Question de : M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'absence de taxation du kérosène. Aujourd'hui en France, l'avion est le seul moyen de transport fonctionnant à l'énergie fossile exempté de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TIPCE). En d'autres termes, les compagnies aériennes ne paient pas un centime de taxe sur les litres de kérosène consommés par leurs avions. Cette niche fiscale représenterait, pour les vols intérieurs et selon les calculs, un cadeau compris entre 315 et 400 millions d'euros par an. Le réseau de jeunes élus socialistes « Inventons demain » a ainsi calculé que le prix de chaque billet d'avion serait réduit de 12 % sur ces vols. Ainsi subventionné, le transport aérien est incontestablement avantagé par rapport au - pourtant bien moins polluant - chemin de fer, d'autant plus que la SNCF doit, elle, s'acquitter de la contribution au service public de l'électricité (destinée à financer les énergies renouvelables). Alors que la conférence des Nations unies sur les changements climatiques va bientôt s'ouvrir à Paris, il serait temps de mettre fin à cette disposition de 1944 qui prévaut encore aujourd'hui. Si les négociateurs de la convention de Chicago ne se souciaient certainement pas du réchauffement climatique, cette exemption n'est plus acceptable maintenant que l'on sait que le transport aérien représente 2 % des émissions de dioxyde de carbone dans le monde. La France, qui a l'obligation de se montrer exemplaire en tant que pays d'accueil de la COP 21, doit aller plus loin que la Commission européenne, laquelle s'est prononcée il y a peu pour une taxation du kérosène limitée aux seuls avions chargeant ce carburant dans un aéroport communautaire. En taxant l'ensemble des compagnies, françaises et internationales, desservant ou décollant de notre pays, il serait possible de prélever chaque année la somme de 3,5 milliards d'euros (toujours selon « Inventons demain »). Une telle taxe aurait de multiples effets vertueux, en encourageant les industries aéronautiques à concevoir des avions moins énergivores et en finançant des travaux écologiques. À la lumière de ces éléments, il souhaiterait savoir si le Gouvernement est aujourd'hui favorable à une suppression de l'exonération de taxation sur le kérosène pour les compagnies aériennes. Il serait possible de mettre fin à cette exonération dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016.

Réponse publiée le 15 novembre 2016

La détaxation du kérosène embarqué pour des vols internationaux répond aux recommandations de l'organisation de l'avion civile internationale (OACI), et aux exigences de l'article 24 de la Convention de Chicago sur l'aviation civile internationale. Elle est prévue par la directive européenne sur la taxation de l'énergie 2003/96 du 27 octobre 2003. S'agissant des vols internationaux, une éventuelle taxation du kérosène placerait donc la France dans une situation de méconnaissance de ses engagements internationaux. La seule marge de manœuvre dont disposent les États concerne donc la taxation des vols intérieurs pour lesquels la suppression de la détaxation serait compatible avec la convention de Chicago et avec la directive européenne déjà citée, mais cette latitude n'a pas été employée par les États membres de l'Union. La suppression de la détaxation aurait pour effet un surcoût [1] proche de 300 M€ pour les vols intérieurs métropolitains (276 M€ dont 236 M€ pour le pavillon français) et de 300 M€ pour les vols intérieurs outremer (assurés à 100 % par le pavillon français). Ces 600 M€ grèveraient d'autant les coûts des compagnies françaises qui perdent chaque année des parts de marché et sont contraintes à des plans de redressement de grande ampleur. Une taxation du kérosène sur les vols intérieurs prise unilatéralement en France aurait également des impacts concurrentiels massifs, en affaiblissant fortement le hub de Paris. Par ailleurs, le secteur de l'aviation est désormais inclus dans le système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (SCEQE), qui permet de garantir la même ambition environnementale à l'échelle de l'Union européenne. Ce système est pleinement en vigueur pour tous les vols intracommunautaires depuis le 1er janvier 2012. La suppression de l'exonération de la TICPE conduirait ainsi à une double taxation de l'énergie pour les vols intérieurs. De plus, la mise en place de deux filières totalement distinctes d'approvisionnement en kérosène, respectivement pour les vols intérieurs et les vols internationaux, serait également susceptible de poser d'importantes difficultés logistiques et de gestion, notamment pour les appareils utilisés à la fois pour les vols intérieurs et internationaux. Au-delà des mécanismes fiscaux et de marché, les initiatives techniques prises pour diminuer les émissions du transport aérien doivent être soulignées. Ces initiatives relèvent notamment des constructeurs, qui s'efforcent de concevoir des avions plus économes. La recherche aéronautique française et européenne, soutenue financièrement par les pouvoirs publics, participe ainsi à l'amélioration d'environ 2 % par an de l'efficacité énergétique des aéronefs. La recherche sur les biocarburants de nouvelle génération permettra également de réduire la consommation de carburants fossiles. [1] Cette évaluation est fondée sur la base d'un taux de TIC de 33 € par hectolitre de carburant consommé et d'une estimation des consommations, réalisée par mouvement à partir de données détaillées par vol - type avion, type moteur, aéroport de départ et d'arrivée, et de données de consommation certifiées. Sur les mêmes bases, en incluant les vols internationaux, le surcoût atteint 2,8 milliards d'euros pour 2014.

Données clés

Auteur : M. Hervé Féron

Type de question : Question écrite

Rubrique : Déchets, pollution et nuisances

Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie

Ministère répondant : Environnement, énergie et mer

Dates :
Question publiée le 29 septembre 2015
Réponse publiée le 15 novembre 2016

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