ONU
Question de :
M. Jean-Jacques Candelier
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Jacques Candelier interroge M. le Premier ministre sur les suites qui seront donnés aux recommandations du Comité des droits de l'Homme de l'ONU. Ce comité a rendu son verdict : La France n'est pas le pays des droits de l'Homme. Lois antiterroristes, surveillance, respect des minorités, milieux carcéral et violences policières, droit d'asile et le sort des migrants, des Roms, outre-mer : la France doit faire mieux. D'une manière générale, le Comité souligne que c'est la logique administrative et répressive qui règne en France, sans garanties légales et transparentes suffisantes, qui met la France en faute. Le 23 juillet 2015, le Comité des droits de l'Homme de l'ONU a rendu ses recommandations concernant la France (C. Principaux sujets de préoccupation et recommandations). L'État partie doit maintenant prendre des mesures concrètes. Il lui demande ce qu'il compte faire pour prendre en compte la recommandation n° 17.
Réponse publiée le 8 mars 2016
La France est de longue date au premier rang des Etats qui défendent et promeuvent les droits de l'homme. La ratification, par la France, des multiples instruments internationaux protecteurs des droits de l'homme, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et son Protocole facultatif ou encore, plus récemment, le 3ème Protocole facultatif relatif à la Convention internationale des droits de l'enfant, témoignent de cet engagement. Convaincue de l'importance d'assurer une mise en œuvre effective des droits ainsi consacrés et de leur universalisation, la France est particulièrement attachée aux travaux de suivi des Comités des divers instruments internationaux de protection des droits de l'homme et aux progrès qui en résultent pour la protection des droits fondamentaux. Le Comité des droits de l'homme a d'ailleurs relevé « avec satisfaction » dans ses recommandations rendues publiques le 23 juillet 2015 que la France avait pris de nombreuses initiatives pour protéger les droits civils et politiques. Il a notamment salué l'adoption du plan d'action national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme 2015/2017 et la création d'une délégation interministérielle pour la lutte contre le racisme et l'antisémitisme en 2012, l'adoption de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, de la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, le 14 mai 2014 du plan national d'action contre la lutte des êtres humains 2014/2016, et de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Cependant, le Comité des droits de l'homme a indiqué à la France que certains sujets demeuraient des sources de préoccupations et a formulé à cet égard des recommandations. Plus précisément, le Comité des droits de l'homme a demandé à la France, conformément au paragraphe 5 de l'article 71 du règlement intérieur du Comité, de lui transmettre des renseignements dans un délai d'un an sur la suite qu'il aura donnée à trois recommandations, à savoir celle relative à la rétention de sûreté (§ 11), celle relative aux activités de surveillance (§ 12), et celle relative aux allégations d'abus sexuels commis sur des enfants en Centrafrique par des soldats français (§ 16). En revanche, pour la mise en œuvre de l'ensemble de ses autres recommandations, il a invité les autorités françaises à lui faire parvenir au plus tard le 24 juillet 2020 leur prochain rapport. Le Gouvernement souhaite toutefois dès à présent apporter les précisions qui suivent sur la recommandation 17. La situation des établissements pénitentiaires, particulièrement en outre-mer, mobilise l'attention du Gouvernement. Ainsi, plusieurs opérations immobilières sont actuellement en cours en outre-mer. • en Martinique, au centre pénitentiaire de Ducos, une extension de 160 places supplémentaires devrait être livrée début 2016 (36,5 M€) ; • à Mayotte, au centre pénitentiaire de Majicavo, les investissements en cours portent notamment sur les constructions d'un quartier centre de détention hommes (152 places) et d'un quartier mineurs (30 places) ; de plus, un nouveau centre de rétention administrative a été construit (136 places) ; • en Polynésie française, les travaux de construction d'un nouvel établissement de 410 places à Papeari ont démarré en juillet 2013. La livraison prévisionnelle est programmée pour fin 2016 (113,8M€) ; • en Nouvelle Calédonie, un quartier de préparation à la sortie (QPS) de 80 places a été mis en service en février 2014 ; • en Guyane, au centre pénitentiaire de Remire-Montjoly, la construction de 78 places supplémentaires a été réceptionnée le 24 octobre 2012 (5,6 M€). Le programme immobilier dans le cadre du budget triennal 2015-2017 prévoit des financements en autorisations d'engagement et en crédits de paiement notamment pour la réalisation de la construction d'un nouvel établissement à Koné (Nouvelle-Calédonie – Province Nord) et d'un centre de semi-liberté en Martinique. Est également prévu le financement en autorisations d'engagement pour la construction d'un nouvel établissement en Martinique. Le Gouvernement a conscience que la problématique de la surpopulation carcérale ne peut être réduite à une seule politique immobilière. En effet, la réduction des taux d'occupation des établissements pénitentiaires dépend étroitement tant du développement des peines alternatives à l'emprisonnement (et notamment de la contrainte pénale introduite par la loi du 15 août 2014), que de celui des sorties encadrées dans le cadre des aménagements de peine et de la libération sous contrainte. Ces objectifs, rappelés dernièrement par la loi du 15 août 2014 dont l'adoption a été saluée par le Comité des droits de l'homme des Nations-Unies, impliquent un travail en concertation des autorités judiciaires et des services de l'administration pénitentiaire. La circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012 a rappelé que les modalités d'exécution des peines d'emprisonnement devaient tenir compte de l'état de surpeuplement des établissements pénitentiaires ; en outre, elle a expressément encouragé la concertation entre les services judiciaires et pénitentiaires afin de faire connaître aux magistrats chargés de l'exécution et de l'application des peines des éléments statistiques relatifs à la population pénale écrouée dans leur ressort. La nécessité de renforcer cette concertation afin d'adapter la politique d'aménagement des peines aux réalités locales a été rappelée dans les circulaires de politique pénale spécifiques aux territoires d'Outre-mer (Nouvelle-Calédonie, Martinique et Guadeloupe) et soulignée dans le rapport sur les problématiques pénitentiaires en outre-mer remis à la Garde des Sceaux en juillet 2014. La politique volontariste de développement des aménagements de peine se poursuit donc en outre-mer et les résultats obtenus enregistrent une forte progression. Le pourcentage de personnes condamnées bénéficiant d'un aménagement de peine sous écrou en outre-mer est ainsi passé de 9% au 1er janvier 2011 à 15 % au 1er janvier 2015, soit une progression de 6 points. Cette progression est supérieure à celle enregistrée en moyenne nationale sur la même période (4 points, passant de 17 à 21 %). L'effort de diversification des aménagements de peine se poursuit également afin de répondre au mieux aux besoins des personnes condamnées. Ainsi, au 1er juillet 2015, le placement sous surveillance électronique représente 73 % des aménagements de peine sous écrou en outre-mer (79 % en moyenne nationale), le placement à l'extérieur 16 % (7 % en moyenne nationale) et la semi-liberté 11% (14 % en moyenne nationale). La libération conditionnelle, aménagement de peine hors écrou, continue également de progresser, notamment dans le cadre d'un parcours d'aménagement de peine avec placement sous surveillance électronique ou semi-liberté probatoire à la libération conditionnelle. Des efforts budgétaires ont été faits pour soutenir et accompagner cette dynamique. Le budget alloué au développement du placement à l'extérieur en outre-mer a ainsi été augmenté, l'offre de places de semi-liberté a été élargie et les effectifs des personnels de surveillance affectés dans les services de probation et d'insertion pénitentiaire ont été renforcés pour permettre le développement de la surveillance électronique. Enfin, la nouvelle mesure de libération sous contrainte, introduite par la loi du 15 août 2014, sera de nature à faire diminuer la surpopulation carcérale tant à court terme qu'à long terme au regard de son objectif de prévention de la récidive. Au 1er juillet 2015, 35 mesures de libération sous contrainte étaient en cours en outre-mer pour des personnes condamnées sous écrou (551 en moyenne nationale). Ces éléments démontrent amplement que les outre-mer constituent une priorité de l'action pénitentiaire menée par le Gouvernement, conformément à la recommandation no 17 du Comité des droits de l'homme des Nations-Unies.
Auteur : M. Jean-Jacques Candelier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Organisations internationales
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Dates :
Question publiée le 11 août 2015
Réponse publiée le 8 mars 2016