Question de : M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la réforme de la tarification des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD). Une telle réforme est aujourd'hui nécessaire car la situation est devenue difficilement soutenable financièrement, non seulement pour les gestionnaires de ces établissements, qui accueillent toujours plus de personnes âgées (de plus en plus dépendantes), mais aussi et surtout pour les 500 000 personnes hébergées qui doivent s'acquitter d'un reste à charge très important (selon le dernier observatoire de l'organisme « Cap Retraite », loger dans ce type de résidence représenterait 106 % des ressources des pensionnés !). Les départements, eux aussi, font face à des dépenses croissantes, car ce sont eux qui prennent en charge l'allocation personnalisée à l'autonomie en établissement (APA-E). Estimées à 2 270 millions d'euros en 2014, les dépenses liées à l'APA-E augmentent au rythme de 5 % chaque année, alors même que le nombre de bénéficiaires n'augmente, lui, que de 1 %. Dans un référé rendu public le 24 novembre 2014, la Cour des comptes a donc pointé la nécessité de réformer le système de financement des EHPAD, et formulé d'ambitieuses recommandations permettant d'y parvenir (comme par exemple la mise en place de référentiels de coût opposables, ou encore la prise en charge intégrale des dépenses d'hébergement par l'aide sociale). À la suite de cela, un groupe de travail a été chargé par Mme la ministre de réfléchir à la mise en œuvre d'une réforme de la tarification des EHPAD. Les conclusions de ce groupe de travail devraient être reprises dans des amendements gouvernementaux au projet de loi relatif à l'adaptation de notre société au vieillissement de la population, examiné en seconde lecture à l'Assemblée nationale au mois de septembre 2015. Or, la réforme telle qu'elle est proposée suscite des interrogations chez certains acteurs du secteur, notamment l'Association nationale des centres hospitaliers locaux (ANCHL). L'ANCHL a en effet appris que le Gouvernement était actuellement en discussion avec l'Assemblée des départements de France (ADF) au sujet de certaines propositions qui pourraient se révéler néfastes pour l'emploi du secteur et la prise en charge des résidents. D'une part, l'ANCHL craint que les EHPAD publics ne se retrouvent lésés par la réforme envisagée, qui ne tient qu'insuffisamment compte des contraintes spécifiques qui sont les leurs (notamment le fait de devoir suivre la grille salariale de la fonction publique hospitalière, ce qui engendre des coûts non négligeables). La proposition de l'ADF d'appliquer un « tarif dépendance » départemental moyen ne tenant pas compte de ces spécificités pourrait ainsi désavantager les EHPAD publics, alors même qu'ils proposent des prestations de qualité souvent supérieure à la moyenne. Mais surtout, l'ANCHL s'inquiète de la proposition de l'ADF de réformer le « tarif hébergement » et le « tarif dépendance », qui pourrait mener à une inégalité de traitement entre résidents des EHPAD, selon qu'ils bénéficient de l'aide sociale à l'hébergement ou pas. En effet, si la proposition de l'ADF était retenue, le président du conseil départemental déciderait du « tarif hébergement » pour les personnes habilitées à l'aide sociale, avec le risque que celui-ci soit revu à la baisse et donc que le prix arrêté par le directeur d'EHPAD pour les résidents ne bénéficiant pas de l'aide sociale soit beaucoup plus élevé (de manière à couvrir les charges de l'établissement). M. Hervé Féron ne pouvant accepter que cette réforme du financement des EHPAD se traduise par une augmentation du reste à charge des résidents non bénéficiaires de l'aide sociale, ce qui serait en contradiction totale avec le principe de solidarité universelle, il attire son attention sur la nécessité de s'opposer à cette proposition de l'ADF. Il souhaite connaître les intentions du Gouvernement en la matière.

Réponse publiée le 19 janvier 2016

La loi no 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a été élaborée à l'issue d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs concernés afin de répondre à une demande forte de nos concitoyens et d'anticiper les conséquences du vieillissement de la population sur la vie sociale et les politiques publiques dans leur ensemble. En effet, en 2060, un tiers des Français aura plus de 60 ans. Les personnes âgées de plus de 85 ans seront près de 5 millions, contre 1,4 million aujourd'hui. Dans ce contexte, le Gouvernement, conscient de l'ensemble des problématiques liées aux EHPAD (tarification, reste à charge …), a souhaité lancer ce chantier associant l'ensemble des représentants du secteur, l'assemblée des départements de France ainsi que des associations représentant les personnes âgées en situation de perte d'autonomie. A l'issue de ces travaux, des propositions ont été introduites dans la loi d'adaptation de la société au vieillissement privilégiant la transparence, l'information des résidents, la contractualisation et l'encadrement de l'évolution des tarifs à d'autres dispositions qui ont pu être avancées. Ainsi, l'article 58 de la loi prévoit la généralisation des contrats d'objectifs et de moyens, qui va permettre notamment de simplifier les modalités d'allocations de ressources des établissements. Lorsqu'un gestionnaire gère plusieurs établissements situés dans le même département, ce contrat est conclu pour l'ensemble des établissements (EHPAD, maison d'accueil spécialisée, foyer d'accueil médicalisé, service de soins infirmiers à domicile …). Sous réserve de l'accord des présidents des Conseils départementaux concernés, il peut également inclure les établissements situés dans d'autres départements de la même région. En mettant fin, à terme, aux reprises de résultat, cette réforme permettra à des centaines d'établissements de réaffecter un excédent de la section « soins » à une modération du tarif hébergement. Par ailleurs, la loi garantit désormais aux personnes hébergées en EHPAD un socle minimal de prestations. Il comprend une liste de services que chaque établissement devra assurer en matière d'hébergement (c'est-à-dire pour l'accueil hôtelier, la restauration, le blanchissage, l'animation et la vie sociale, l'administration générale). Le tarif d'hébergement communiqué par chaque établissement devra inclure le prix de ces prestations. Cette disposition garantit aux résidents une prise en charge sans surcoût et adaptée à leurs besoins essentiels. Elle permet aux familles à la recherche d'un établissement de comparer les prix proposés par chaque établissement sur la base d'un socle commun. Tous les prix proposés seront affichés courant 2016 sur le site www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr, qui offre déjà aux résidents la possibilité d'identifier leurs aides et de calculer leur reste à charge. Un autre décret définit les règles de la revalorisation annuelle des prix pratiqués pour l'hébergement. Désormais, ce taux sera calculé en prenant en compte, de façon égale, l'évolution des charges des gestionnaires et l'évolution des pensions de base. Cette mesure d'encadrement garantit des tarifs plus adaptés au pouvoir d'achat des résidents, tout en tenant compte de la réalité des dépenses des gestionnaires. Ces nouvelles mesures complètent les aides préexistantes qui venaient déjà atténuer le reste à charge des résidents : - Par le biais de réductions d'impôts, pour les résidents imposables sur le revenu, au titre des dépenses d'hébergement et de dépendance (une fois déduite l'allocation personnalisée d'autonomie). Le plafond des dépenses déductible est fixé à 10 000€. La réduction d'impôts est égale à 25 % des dépenses. Cette réduction permet à une grande partie des personnes âgées hébergées en établissement et imposables sur le revenu de ne plus être soumises à l'impôt sur le revenu, et, par conséquent, de bénéficier d'un taux de CSG réduit. - Au même titre que les personnes âgées qui se trouvent à leur domicile peuvent bénéficier d'aides au logement, les personnes âgées dépendantes hébergées dans un EHPAD peuvent prétendre, sous conditions de ressources, à des aides au logement. Elles sont de deux sortes : l'allocation de logement (AL) et les aides personnalisées au logement (APL) si l'EHPAD dans lequel il réside est conventionné au titre de l'APL. - Enfin, la principale est l'aide sociale à l'hébergement consistant dans le paiement par le département de la part des frais de séjour non couverte par la contribution du résident et de ses obligés alimentaires. Les sommes versées au titre de l'aide sociale à l'hébergement font l'objet d'un recours en récupération dès le premier euro. Ce sont un peu plus de 110 000 personnes qui bénéficient de l'aide sociale pour un montant de 1,9 Mds € en dépenses brutes et de 1,04 Mds € en dépenses nettes (données ODAS). Elle est attribuée une fois toutes les aides publiques attribuées. Ce sont les personnes dont les revenus sont les plus faibles qui y ont recours. Il n'est pas prévu de permettre aux conseils départementaux de moduler le tarif hébergement selon qu'ils sont ou non bénéficiaires de l'aide sociale. Par ailleurs, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 prévoit également de généraliser les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens et le financement en dotation globale pour les établissements pour personnes handicapées. Cette mesure apportera aux établissements des souplesses leur permettant de mettre en place une réponse adaptée pour tous.

Données clés

Auteur : M. Hervé Féron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Personnes âgées

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Dates :
Question publiée le 18 août 2015
Réponse publiée le 19 janvier 2016

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