Question de : M. Jean-Claude Bouchet
Vaucluse (2e circonscription) - Les Républicains

M. Jean-Claude Bouchet interroge Mme la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme sur les règles en vigueur en matière de droit des contrats qui ne permettent pas de protéger un individu démarché en tant que professionnel. En effet, alors qu'un consommateur démarché à son domicile ou sur son lieu de travail bénéficie d'un délai de rétractation de sept jours, ce même consommateur devenu professionnel ne bénéficie d'aucune protection. Le syndicat des indépendants (SDI), représentant des commerçants, artisans et professions libérales, constate une inflation des plaintes de ses adhérents dues à cette pratique du démarchage forcé. Qu'il s'agisse de démarchage à des fins publicitaires, de démarchage en vue de l'acquisition d'un matériel « professionnel » ou de démarchage en vue de la location d'un matériel, le SDI a recensé un certain nombre de sociétés peu scrupuleuses exploitant cette faille du droit à savoir, l'absence de toute protection du professionnel démarché. Or, en général, les responsables de ces structures commerciales ou artisanales gèrent, seuls ou avec l'appui de leur conjoint, la majeure partie de l'administratif lié à leur activité. Souvent, ces professionnels ne sont rompus ni aux techniques commerciales ni aux subtilités juridiques de ces contrats et ils ignorent qu'une fois leur signature apposée sur le document contractuel, ils sont définitivement engagés. Contactés par le SDI, les services concernés de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) disent partager cette analyse de la situation, mais être liés par l'application même des règles du droit des contrats. C'est pourquoi il lui demande s'il ne juge pas nécessaire de modifier le droit des contrats afin de résoudre ce problème et les abus qui en découlent.

Réponse publiée le 19 février 2013

Le code de la consommation prévoit une protection particulière pour les consommateurs faisant l'objet d'un démarchage. En effet, le consommateur, sollicité hors des lieux habituels de commercialisation, se trouve dans une situation de vulnérabilité réelle face à un professionnel qui s'emploie à obtenir un engagement de sa part. Cette réglementation laisse donc un délai de rétractation de 7 jours au consommateur et interdit au professionnel de percevoir, sous quelque forme que ce soit, une quelconque contrepartie financière avant l'expiration de ce délai. Le contrat de démarchage à domicile est également soumis à un formalisme strict : il doit contenir un bordereau de rétractation dont les mentions obligatoires sont prévues aux articles R. 121-1 à R. 121-6 du code de la consommation. Comme le précise l'article L. 121-21 du même code, la protection offerte par le code de la consommation au cours d'un démarchage ne s'applique qu'aux personnes physiques. Le législateur a en effet estimé que les personnes morales ne se trouvaient pas dans la même situation que les consommateurs lorsqu'elles faisaient l'objet d'un démarchage, dans la mesure où elles contractent dans le cadre de leur statut ou de leur objet social. Elles bénéficient ainsi des recours prévus par le droit civil et le droit commercial leur permettant d'obtenir la nullité des contrats. La jurisprudence interprète cet article de façon stricte en excluant les personnes morales de son champ d'application (Cass, 1re civ, 15 décembre 1998 confirmé par Cass, 1re civ, 28 octobre 2003). Toutefois, un professionnel personne physique peut bénéficier du régime encadrant le démarchage à domicile, dès lors que l'objet de la vente n'a pas de rapport direct avec son activité professionnelle. Dans ce cas, le professionnel n'est en effet pas mieux armé que le consommateur pour apprécier les conséquences de son achat. Les tribunaux sont ainsi intervenus pour clarifier le champ d'application de cette réglementation et ont appliqué les dispositions du code de la consommation à des commerçants individuels lorsque le contrat en cause concernait notamment la sécurité, l'assistance juridique, l'expertise de sinistres, la vente de fonds de commerce ou d'ordinateurs. Cependant, la Cour de cassation considère qu'il en va autrement si le contrat permet la réalisation de bénéfices d'exploitation (Cass, civ. 1re, 9 mai 1996), puisque la personne physique agit alors ici dans le cadre de son activité professionnelle. La jurisprudence est, par conséquent, déjà intervenue pour protéger les professionnels personnes physiques se trouvant dans une situation comparable à celle du consommateur démarché. Quant aux personnes morales, il n'y a pas lieu de les laisser bénéficier d'un délai de rétractation, dans la mesure où elles peuvent disposer des recours prévus par le droit civil et commercial lorsqu'elles souhaitent obtenir l'annulation d'un contrat.

Données clés

Auteur : M. Jean-Claude Bouchet

Type de question : Question écrite

Rubrique : Consommation

Ministère interrogé : Artisanat, commerce et tourisme

Ministère répondant : Économie sociale et solidaire et consommation

Dates :
Question publiée le 6 novembre 2012
Réponse publiée le 19 février 2013

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