psychosociologiques. Elles reflètent globalement une perte de repères et un malaise sociétal profond plus que des troubles psychologiques individuels. Le suicide concerne plus particulièrement les adolescents et jeunes adultes en rupture avec leur milieu d'origine du fait de l'éloignement dû à la scolarisation. La déstructuration du milieu familial amplifie ce désarroi. Cette perte de repères expliquerait une consommation d'alcool et de drogues pouvant mener au suicide. Souvent les jeunes vont chercher du Paraquat à Albina 2 au Suriname. Afin de prévenir ce fléau, un accompagnement social et éducatif est indispensable. Depuis plusieurs années déjà, l'académie de Guyane crée des lieux de scolarisation de proximité. Ces créations ont pour but de rompre avec la scolarisation des jeunes amérindiens et bushinengués dans des internats à plusieurs centaines de kilomètres de leur famille, de leur village d'origine et de leurs racines. En outre, l'académie de Guyane s'est dotée d'intervenants en langue maternelle. Cette valorisation de la langue et de la culture de l'élève permet de lui donner ou de lui faire regagner une estime de soi, clef de voûte d'une réussite future et élément de lutte contre le suicide. Un plan d'actions triennal destiné à couvrir les deux fleuves limitrophes (Maroni et Oyapock) a été proposé par la Préfecture de Guyane ; celui-ci se décline selon 5 objectifs : - renforcer les capacités des acteurs concernés (habitants, médiateurs, partenaires, élus) à agir sur les déterminants de la santé des habitants en mobilisant leurs savoirs, savoir-faire et savoir-être ; - coordonner les actions d'accès à la santé mentale et de promotion de la santé ; - renforcer les actions de médiation sur le terrain ; - développer, valoriser et partager les connaissances, les pratiques et les expertises en santé chez les habitants ; - développer les actions de coopération transfrontalière avec le Brésil et le Suriname. Le pilotage de ce plan serait confié à l'Association ADER (actions pour le développement, l'éducation et la recherche) qui travaille depuis 2009 sur un programme global de prévention communautaire du suicide dans le Haut-Maroni. Le comité consultatif des populations amérindiennes et bushinenguées (CCPAB), qui doit être consulté au préalable pour tout projet ou proposition de délibération de l'assemblée de Guyane emportant des conséquences sur l'environnement, le cadre de vie ou intéressant les activités culturelles des populations amérindiennes et bushinengue, joue un rôle important de relais et de médiation auprès de institutions concernant les besoins de ces populations et l'amélioration de leurs conditions de vie. Une redynamisation de cette instance, sous l'impulsion de la préfecture de Guyane, a été initiée en 2014, le CCPAB s'est ainsi réuni en novembre 2014. Une « Cellule pour le mieux-être des populations de l'intérieur », rattachée au CCPAB, a été mise en place afin d'assurer l'articulation entre les administrations, les personnels de santé, les enseignants, les chefferies, les associations et les habitants et de définir des actions prioritaires nées de la concertation de ces acteurs. La mise en place d'un volet spécifique à l'outre-mer dans le prochain programme national d'actions contre le suicide préparé par le ministère en charge de la santé a été demandée lors d'une rencontre entre la direction générale des outre-mer (DGOM) et la direction générale de la santé (DGS). La prévention du suicide et des attitudes suicidaires est en outre un objectif opérationnel dont la prise en compte a été demandée au ministère en charge de la santé dans le cadre de l'élaboration de la Stratégie nationale de santé pour les outre-mer qui doit être présentée d'ici la fin 2015. Enfin, une mission parlementaire, demandée par le Premier ministre et placée auprès de la ministre des outre-mer, a été confiée à deux parlementaires (Mmes Aline ARCHIMBAULT, Sénatrice et Marie-Anne CHAPDELAINE, Députée) pour dresser un bilan des actions menées en faveur de ces populations et formuler des propositions visant à améliorer et à renforcer le cas échéant les actions d'éducation et de santé en faveur de ces populations. Leur rapport est attendu d'ici le 30 novembre 2015.

Données clés

Auteur : M. Gabriel Serville

Type de question : Question écrite

Rubrique : Outre-mer

Ministère interrogé : Outre-mer

Ministère répondant : Outre-mer

Dates :
Question publiée le 2 juin 2015
Réponse publiée le 22 septembre 2015

partager