Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (1re circonscription) - Les Républicains

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la fluctuation et la tendance à la baisse des revenus agricoles en France. Il lui demande de bien vouloir lui faire part de son sentiment et de ses intentions en la matière.

Réponse publiée le 9 février 2016

Les revenus agricoles connaissent des fluctuations importantes depuis le milieu des années 2000, avec des points hauts (2007, 2012) et des points bas (2009, 2013), qui s'expliquent non seulement par des éléments de conjoncture générale mais aussi par les fortes variations du prix des matières premières, notamment le prix des céréales et le prix des carburants. Le compte prévisionnel de l'agriculture en 2015 et les résultats économiques des exploitations agricoles en 2014, présentés à la commission des comptes de l'agriculture de la Nation le 15 décembre 2015, montrent une amélioration d'ensemble des revenus agricoles et confirment l'amélioration déjà observée en 2014. Le revenu des facteurs de la branche agricole par actif mesuré en termes réels, c'est-à-dire prenant en compte l'évolution des prix (indicateur calculé par l'INSEE à partir de la valeur ajoutée nette en ajoutant les subventions d'exploitation et en retranchant les autres impôts à la production), augmenterait ainsi de 8,8 % en 2015, une augmentation qui confirme celle de 2014 et permettrait de dépasser le point haut de 2012. De même, le revenu net de la branche agricole par actif non salarié, mesuré en termes réels (indicateur qui se déduit du revenu des facteurs en retranchant la rémunération des salariés, les intérêts et les charges locatives nettes) augmenterait de 16,2 % en 2015, rattrapant ainsi le niveau de 2011 historiquement élevé. Ces chiffres s'expliquent par la conjonction d'une stabilité de la production agricole en valeur et du repli des consommations intermédiaires. Enfin, le résultat courant avant impôts par actif non salarié (indicateur calculé à partir des données du réseau d'information comptable agricole qui permet de mesurer le résultat dégagé par l'activité agricole) s'établit en 2014 à environ 25 200 euros, un niveau stable par rapport à 2013 et qui rejoint la moyenne du début des années 2000 après plusieurs années de fluctuations à la hausse comme à la baisse observées depuis la moitié des années 2000. Si ces chiffres d'ensemble sont encourageants, il convient toutefois de les nuancer en fonction des filières, certaines, notamment les filières d'élevage, ayant à faire face à de profondes difficultés qui nécessitent la mobilisation des pouvoirs publics et de l'ensemble des acteurs concernés. Sur l'ensemble du secteur agricole, les mesures générales de soutien à l'activité mises en place dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité et du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ont permis de soutenir l'activité et les revenus, et continueront de le faire en 2016 : les allègements de charges sociales et fiscales correspondantes pour les entreprises agricoles représenteront ainsi 675 millions d'euros en 2016, sur un total d'exonérations de 1,7 milliard d'euros pour l'ensemble du secteur agricole et agroalimentaire. Au-delà des mesures générales touchant l'ensemble des entreprises, des mesures spécifiques de soutien à l'activité et aux revenus des agriculteurs les plus fragilisés ont été mises en place en 2015 dans le cadre du plan de soutien à l'élevage. En matière de charges sociales, les exploitants agricoles les plus modestes verront leurs cotisations personnelles diminuer de 65 millions d'euros par rapport à 2014 avec la suppression de la cotisation minimale maladie prévue dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, une première baisse de 45 millions d'euros de cette cotisation minimum ayant été réalisée en 2015. A compter de 2016, les agriculteurs pourront également lisser leurs charges sociales en étalant sur 7 ans, comme au plan fiscal, leurs revenus exceptionnels et en augmentant le plafond d'à-valoir des cotisations jusqu'à 75 % des cotisations de l'année précédente. Par ailleurs, pour soutenir les entreprises agricoles les plus fragilisées par la conjoncture économique, un dispositif exceptionnel et dérogatoire leur permet de demander le calcul des cotisations et contributions sociales de 2015 et 2016 sur la base des revenus professionnels de l'année précédente, en lieu et place de la moyenne des revenus des trois dernières années. Les exploitations d'élevage font l'objet de mesures supplémentaires, dans le cadre du plan de soutien décidé par le Gouvernement le 22 juillet 2015 et complété le 3 septembre. En matière fiscale, un ensemble de mesures a été décidé en faveur des exploitants en difficultés : remises gracieuses de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) ou d'autres impôts directs pour les fermiers, report d'échéance de l'impôt sur le revenu et sur les sociétés, mensualisation ou trimestrialisation sans pénalité du remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée. Elles sont mises en œuvre par les cellules d'urgence départementales regroupant tous les acteurs impliqués sous l'égide des préfets. Les exploitants identifiés en cellule d'urgence comme devant être traités en priorité bénéficient automatiquement d'un report de paiement sans pénalité au 15 décembre 2015 de la TFPNB 2015, du solde de l'impôt sur le revenu 2015 et/ou de la taxe d'habitation 2015. Des prises en charge de cotisations sociales pour un montant de 50 millions d'euros ont également été réservées aux éleveurs pour alléger les dettes sociales. D'autres mesures permettent d'alléger les charges financières qui pèsent sur les éleveurs les plus en difficulté identifiés par les cellules d'urgence départementales, avec une mobilisation exceptionnelle du fonds d'allègement des charges dont le budget a été abondé de 100 millions d'euros. Avec ce fonds d'allégement des charges, l'État assure la prise en charge partielle des intérêts d'emprunt des éleveurs, du montant de la garantie qui peut leur être accordée pour restructurer leur dette ou des coûts liés à la restructuration de leurs prêts, sous certaines conditions. De plus, une aide spécifique est mise en place dans le cadre d'une enveloppe budgétaire dédiée sous la forme d'une « année blanche ». Cette mesure pourra s'appliquer sur l'ensemble des prêts éligibles contractés par les éleveurs ou seulement sur une partie de ces prêts. Elle permet aux éleveurs concernés de ne pas avoir à rembourser leurs annuités bancaires (capital et intérêts) durant douze mois. La date limite pour le dépôt des dossiers complets de demande d'année blanche auprès des directions départementales des territoires a été repoussée au 31 janvier 2016. En parallèle, la mise en place par Bpifrance d'un fonds de garantie dédié aux éleveurs permettra d'accompagner la restructuration par les établissements de crédit des dettes des éleveurs et l'allongement de leur maturité. L'ensemble de ce dispositif contribuera à assainir la situation financière des éleveurs les plus en difficulté de manière durable, à des conditions négociées avec les établissements bancaires. Sur un plus long terme, l'activité et les revenus agricoles sont soutenus par les actions en faveur de l'organisation économique des filières, de l'exportation, de la transition énergétique et de la modernisation des structures. En matière d'organisation économique, un travail de fond est engagé sur la contractualisation dans les filières d'élevage, sur la base de rapports d'inspection initiés au printemps et élaborés en lien étroit avec la profession agricole, et sur la base d'appels à manifestation d'intérêt lancés dans les filières de la viande porcine et de la viande bovine. Une attention constante est portée à l'amélioration des relations commerciales à travers le travail du médiateur des relations commerciales agricoles dont le rôle a été renforcé par la loi d'avenir de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt, ainsi qu'à travers les comités de suivi des relations commerciales qui réunissent régulièrement les représentants des producteurs et des acheteurs sous l'égide des ministres en charge de l'économie et de l'agriculture. Pour l'ensemble des secteurs, un travail de fond est également engagé pour la diversification des revenus des agriculteurs et leur bonne inclusion dans le développement de l'économie circulaire, afin de diminuer l'exposition des agriculteurs aux risques, de faire baisser leurs coûts de production et d'améliorer leur compétitivité. L'exportation est pleinement encouragée, en visant une meilleure valorisation sur les marchés export, qui représentent un débouché très significatif pour la production française. Les démarches des professionnels dans tous les pays identifiés comme marchés prioritaires sont soutenues, des initiatives sont prises en direction des grands pays émergents, en particulier en Asie, pour promouvoir nos produits, et une plate-forme commune export a été créée sous la forme d'une SAS afin que l'ensemble des acteurs s'organise davantage pour adapter l'offre française en viandes et ainsi répondre au mieux à la demande extérieure. Dix millions d'euros supplémentaires ont été mis à disposition des professionnels, via FranceAgriMer, pour mettre en place des mesures de promotion, sur le marché intérieur comme sur les marchés extérieurs. Les efforts conduits en faveur de la transition énergétique doivent permettre de diversifier le revenu des éleveurs en les faisant participer à la production d'énergie renouvelable. Les tarifs de rachat de l'électricité produite par les petites et moyennes installations de méthanisation agricole et les installations solaires de moins de 100 kilowatts ont été revalorisés afin d'accroître leur rentabilité. De plus, les exonérations fiscales applicables depuis la loi de finances pour 2015 aux nouveaux méthaniseurs agricoles seront désormais étendues aux installations de méthanisation agricole dites « pionnières », déjà en fonctionnement. Enfin, l'amélioration de la compétitivité à moyen-long terme des exploitations et des filières agricoles passe par un effort de modernisation qui sera notamment soutenu à travers le programme des investissements d'avenir (PIA) et le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations (PCAE). Les possibilités offertes par la mesure permettant le suramortissement des investissements productifs annoncée par le Premier ministre au printemps participent à l'effort en faveur de la modernisation. Les crédits du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ont été renforcés dès 2015, et pour trois ans, portant à 86 millions d'euros la contribution annuelle du ministère dans le cadre du PCAE. L'enveloppe annuelle consacrée au PCAE, intégrant notamment les crédits apportés par les régions et l'Union européenne, devrait ainsi atteindre 350 millions d'euros, permettant de lever 1 milliard d'investissement par an pendant 3 ans. En outre, les appels à projet menés dans le cadre du PIA, au titre des investissements visant la reconquête de la compétitivité des outils d'abattage et de découpe, se voient dotés de 30 millions d'euros supplémentaires pour porter à 50 millions d'euros l'enveloppe dédiée au financement de ces opérations. Ces crédits viennent compléter les 45 millions d'euros de crédits déjà alloués aux actions portant sur des initiatives innovantes ou des projets structurants, accompagnés dans le cadre des appels à projet visant l'innovation et la compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires du PIA.

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt

Dates :
Question publiée le 6 octobre 2015
Réponse publiée le 9 février 2016

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