détenus
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la procréation médicalement assistée (PMA) dans les établissements pénitentiaires. En effet, les médecins des établissements pénitentiaires sont confrontés à des demandes de détenus qui souhaitent avoir accès à la PMA durant leur détention (personnes condamnées à de lourdes peines ou des couples dont les deux conjoints sont incarcérés et qui risquent d'avoir perdu leur faculté de procréer à leur sortie de prison). Les centres de PMA traitent actuellement ces demandes et y apportent des réponses très variables, au cas par cas. Saisie en 2011 sur ce sujet, l'Académie nationale de médecine a rendu ses conclusions mardi 23 octobre 2012. Elle rend un avis favorable à la PMA en prison, mais dans un nombre de cas très restreints. Le professeur Roger Henrion indique que « selon la loi bioéthique de 2011, la PMA n'est autorisée qu'en cas d'infertilité médicalement prouvée. Ce principe doit aussi s'appliquer en prison ». Les membres du groupe de travail excluent donc l'infertilité « sociale » causée par la privation de liberté. Or, même si la loi prévoit le droit pour tout détenu de se marier et de fonder une famille, les conditions carcérales y sont peu favorables. En France, une trentaine de parloirs familiaux ont été aménagés pour permettre les rapprochements intimes. Les visites du conjoint peuvent aussi avoir lieu dans une des 70 unités de vie familiale. Entre 50 et 60 nourrissons sont accueillis chaque année dans les établissements pénitentiaires, où ils peuvent rester avec leur mère jusqu'à 18 mois. Le projet parental, la longueur de la peine, la cause de l'incarcération, mais aussi la santé psychique et physique des parents, doivent être pris en compte, souligne l'Académie, dans l'intérêt de l'enfant. Toutefois, il semblerait qu'une limitation du recours à la PMA aille à l'encontre d'une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme. Dans l'affaire n° 44362-04, Dickson c. Royaume-uni, la CEDH, le 4 décembre 2007, a donné raison au requérant. Ce détenu frappé d'une peine pour meurtre de 15 ans minimum, se vit refuser l'accès à la possibilité d'avoir une insémination artificielle en vue de lui permettre d'avoir un enfant avec son épouse qui avait peu de chance de concevoir un enfant après la libération de son mari. La Cour a décidé, par 12 contre 5, qu'il y avait là violation de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme relatif au « droit au respect de la vie privée et familiale », un juste équilibre n'ayant pas été ménagé entre les intérêts privés et publics concurrents. Suite à cet arrêt, le détenu se trouve dans un établissement ouvert et bénéficie de permissions, et une nouvelle politique concernant l'accès des détenus aux possibilités de procréation assistée a été introduite. Ainsi, il lui demande l'avis que porte le Gouvernement sur ce sujet et les orientations qu'il compte prendre pour éviter toute aporie juridique.
Réponse publiée le 10 mars 2015
L'Académie nationale de médecine a présenté, le 23 octobre 2012 en séance publique, son rapport sur l'accès des personnes détenues à l'assistance médicale à la procréation en prison à la suite d'une saisine d'un praticien exerçant en milieu pénitentiaire. Basé sur les recommandations du Conseil de l'Europe, de la Cour Européenne des droits de l'homme de la Convention internationale des droits de l'enfant et la loi de bioéthique, il intègre les différents aspects de cette problématique, envisageant les intérêts en jeu des acteurs principaux ainsi que les difficultés qui peuvent être rencontrées pour sa mise en oeuvre en milieu carcéral. L'administration pénitentiaire encourage le maintien des liens familiaux des personnes détenues, en développant notamment les parloirs familiaux et les unités de vie familiale. A travers ces dispositifs et les alternatives à l'incarcération telle que la contrainte pénale créée par la loi du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, l'ensemble des personnels du ministère de la justice impliqués dans la prise en charge des personnes placés sous main de justice veille au respect du droit à une vie familiale. Toutefois, si une personne détenue souhaite bénéficier d'une assistance médicale à la procréation, elle peut consulter les services médicaux de l'unité sanitaire de l'établissement où elle se trouve incarcérée. Sur décision médicale, cette personne peut consulter un centre d'assistance médicalisée à la procréation. Cette consultation peut se faire dans le cadre d'une extraction médicale. En effet, la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale rattache l'organisation des soins des personnes détenues au service public hospitalier. Tout acte de procréation médicalement assistée est confié aux centres d'assistance médicalisée à la procréation autorisés. Les facteurs décisionnels tels que les conséquences pour l'enfant à naître sont identifiés, analysés et discutés à court, moyen et long terme par les équipes soignantes. En fonction des besoins sanitaires de la personne détenue, une hospitalisation de courte durée (inférieure à 48 heures) peut être organisée dans l'établissement hospitalier de rattachement. Si la personne détenue doit bénéficier d'une surveillance médicale rapprochée (repos au lit, surveillance biologique ou radiologique régulière, etc.) pendant une plus longue période, elle peut être orientée vers l'unité hospitalière sécurisée interrégionale de rattachement, conformément aux dispositions de la circulaire du 30 octobre 2012 portant sur la mise à jour du guide méthodologique de prise en charge sanitaire des personnes placées sous main de justice. Conformément aux dispositions relatives au respect de la vie privée, l'administration pénitentiaire n'a pas connaissance des demandes d'assistance médicale à la procréation ni des réponses qui leurs sont apportées. Elle peut en être informée directement par la personne détenue si celle-ci le souhaite. Des mesures internes à l'incarcération peuvent alors être prises par le chef d'établissement. Les équipes sanitaires peuvent participer aux commissions pluridisciplinaires uniques pour coordonner les interventions nécessaires. L'ensemble des traitements de l'infertilité étant pris en charge par l'assurance maladie, il apparaît qu'ils sont inclus dans la sphère des soins qui relève du ministère de la santé. Le ministère de la justice n'intervient pas dans l'organisation des soins et met en oeuvre les moyens de prise en charge sanitaire adaptée. Il mène une politique qui vise à privilégier le maintien des liens familiaux des personnes détenues par l'amélioration des parloirs ainsi que le développement des parloirs familiaux et des unités de vie familiale. Parallèlement, il favorise les actions des associations et collectivités publiques sur cet aspect relationnel.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Système pénitentiaire
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 30 octobre 2012
Réponse publiée le 10 mars 2015