Question de : M. Jacques Cresta
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Jacques Cresta attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique sur les difficultés de faire respecter le droit à l'oubli aux moteurs de recherche. En effet le déférencement est plutôt respecté sur les sites « .fr » mais il n'en est rien sur les extensions des moteurs de recherches (« .com », « .ca » ou « .ru »). Cette situation a amené plusieurs personnes à saisir la Commission nationale de l'informatique et des libertés. L'autorité a mis en demeure Google d'étendre pour chaque citoyen concerné le déférencement des résultats de recherche à l'ensemble de ses extensions du moteur de recherche. Elle estime en effet qu'un déférencement partiel des informations conduit à l'absence d'une prise en compte effective des droits des personnes et à la persistance d'un préjudice tant dans leur vie personnelle que professionnelle. Mais Google vient de notifier à la Cnil son refus de suivre ces recommandations. La position du moteur de recherche se drapant dans la liberté d'expression est contraire avec la position de Google elle-même qui ne supprime les liens que lorsque l'information n'est plus pertinente, qu'elle est inexacte ou dépassée, ce qui légitime une suppression totale de ces informations quel que soit le pays. Suite au rejet de Google d'appliquer les recommandations de la Cnil, il souhaiterait connaître la position du Gouvernement sur ce point.

Réponse publiée le 11 avril 2017

En 2014, la Cour de justice de l'Union Européenne a prononcé un important arrêt (arrêt « Google Spain  »), érigeant le droit pour un internaute d'exercer son droit à l'effacement (ou son « droit à l'oubli ») s'agissant de ses données personnelles qui seraient diffusées sur un site en ligne. Dans cet arrêt, la Cour fait aussi valoir que le respect de la vie privée et la protection des données personnelles doivent nécessairement s'articuler avec une autre liberté publique fondamentale, celle de la liberté d'expression et du libre accès à l'information. C'est la raison pour laquelle le juge européen a précisé que la portée de ce droit à l'oubli devait être notamment mesuré en rapport avec l'intérêt du public à disposer de ces informations ; cet intérêt général d'information pouvant en particulier prévaloir dès lors que la personne concernée est reconnue pour son rôle dans la vie publique. Cette jurisprudence est désormais consolidée dans le règlement général no 2016/679 du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles : l'article 17 du règlement établit les conditions d'exercice du droit à l'oubli et prévoit également que ce droit à l'oubli peut connaître des limitations dès lors que la liberté d'expression et d'information le nécessiterait. Ce nécessaire équilibre entre protection des données personnelles, d'une part, et protection de la libre information, d'autre part, peut en effet soulever dans certains cas des difficultés d'appréciation. Toutefois, le règlement européen ne laisse pas les responsables de traitements automatisés apprécier à leur guise et sans contrôle de tels arbitrages : les demandes de droit à l'oubli et les réponses qui leur sont faites sont placées sous le contrôle étroit de l'autorité de régulation compétente (en l'occurrence, la commission informatique et libertés -CNIL- en France). Pour ce qui est de la question du périmètre du déréférencement, et notamment de la prise en compte du lieu de connexion du demandeur afin de limiter l'effacement au domaine et à l'extension correspondants (typiquement pour un résident français, limiter la zone d'effacement au nom de domaine en « .fr »), il est vrai que certains opérateurs tentent par cette voie de restreindre la portée du droit à l'oubli tel que consacré par la Cour de justice de l'Union Européenne. Toutefois, en novembre 2014, le groupe « G 29 » (rassemblant l'ensemble des autorités européennes de régulation en matière de protection des données personnelles) a publié un avis qui explicite clairement que les moteurs de recherche doivent appliquer ce droit à l'oubli sur l'ensemble de leurs extensions et pas seulement sur les extensions européennes. C'est cette doctrine qui est appliquée par la CNIL. Des procédures contentieuses sont en cours sur le sujet et il revient in fine au juge de trancher. Enfin, il convient de souligner que la loi no 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a renforcé la protection des mineurs en ce qui concerne le droit à l'oubli : l'article 63 introduit en effet à leur bénéfice une procédure accélérée de traitement, permettant une saisine rapide de la CNIL.

Données clés

Auteur : M. Jacques Cresta

Type de question : Question écrite

Rubrique : Télécommunications

Ministère interrogé : Numérique

Ministère répondant : Industrie, numérique et innovation

Dates :
Question publiée le 11 août 2015
Réponse publiée le 11 avril 2017

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