actes
Question de :
M. François Brottes
Isère (5e circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen
M. François Brottes attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la situation des personnes transgenres, qui rencontrent de grandes difficultés dans notre pays du fait de l'obligation qui leur est faite de subir une opération de stérilisation irréversible pour obtenir la modification de leur état civil conformément à leur identité de genre. Outre le fait que l'opération, en elle-même, peut ne pas être souhaitée et considérée comme une atteinte à l'intégrité de la personne, nombre de personnes transgenres, quand bien même elles souhaiteraient bénéficier de cette opération, s'en trouvent empêchées, soit parce qu'elles font l'objet d'un refus de la part du comité médical (refus souvent non argumenté et perçu comme arbitraire), soit parce qu'elles ne remplissent pas les conditions d'accès, dont certaines sont clairement discriminatoires : ainsi, le GRETIS, à Lyon, soumet l'entrée dans le protocole médical à des critères d'âge (plus de 25 ans et moins de 40 ans), de ressources et d'emploi (« avoir un logement stable et des ressources fixes », ne pas avoir d'enfants mineurs à charge, etc. Quand on sait les immenses difficultés que rencontrent les personnes transgenres à accéder au marché du travail, préalablement à leur changement d'état civil, puisqu'elles ont une apparence et souvent un prénom d'un genre différent de celui indiqué dans leurs documents d'identité, carte vitale, ou diplômes, cette seule condition anéantit leurs perspectives d'accéder à l'opération qui leur permettra, précisément, de remplir cette condition préalable. Beaucoup de personnes transgenres, engagées dans un processus de changement d'identité, se disent « piégées », « prises en otage », à la fois trop engagées dans la démarche pour qu'un retour en arrière soit possible (du fait d'un traitement hormonal suivi depuis plusieurs années, ou d'une officialisation de leur identité de genre auprès de leurs proches) et en même temps dans l'incapacité de finaliser la démarche qui leur permettrait de mener une vie acceptable. Le seul recours reste alors le financement sur fonds propres de l'opération, pour un montant de 10 000 euros au minimum (à l'étranger) que beaucoup ne peuvent assumer et avec des inconnues importantes quant à la qualité médicale de la prestation. Afin de pallier ces différentes injonctions paradoxales, et discriminations patentes, une proposition de loi de Mme Michèle Delaunay et plusieurs de ses collègues avait été déposée sous la précédente législature, le 22 décembre 2011, sous le n° 4127. Il souhaiterait savoir s'il est dans ses intentions de donner suite à cette proposition de loi qui semble répondre aux légitimes préoccupations des personnes transgenres en France et de nature à garantir le respect de leurs droits fondamentaux.
Réponse publiée le 30 avril 2013
Le ministère de la justice porte une attention particulière à la question de la procédure de modification de la mention du sexe à l'état civil, dont les contraintes découlent du principe de l'indisponibilité des personnes signifiant que nul ne peut disposer de l'état d'une personne c'est-à-dire modifier le sexe, l'âge, la filiation.... La procédure suivie dans le cadre d'un processus de changement de sexe résulte de la jurisprudence établie depuis 1992 par la Cour de cassation, aux termes de laquelle la modification de l'état civil peut être judiciairement ordonnée « lorsque, à la suite d'un traitement médico-chirurgical subi dans un but thérapeutique, une personne présentant le syndrome du transsexualisme ne possède plus tous les caractères de son sexe d'origine et a pris une apparence physique la rapprochant de l'autre sexe, auquel correspond son comportement social ». La notion de « traitement médico-chirurgical » a été précisée dans une circulaire en date du 14 mai 2010 diffusée à l'attention des parquets généraux, afin de favoriser une interprétation souple de la notion même de changement de sexe. Ainsi, elle n'exige pas une opération de réassignation sexuelle, des traitements hormonaux ayant pour effet une transformation physique ou physiologique définitive, associés, le cas échéant, à des opérations de chirurgie plastique (prothèses ou ablation des glandes mammaires, chirurgie esthétique du visage...) permettant, dès lors qu'ils ont entraîné un changement de sexe irréversible, la modification du sexe mentionné à l'état civil. Aucune opération de stérilisation n'a jamais été exigée ni même mentionnée par la Cour de cassation ou les juridictions du fond dans leurs décisions. Sensible à la situation douloureuse et aux difficultés pouvant être vécues par les personnes transgenres, et comme l'y invite la résolution 1728 (2010) de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, le gouvernement souhaite simplifier ce parcours, qui peut s'avérer long et complexe. A ce titre, la proposition de loi visant à la simplification de la procédure de changement de la mention du sexe dans l'état civil, déposée le 22 décembre 2011 sur le bureau de l'Assemblée nationale, constitue une base de travail, de même que les diverses consultations actuellement menées auprès des associations de défense des droits des personnes transidentitaires et de la commission nationale consultative des droits de l'Homme. En outre, le gouvernement, soucieux de mettre un terme aux pratiques discriminatoires évoquées, a engagé, dans la lignée de la loi n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel qui a modifié la définition du champ des discriminations incriminées afin d'intégrer à l'article 225-1 du code pénal les distinctions opérées à raison de l'identité sexuelle, un programme d'action interministériel contre les violences et les discriminations commises à raison de l'orientation sexuelle ou l'identité de genre. Enfin, un intérêt particulier sera porté à l'amélioration de la qualité des parcours psychiatrique, endocrinologique ou chirurgical des personnes transsexuelles, dans le respect du principe du libre-choix du médecin et de la dignité des personnes.
Auteur : M. François Brottes
Type de question : Question écrite
Rubrique : État civil
Ministère interrogé : Affaires sociales et santé
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 30 octobre 2012
Réponse publiée le 30 avril 2013