Question de : M. Christian Kert
Bouches-du-Rhône (11e circonscription) - Les Républicains

M. Christian Kert attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur CFI (ex Canal France international) dont la mission, entre autre, était jusqu'présent de fournir gracieusement des programmes au titre de la diffusion culturelle à des chaînes de télévision n'ayant pas les budgets pour les acquérir. Ainsi, au plus fort de son activité CFI fournissait des programmes à des dizaines de diffuseurs la plupart publics en PECO, Afrique, PMO et Asie. Malheureusement, cette activité s'est réduite au fil des réductions de budget et des arbitrages de la direction de CFI en faveur des actions de formation. À l'heure actuelle, la banque de programmes est cantonnée aux pays d'Afrique. Face à la baisse de ses ressources du fait de la baisse de son allocation du ministère, il a été décidé de mettre fin à son activité historique de banque de programmes pour se concentrer sur son activité de formation. Or ce choix paraît douteux stratégiquement et particulièrement néfaste pour la francophonie, le rayonnement des images françaises à l'international et les diffuseurs partenaires. La principale critique adressée à CFI a été la gratuité. L'argument étant que ce qui est gratuit ne vaut rien et qu'il ne faut pas tomber dans l'assistanat. Ce n'est pas parce que l'on donne des programmes qu'il ne faut pas s'assurer qu'ils soient effectivement repris par les diffuseurs partenaires. Il est vrai que pendant un certain temps, CFI n'a pas fait ce travail de monitoring et d'incitation, se contentant d'une mise à disposition, sans réel suivi. Pourtant, là où ce travail a été effectué, il y a eu des résultats remarquables comme par exemple sur la zone PECO où on a pu constater des taux de reprise impressionnants. Ainsi, par exemple, la télévision nationale roumaine alimentait très largement sa chaine culturelle avec des programmes fournis par CFI. Cette chaine a dû être fermée du fait de l'effet conjugué de la baisse des ressources de la TVR et de la fin de l'action de CFI sur cette zone géographique. Il faut savoir que l'arrêt de la fourniture de programmes par CFI n'a jamais été compensé par la hausse des exportations françaises. En effet, les diffuseurs publics de certains pays ne disposent tout simplement pas de budgets d'acquisition. À titre d'exemple, on peut citer la Géorgie, l’Arménie, le Monténégro, le Cambodge ou le Laos et la plupart des pays d'Afrique francophone. Là où les ventes de programmes français sont plus consistantes aujourd'hui comme par en exemple en Croatie, en Serbie, en Pologne ou encore au Vietnam, c'est en grande partie grâce à l'action de CFI qui a habitué les publics locaux à regarder des images françaises. Cette action de CFI a permis aux exportateurs français de prendre le relais, lorsque les diffuseurs de ces pays ont été dotés de budgets d'acquisition. Un coup fatal va donc être porté en Afrique avec la décision probable de la direction de CFI d'arrêter sa banque de programmes alors que la quasi-totalité des diffuseurs publics d'Afrique n'ont pas encore de réels budgets d'acquisition. La conséquence est connue d'avance car les diffuseurs africains ont déjà compensé la baisse drastique du nombre d'heures déjà fournies par CFI en affermant une partie de leur grille à des sociétés intermédiaires. En échanges des recettes publicitaires, ces dernières alimentent les grilles en programmes puisé dans les catalogues de telenovellassud-américaines ou de fictions anglo-saxonnes. La France abandonne donc le paysage audiovisuel africain au moment où la Chine y fait une entrée fracassante. Dès 2013, les acheteurs de la société chinoise Star Times arpentaient les allées du marché du DISCOP Africa à Johannesburg. Leur mission : acheter à bas prix 900 heures de programmes français (largement financés par le CNC) pour alimenter les chaines francophones qu'ils venaient de lancer dans des pays tels que le Congo ou le Cameroun. De quoi un peu plus affaiblir nos partenaires historiques que sont les diffuseurs publics. On pourrait argumenter que la présence audiovisuelle françaises et francophone est assurée grâce à TV5 ou France 24 : c'est négliger le fait qu'il s'agit de chaines largement vues par des expatriés et dont le mode de diffusion par satellite ou Internet les rendent marginales par rapport à la diffusion hertzienne des chaines partenaires de CFI. En abandonnant sa banque de programmes, la direction de CFI prive la France d'un outil unique, de ce que les américains appellent le soft power . La présence des images françaises sur les écrans de télévision n'est pas qu'un enjeu de diversité culturelle mais également économique car ces images sont une vitrine de notre pays, de notre savoir-faire et de nos produits avec toutes les retombées indirecte pour nos exportations. Avec un budget d'acquisition faible, que nous estimons largement inférieur au million d'euros CFI ouvre la voie aux futures exportations françaises de programmes audiovisuels de notre pays. Son action permet à de larges populations d'avoir accès à nos programmes alors qu'elles n'ont pas forcément les moyens de s'abonner à des bouquets satellite. C'est enfin un coup porté à la francophonie car une partie du budget d'acquisition de CFI se reporte sur des programmes africains qui y trouvent une manne salutaire. On peut donc légitimement questionner l'arbitrage de la direction de CFI d'abandonner sa banque de programmes au profit des seules actions de formation. En fait, celles-ci sont déjà menées en particulier à destination de l'Afrique par des organismes tels que l'INA, France24 ou France Télévisions. À l'heure où il est question d'éviter les « doublons » entre les différentes agences gouvernementales, il lui demande si une meilleure coordination ne permettrait-elle pas de dégager des ressources pour maintenir voire développer l'action unique et pionnière que constitue la banque de programmes de CFI.

Réponse publiée le 1er décembre 2015

Le ministère des affaires étrangères et du développement international a demandé à Canal France International de cesser progressivement les activités de distribution de programmes depuis son rattachement au programme budgétaire 209 "Solidarité à l’égard des pays en développement". Cette décision est motivée d’une part par les contraintes budgétaires qui ont conduit à réduire de 40 % la dotation à CFI entre 2014 et 2017 et d’autre part, par le souhait de mettre fin aux activités de coopération, qui peuvent s’apparenter à de la substitution, au profit de la formation et du transfert d’expertise. Les activités de CFI doivent désormais viser à professionnaliser des télévisions et des radios partenaires, publiques et privées, ainsi que des médias en ligne, dans les pays en développement. En matière de programmes, l’objectif de CFI, en tant qu’agence de développement, est d’accompagner les télévisions partenaires vers la pleine autonomie. Dès 2009, CFI a invité les chaînes partenaires à franchir une étape en introduisant une formule d’abonnement et des mécanismes de consultation, qui leur ont permis de devenir progressivement des acteurs de leur politique de programmation. En 2014, le budget d’acquisition de programmes audiovisuel français par CFI ne s’élevait plus qu’à environ 550 000 €. L’arrêt définitif de la fourniture gratuite de programmes, à compter de juin 2015, est accompagné du dispositif "Afrique programmes" afin de stimuler l’acquisition directe de programmes choisis par les chaînes africaines. Le programme d’accompagnement de CFI intervient au moment où le marché africain émerge : le lancement de la télévision numérique terrestre, l’arrivée de nouveaux opérateurs locaux et étrangers, et la couverture nationale du territoire par les principaux diffuseurs hertziens vont créer un important besoin de programmes. Ce contexte engendre un environnement favorable à l’établissement de relations commerciales directes entre diffuseurs africains et exportateurs français, au moment où les investissements des sociétés françaises sont croissants. A moyen terme, l’arrêt de la banque de programmes ne devrait donc pas porter préjudice aux exportations de programmes audiovisuels français, mais contribuer à développer des liens directs entre diffuseurs africains et producteurs français. Il revient aux distributeurs et producteurs de saisir cette opportunité et d’adapter leurs contenus à ce marché émergent, en mettant en avant le savoir-faire, la qualité et l’innovation de leur production.

Données clés

Auteur : M. Christian Kert

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères

Ministère répondant : Affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 2 juin 2015
Réponse publiée le 1er décembre 2015

partager