Question de : Mme Véronique Louwagie
Orne (2e circonscription) - Les Républicains

Mme Véronique Louwagie attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la question de la mise en place d'une réglementation libérant la prise de risque. L'Institut Montaigne, dans un rapport de février 2015, formule plusieurs propositions sur le sujet. L'une de ces propositions consiste à « élargir l'obligation des 120 heures (actuellement 20 heures-21 heures) à 18 heures-23 heures 30, en passant à 240 heures pour favoriser la prise de risque ». Elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement concernant ces propositions.

Réponse publiée le 9 février 2016

Dans son rapport intitulé : « Rallumer la télévision, dix propositions pour faire rayonner l'audiovisuel français », publié en février 2015, l'Institut Montaigne propose de « mettre en place une réglementation qui ne pénalise plus la prise de risque », notamment en élargissant l'obligation dite des 120 heures (actuellement 20h-21h) à 18h-23h30, en passant à 240 heures. « Les obligations de diffusion, concentrées sur le créneau 20h-21h, ne favorisent pas la prise de risque des diffuseurs qui sont sous la pression de l'audience. L'élargissement de la fenêtre des obligations de diffusion doit permettre plus de prises de risques, notamment en diffusant des programmes de jeunes auteurs, jeunes producteurs, avec des acteurs moins connus que ceux habituellement sollicités en prime time. Compte tenu de l'élargissement de la plage horaire, étendue désormais à 5h30, les obligations seraient portées à 240 heures. ». Depuis le milieu des années 1980, les pouvoirs publics ont souhaité soutenir la production audiovisuelle en instaurant une contribution des éditeurs de services de télévision au développement de la production d'œuvres audiovisuelles. Ces principes ont ensuite été repris au niveau européen à la fois par la directive 89/552/CEE du 3 octobre 1989 dite « télévision sans frontière » (devenue la directive 2010/13/UE du 10 mars 2010 relative aux services de médias audiovisuels) et la convention européenne sur la télévision transfrontière du conseil de l'Europe du 5 mai 1989. L'obligation dite « des 120 heures d'œuvres audiovisuelles inédites diffusées en première partie de soirée » a été introduite en 1990 par le décret no 90-67 du 17 janvier 1990 applicable aux sociétés nationales de programme Antenne 2, France Régions 3 et aux services de télévision diffusés en clair par voie hertzienne terrestre (TF1, La Cinq et M6). Il offrait la possibilité aux chaînes : - soit de consacrer 15 % de leur chiffre d'affaires à la commande d'œuvres audiovisuelles d'expression originale française (EOF) et diffuser un volume horaire annuel minimum de 120 heures d'œuvres audiovisuelles EOF inédites en clair, dont la programmation débute entre 20 heures et 21 heures ; - soit de consacrer 20 % de leur chiffre d'affaires à la commande d'œuvres audiovisuelles européennes dont 15 % à la commande d'œuvres EOF. En 2001, les décrets no 2001-609 du 9 juillet 2001 et no 2001-1333 du 28 décembre 2001 ont assoupli l'appréciation du respect des 120 heures par la prise en compte d'une durée cumulée maximale de 3 heures par soirée lorsque la diffusion de la première œuvre commence entre 20 heures et 21 heures et par l'élargissement de l'obligation aux œuvres européennes. L'obligation de diffuser annuellement 120 heures d'œuvres européennes ou EOF inédites à des heures de grande écoute comprises entre 20h et 21h a été instaurée en 1990 dans un contexte marqué par la forte présence de divertissements sur les antennes des éditeurs de services privés, en première partie de soirée. Son objectif était d'orienter la politique de commandes des éditeurs de services vers des œuvres audiovisuelles européennes ou EOF inédites « haut de gamme ». Certains ont reproché à cette disposition de contribuer à la concentration des investissements dans la production de fictions sur les seules premières parties de soirée et de façon massive sur les productions d'une durée de 90 minutes, qui se sont avérées dans les années 2000 répondre de moins en moins aux demandes du marché et au besoin de renouvellement des formats. C'est dans ce contexte que Messieurs Kessler et Richard ont préconisé, dans leur rapport remis à l'automne 2007, une adaptation de l'obligation de diffusion des 120 heures afin de soutenir et développer la fiction en avant première partie de soirée : « Il convient très clairement de développer la fiction française en avant première partie de soirée, qui est une des conditions de la production de séries longues susceptibles d'être exportées. Sans remettre en cause l'obligation des 120 heures, essentielle à la vitalité de la fiction française, et née d'une désertion de la production française sur les écrans en première partie de soirée, il faudra se demander si une adaptation de la plage horaire, en la faisant débuter plus tôt pour encourager la programmation de la fiction française en avant première partie de soirée, est nécessaire ». Les accords professionnels conclus entre producteurs et diffuseurs à l'automne 2008 à la suite de la mission de Messieurs Kessler et Richard que celle-ci avait appelé de ses vœux n'ont finalement pas retenu cette préconisation. La réglementation a toutefois assoupli ce régime pour tenir compte des accords professionnels (faculté d'inclure jusqu'à 25 % de rediffusions : l'obligation passant de ce fait de 120 heures à 90 heures de programmes réellement inédits ; la notion d'œuvres inédites est désormais définie comme des œuvres n'ayant pas été diffusées précédemment sur le service, et non comme des œuvres n'ayant été diffusées par aucune des chaînes hertziennes ainsi que le prévoyait la réglementation antérieure). Dans son rapport publié en 2013 sur les deux premières années d'application des nouveaux décrets « production » du 27 avril et du 2 juillet 2010, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) considérait que l'obligation des 120 heures était, pour les producteurs, un point essentiel du cadre réglementaire. À cette occasion, le Conseil rappelait son attachement à ce dispositif qui vise à garantir une meilleure exposition de la création audiovisuelle inédite et impose ainsi, implicitement, un minimum d'investissement par les éditeurs de services dans la production inédite. Le CSA relevait que les éditeurs n'avaient utilisé que marginalement la faculté de valoriser 25 % de rediffusions. Le rapport Vallet de décembre 2013 a étudié (comme la mission Kessler-Richard en son temps) l'opportunité d'un élargissement de la plage horaire de l'obligation des 120 heures en la faisant démarrer plus tôt (par exemple à 19 heures). L'objectif était de favoriser l'apparition de fictions d'avant-soirée. Mais le risque induit - affaiblir davantage encore la présence d'œuvres audiovisuelles en première partie de soirée au bénéfice de séries américaines, en particulier sur certaines chaînes privées - a été jugé suffisamment sérieux par la mission pour écarter une telle option. En outre, le rapport Vallet s'est interrogé sur la pertinence même du critère des 120 heures, qui semblait ne pas constituer une véritable contrainte, les chaînes concernées dépassant toutes, pour certaines très largement, l'obligation réglementaire (en 2013, TF1 a diffusé 150 heures d'œuvres inédites en première partie de soirée et M6 306 heures). Des discussions ont été engagées avec les éditeurs et les organisations de producteurs pour faire évoluer la réglementation dans le sens d'une meilleure structuration du secteur et d'une clarification des modèles de production. La question de l'opportunité d'adapter l'obligation des 120 heures pourra être étudiée dans ce cadre, en tenant compte des considérations qui viennent d'être rappelées ci-dessus. Ces discussions sont en cours.

Données clés

Auteur : Mme Véronique Louwagie

Type de question : Question écrite

Rubrique : Culture

Ministère interrogé : Culture et communication

Ministère répondant : Culture et communication

Dates :
Question publiée le 18 août 2015
Réponse publiée le 9 février 2016

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