Question de : M. Alain Bocquet
Nord (20e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Alain Bocquet attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la question du dispositif de financement de la culture en France. En France, le consommateur participe activement au financement de la culture au moyen de différents prélèvements directs, comme la copie privée, mais aussi indirects tels les nombreuses taxes sur les opérateurs internet. Le montant de la redevance pour copie privée est de 2,60 euros en France contre 1,50 euro en Allemagne et 0,67 euro en moyenne dans l'Union européenne. De plus, les recettes sont affectées de manière très hétérogène et empruntent parfois des circuits complexes, jonchés de multiples guichets. Le huitième rapport de la commission permanente de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits décrit « un système qui n'est au service ni des artistes, ni des consommateurs, mais de lui-même ». Les sommes prélevées par les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) ont progressé mais les créateurs qui s'efforcent de vivre de leur art profiteraient peut-être davantage de cette progression si le système n'était pas aussi complexe, opaque et inefficace. Une évaluation rapide des dispositifs dans leur intégralité semble s'imposer afin de cerner l'ensemble des revenus prélevés sur le consommateur ainsi que la manière dont ils sont affectés. Il lui demande les prolongements que le Gouvernement entend donner au dispositif de financement de la culture, pour une politique culturelle accessible à tous et pour une meilleure rémunération des créateurs.

Réponse publiée le 2 octobre 2012

Le dispositif de rémunération pour copie privée - destiné à compenser financièrement le manque à gagner subi par les auteurs et les titulaires de droits voisins au titre des copies d'oeuvres réalisées sans leur autorisation préalable - a été instauré par la loi n° 85-660 du 3 juillet 1985, relative aux droits d'auteur et aux droits des artistes-interprètes, des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes et des entreprises de communication audiovisuelle. Comme l'a jugé le Conseil d'État, ce prélèvement n'est ni une taxe, ni la compensation d'un préjudice au sens du droit civil, mais une modalité particulière d'exploitation et de rémunération des droits d'auteur et droits voisins à travers un paiement forfaitaire se substituant au paiement à l'acte. Le dispositif de rémunération pour copie privée s'est diffusé, depuis lors, dans vingt et un pays de l'Union européenne et a été intégré au droit de l'Union européenne par la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001, relative à l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information. La rémunération pour copie privée constitue, en France, une part importante des droits perçus au titre de la propriété littéraire et artistique. Elle a ainsi représenté, en 2010, un montant de 189 M€ répartis par la société de perception et de répartition « Copie France » entre les auteurs, les artistes-interprètes, les producteurs et les éditeurs de la musique, du cinéma, de l'audiovisuel, de l'image fixe et de l'écrit. Les sommes sont en effet réparties par la société « Copie France », selon des clés fixées par la loi, entre les sociétés de gestion collective concernées, qui agissent sous le contrôle de la Commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits. Il appartient ensuite à chacune de ces sociétés de gestion collective d'arrêter les règles de répartition entre ses membres. Si 75 % des sommes collectées sont directement reversées aux créateurs et aux titulaires de droits voisins, le reste - soit 25 % de la rémunération pour copie privée - est obligatoirement dédié, en application de la loi de 1985, à des actions d'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes. Le montant de cette ressource s'élevait en 2010 à environ 47 M€. En s'acquittant de la rémunération pour copie privée, le public participe donc directement au financement de près de 5 000 manifestations culturelles dans une grande diversité de genres et de répertoires (grands et petits festivals, pièces de théâtre, concerts, spectacles de rue ou de marionnettes, courts-métrages, documentaires de création). Les taux de rémunération, les types de supports assujettis, ainsi que les modalités de versement de la rémunération sont déterminés par la commission administrative prévue à l'article L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle. Composée à la fois de représentants des ayants droit, des industriels et des importateurs de supports assujettis et des consommateurs, qui supportent in fine la charge de la rémunération, cette commission a adopté 15 décisions depuis sa création. A la suite d'une décision du Conseil d'État du 17 juin 2011, qui faisait elle-même suite à un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 octobre 2010, le législateur a réformé les modalités de prise en compte des usages professionnels avec la loi n° 2011-1898 du 20 décembre 2011, relative à la rémunération pour copie privée, adoptée par un très large consensus. Désormais, la rémunération n'est plus due « pour les supports d'enregistrement acquis notamment à des fins professionnelles dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée ». Le Conseil constitutionnel s'est prononcé le 20 juillet 2012 sur la constitutionnalité de cette loi et a reconnu à cette occasion le caractère d'intérêt général qui s'attache au maintien du dispositif de rémunération pour copie privée. Portant sur un point très particulier et réalisée dans une urgence dictée par le calendrier de mise en oeuvre de la décision du Conseil d'État, la réforme législative de 2011 n'est pas exclusive d'une réflexion plus large sur le mécanisme de rémunération pour copie privée, notamment au regard des évolutions technologiques et des pratiques de copie privée dans l'environnement numérique. Au-delà du mécanisme de la rémunération pour copie privée, l'enjeu est celui du financement de la création. A cet égard, le Gouvernement a fait de la rémunération de la création l'un des axes de son action en matière culturelle, aux côtés du respect des droits et du développement de l'offre légale. Des mécanismes, tels que la taxe sur les services de télévision et la rémunération pour copie privée, convergent dans leurs objectifs puisqu'ils visent tous deux à assurer la rémunération de la création dans l'environnement numérique. Ils répondent cependant à des logiques distinctes portant, pour le premier, sur une politique culturelle publique dédiée au financement des mécanismes d'aides au cinéma et à l'audiovisuel et, pour le second, sur une modalité particulière d'exploitation et de rémunération des droits d'auteur.

Données clés

Auteur : M. Alain Bocquet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Culture

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Dates :
Question publiée le 17 juillet 2012
Réponse publiée le 2 octobre 2012

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