enfants
Question de :
M. Jean-Christophe Lagarde
Seine-Saint-Denis (5e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
M. Jean-Christophe Lagarde attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, sur la situation des enfants recueillis par des familles françaises sous le régime de la kafala judiciaire. La kafala judiciaire est un mode de recueil de l'enfant dans les pays musulmans comme le Maroc ou l'Algérie qui ne reconnaît pas un lien de filiation, à l'inverse des dispositions régissant en France l'adoption. L'article 370-3, alinéa 2 de la loi du 6 février 2001 interdit aux ressortissants français tant l'adoption simple que l'adoption plénière des enfants recueillis sous le régime de la kafala. Pourtant d'autres pays européens ont reconnu la kafala judiciaire dans leur législation. Ces dispositions ont des conséquences fâcheuses pour ces enfants et leurs familles puisqu'ils laissent sans protection ces enfants qui sont considérés, jusqu'à leur naturalisation au bout de cinq ans de résidence, comme des mineurs étrangers isolés. Cette fragilité juridique est source de forte insécurité pour les familles concernées, notamment dans leurs rapports avec l'administration et les organismes sociaux. Cette situation a été déplorée tant par la HALDE que la Défenseure des enfants car contraire aux nombreuses conventions des droits de l'enfant auxquelles la France a adhéré. C'est pourquoi il lui demande quelles sont les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour résoudre la situation de tous ces enfants, qui ont déjà subi le traumatisme de l'abandon, et qui sont maintenus dans une situation instable vis-à-vis de leurs parents adoptifs.
Réponse publiée le 13 août 2013
La kafala est une institution de droit coranique qui permet de confier un enfant, durant sa minorité, à une famille musulmane (kafil) afin qu'elle assure bénévolement sa protection, son éducation et son entretien. En Algérie comme au Maroc, la kafala, qui peut être adoulaire ou judiciaire, peut concerner des enfants ayant des parents biologiques qui ne peuvent matériellement ou moralement les élever, ou des enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins. Dans ce dernier cas, au Maroc, la kafala procède nécessairement d'une décision judiciaire. La kafala est donc une institution qui a pour objet d'offrir à un enfant une protection sans créer de lien de filiation entre lui et le kafil. Elle ne peut donc être assimilée à une adoption, ce qui a été rappelé par la Cour de cassation à propos de l'adoption simple (Civ 1re, 10 octobre 2006). Afin de garantir le respect de la législation des pays étrangers, la loi n° 2001-111 du 6 février 2001 relative à l'adoption internationale a introduit dans le code civil des dispositions interdisant le prononcé en France de l'adoption d'un mineur étranger dont la loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce dernier est né et réside habituellement en France. Or, le droit algérien comme le droit marocain prohibent formellement ce mode d'établissement de la filiation. Si la kafala ne peut pas être juridiquement assimilée à une adoption, elle permet toutefois à l'enfant de bénéficier d'une protection en France conformément aux prescriptions de l'article 20 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 qui prévoit qu'un enfant privé de son milieu familial doit pouvoir bénéficier d'une protection de remplacement. Ainsi, la kafala judiciaire (ainsi que la kafala adoulaire homologuée par le tribunal), comme toute décision relative à l'état des personnes, a vocation à être reconnue de plein droit sur le territoire français, sans formalité particulière, dès lors que sa régularité internationale n'est pas contestée. Les effets du jugement de kafala diffèrent en fonction du contenu de la décision et de la situation de l'enfant recueilli. Ainsi, dans le cas d'enfants abandonnés, sans filiation connue ou orphelins pour lesquels seule une kafala judiciaire peut être prononcée, celle-ci produit en France des effets comparables à ceux d'une tutelle sans conseil de famille, le kafil étant investi de l'ensemble des prérogatives d'autorité parentale sur l'enfant. Dans le cas d'enfants ayant encore des parents en état d'exercer leurs prérogatives, la kafala est assimilable en France à une délégation d'autorité parentale totale ou partielle. La kafala est donc reconnue en droit interne, tout en conciliant les impératifs que sont la protection de l'enfant et le respect de sa loi personnelle. Le respect de cet équilibre a conduit la Cour européenne des droits de l'homme, dans sa décision du 4 octobre 2012, à considérer que le droit français était respectueux des conventions internationales et ne portait pas atteinte au droit à une vie familiale normale. Il convient de relever en outre que l'interdiction d'adopter cesse à partir du moment où l'enfant acquiert la nationalité française, ce qui est possible après que l'enfant aura résidé cinq années sur le territoire français au sein de sa famille d'accueil. Les propositions de réforme portées à l'attention du gouvernement par le défenseur des droits, susceptibles d'améliorer les conditions d'accueil et de vie en France des enfants concernés, font actuellement l'objet d'un examen attentif. Par ailleurs, une circulaire destinée à rappeler les règles applicables et à faciliter les démarches des familles est en cours de rédaction au ministère de la justice.
Auteur : M. Jean-Christophe Lagarde
Type de question : Question écrite
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Famille
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 30 octobre 2012
Réponse publiée le 13 août 2013