amnistie
Question de :
M. Jean-Jacques Candelier
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Jacques Candelier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les recommandations du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Alors que la surpopulation carcérale vient d'atteindre un nouveau record le 1er mai 2011, plaçant le nombre de détenus à 67 000 pour 57 000 places, il estime nécessaire de relancer la question de l'amnistie présidentielle. Ce serait un moyen alternatif de désengorger les 192 établissements carcéraux français, saturés par des peines d'emprisonnement courtes. Elle s'appliquerait aux condamnations n'excédant pas 6 mois de prison et celle prononcées depuis plus de deux ans. Il lui demande si elle entend donner suite aux préconisations du contrôleur général des lieux de privation de liberté et si les courtes peines peuvent faire l'objet d'un aménagement plutôt qu'une incarcération.
Réponse publiée le 26 février 2013
La garde des sceaux, ministre de la justice, entend lutter contre la surpopulation carcérale, héritage d'une politique pénale fondée sur le tout carcéral. Le taux de densité carcérale entraîne en effet des conditions de détention dégradées et indignes, ainsi que des conditions de travail difficiles pour les personnels : au 1er décembre 2012, 10 établissements pénitentiaires présentaient un taux de surpopulation carcérale supérieur à 200 % et 32 entre 150 et 200 %. Loin d'être une fatalité, la surpopulation carcérale est l'objet de toute l'attention de la garde des Sceaux qui a décidé d'intégrer cette réalité dans sa politique pénale, et de la combattre de manière efficace et durable. Dans son avis rendu le 22 mai 2012 relatif à la surpopulation carcérale, constatant que la France comptait, au 1er mai 2012, 80 000 personnes écrouées dont plus de 67 000 détenus pour un peu plus de 57 000 places, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté énonce un certain nombre de préconisations. Il propose notamment au Parlement, pour les très courtes peines non exécutées prononcées avant 2012, de réfléchir à une loi d'amnistie spécifique. Plus largement, il a invité le Parlement à se saisir de cet instrument législatif qu'il juge particulièrement opportun. La garde des Sceaux n'a pas souhaité cependant présenter une telle loi, en consédérant que la solution ne réside pas dans des amnisties automatiques mais doit découler d'une nouvelle politique pénale reposant sur une nouvelle gradation et sur l'aménagement des peines. En outre, le bilan des précédentes lois d'amnistie met en avant qu'elles ont eu un impact variable en fonction des contours de l'amnistie définis par la loi. Ainsi, de façon générale, l'effet de l'amnistie est peu important sur les peines d'emprisonnement à exécuter. Une étude (Annie KENSEY, « L'aménagement d'une peine dans sa diversité » - Cahier de démographie pénitentiaire, septembre 2003, ministère de la justice) a montré que l'effet de la loi d'amnistie d'août 2002 sur la libération de condamnés détenus avait été très faible (à peine 1 % de la population pénale) et que le poids de l'amnistie sur la durée de la peine d'emprisonnement ferme réellement effectuée est quasi nul. L'amnistie n'a également qu'un effet réduit sur l'exécution des très courtes peines d'emprisonnement non encore exécutées. Pour réduire la surpopulation carcérale, il convient avant tout de prévenir la récidive. La garde des Sceaux entend à cette fin favoriser l'individualisation de la peine et du parcours pénal de chaque personne condamnée. La surpopulation carcérale apparait en effet comme le résultat d'une politique pénale menée durant ces dix dernières années et privilégiant le recours à l'incarcération pour toute réponse. Le nombre de condamnations à l'emprisonnement ferme a cru de 20 % en dix ans, sans correspondre à une augmentation corrélative des crimes et délits les plus graves. Par ailleurs 40 % des détenus ont été condamnés à des peines fermes de moins de 6 mois. Les courtes peines représentent donc une masse considérable et ces peines sont peu aménagées : seules 20,4 % des personnes incarcérées ont vu leur peine aménagée pour préparer leur réinsertion. 45 % des détenus sont en outre à moins de 6 mois de leur fin de peine. Sur la base de ces constats, la garde des sceaux a, par circulaire du 19 septembre 2012 diffusée à l'ensemble des procureurs généraux et des procureurs de la République, souhaité réorienter la politique pénale vers plus d'efficacité, dans le respect des droits fondamentaux. Ces objectifs se traduiront dans le choix des orientations de procédure, le choix des peines requises et un fort accent porté sur les aménagements de peines. Pour plus d'efficacité, il y a lieu également d'évaluer rigoureusement l'impact des différents types de peine sur les risques de récidive. Quelle que soit la méthodologie retenue, toutes les analyses françaises et étrangères convergent vers des résultats identiques : la prison aggrave le risque de récidive. La prison comme mode de punition légitime n'est pas remise en cause, mais son impact sur le risque de récidive doit être plus sérieusement pris en compte, sachant que l'incarcération aggrave ce risque puisque 63 % des personnes détenues ayant achevé leur peine sans aménagement sont à nouveau condamnées dans un délai de 5 ans, contre 39 % pour celles qui ont terminé leur peine sous le régime de la libération conditionnelle. L'objectif de la nouvelle politique pénale est d'opérer un changement au bénéfice de solutions plus pragmatiques et ayant démontré leur utilité pour promouvoir la sécurité de tous : une grande variété d'aménagements de peine existe pour répondre à la diversité des situations (gravité des faits, personnalité de l'auteur, contexte) : semi-liberté, bracelet électronique, suivi encadré par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, notamment dans le cadre des libérations conditionnelles ou des sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général... Le développement des aménagements de peines constitue ainsi une priorité de l'action de la garde des sceaux, afin que soit redonné tout son sens au principe directeur posé par l'article 707 du code de procédure pénale aux termes duquel « l'exécution de la peine favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion et la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ». Cette priorité devra être déclinée lors de l'audience, après le prononcé de la condamnation et lors de sa mise à exécution. A cette fin, la ministre de la justice a demandé aux procureurs généraux et aux procureurs de la République de veiller à ce que soit recueilli le plus grand nombre d'informations en amont de l'audience permettant d'apprécier la personnalité de l'intéressé, d'adapter la peine requise et d'encourager les aménagements de peines ab-initio. Dans le cadre de l'aménagement de peine décidé par le juge de l'application des peines, la garde des sceaux souhaite que soient facilitées les conditions de son prononcé, notamment par une transmission rapide à ce magistrat des pièces d'exécution, la poursuite des efforts entrepris pour mettre à jour les situations pénales des condamnés et le recours à la procédure hors débat contradictoire en milieu fermé comme en milieu ouvert dès lors que les éléments contenus dans le dossier se révèlent suffisants à éclairer la situation du condamné ainsi que son projet. Chaque situation personnelle doit donner lieu à une évaluation attentive à chaque moment de la procédure et le panel des mesures d'aménagement existant doit être utilisé dans toute sa diversité. La procédure simplifiée d'aménagement de peine (PSAP) et la surveillance électronique de fin de peine (SEFIP) sont également encouragées. Une politique dynamique en matière d'exécution des peines et d'application des peines exige enfin une concertation accrue entre les parquets, les juges de l'application des peines, les services pénitentiaires d'insertion et de probation, ainsi que les établissements pénitentiaires. Ces mesures immédiates sont nécessaires, mais pas suffisantes. C'est pourquoi, la ministre de la justice a engagé dès le 18 septembre 2012 un processus de concertation sous la forme d'une conférence de consensus sur la prévention de la récidive destinée à sortir des échanges polémiques et à bâtir une politique durable assise sur des éléments solides et incontestables. Le jury rendra ses recommandations à la fin du mois de février 2013. La garde des sceaux entend également mener une politique immobilière adaptée permettant notamment la résorption de la vétusté des établissements pénitentiaires. Ainsi, dès le mois de juin 2012, des programmes ont été lancés pour traiter de la vétusté de certains sites. Depuis le mois de septembre 2012, un programme national prévoit de nombreux projets de rénovation. La garde des sceaux s'attache enfin à appréhender au mieux les réalités locales, à travers de nombreux déplacements dans les tribunaux de grande instance, à la rencontre des acteurs de terrain.
Auteur : M. Jean-Jacques Candelier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 3 juillet 2012
Réponse publiée le 26 février 2013