SCOP
Question de :
M. Jean-Jacques Candelier
Nord (16e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Jean-Jacques Candelier attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, sur la nécessité de développer les sociétés coopératives et participatives (SCOP). Sur les 15 millions de salariés en France, 40 000 sont associés de leur entreprise au sein d'une SCOP. Le géant du câble électrique en France, la société Acome en Basse-Normandie (1 300 salariés), est une SCOP, tout comme le Relais à Bruay-la-Buissière (350 salariés), ce qui montre que les sociétés coopératives ne concernent pas seulement les petites entreprises. Il existe 92 sociétés coopératives et participatives dans le Nord-Pas-de-Calais, employant 2 700 salariés, pour qui le partage du savoir, de l'avoir et du pouvoir est une réalité quotidienne. Les salariés étant les actionnaires de l'entreprise, la répartition des résultats est moins problématique : en moyenne dans une SCOP, 49 % revient à la participation et l'intéressement, 12 % aux dividendes et à la rémunération du capital et 39 % à l'investissement. Il lui demande comment il compte favoriser le développement de SCOP dans l'économie française.
Réponse publiée le 28 janvier 2014
A fin 2012, il existait plus de 2 000 sociétés coopératives et participatives (Scop), entreprises possédées par leurs salariés. Elles emploient environ 42 000 salariés et sont présentes dans tous les secteurs d'activité, services (exemples Syndex, chèque déjeuner) ; le bâtiment et travaux publics (exemples UTB, Les maçons parisiens) ; l'industrie (exemples Acome, Ceralep, Bourgeois). Les Scop, comme toutes entreprises se doivent évidemment d'être rentables, équilibrées, d'avoir des clients mais étant gouvernées par leurs salariés elles ne se situent pas dans l'urgence du rendement maximum à court terme. Cette préférence pour le long terme vient du modèle Scop en lui-même. En effet, la loi de 1978 qui encadre l'activité des Scop, comme la loi de 1947 relative aux coopératives, interdit les plus-values sur les parts sociales de l'entreprise. De fait, la valeur générée par l'entreprise est majoritairement conservée dans la Scop. La confédération générale des Scop estime le taux de pérennité des Scop à 20 ans à 22,6 % contre 18,2 % de l'ensemble des entreprises françaises (Source - Diane). Ce modèle favorise également la recherche de la qualité et de l'innovation. Le fait que les salariés soient les décideurs les conduit naturellement à privilégier l'innovation et la qualité. Ceci explique notamment pourquoi dans le BTP malgré une concurrence intense les Scop réussissent remarquablement bien. Les Scop sont également des entreprises par définition ancrées dans leur territoire. Les personnes qui décident de l'avenir de l'entreprise sont celles qui vivent là où elles travaillent. Les Scop sont des entreprises non-délocalisables. Cela n'empêche en rien les Scop d'exporter, d'implanter des sites de production à l'étranger ni même de racheter des entreprises étrangères. Simplement, les décisions sont prises en cohérence avec les objectifs industriels de l'entreprise dirigée par ses salariés. En soutenant les Scop, le Gouvernement fait confiance aux salariés et à leurs capacités à s'organiser collectivement pour la réussite d'un projet entrepreneurial. Le ministre a souhaité, lors du dernier congrès des Scop en novembre 2012 à Marseille, engager avec leurs représentants un objectif ambitieux visant à doubler le nombre de Scop et d'emplois en 5 ans, afin de passer de 2 000 à 4 000 Scop et de 42 000 à 80 000 salariés. Pour atteindre cette cible plusieurs moyens sont mis en oeuvre : Le premier objectif est d'augmenter le nombre de transmission d'entreprises en Scop. Les Scop sont un outil à mobiliser contre les fermetures d'entreprises saines, souvent liées aux difficultés liées à la recherche d'un repreneur. Les Scop peuvent permettre de sauvegarder des entreprises et des emplois en facilitant la reprise d'entreprises en bonne santé in bonis par leurs salariés. Chaque année, on estime à 50 000 le nombre d'emplois perdus faute de reprise d'entreprises saines. Ces entreprises sont viables et génèrent de l'activité économique. Pourtant elles n'offrent pas de retours sur investissement suffisants pour intéresser les fonds et repreneurs d'entreprises. Les salariés peuvent constituer une réponse à ce problème. Le Conseil économique et sociale dans un rapport de 2004 (Rapport Vilain - La transmission des PME artisanales, commerciales, industrielles et de services) avait déjà pu souligner l'intérêt de faire appel aux coopératives de travailleurs pour pérenniser des entreprises. Grâce à leur connaissance fine de l'entreprise et de ses marchés, les salariés sont une force qui sous certaines conditions doit être mobilisée. Pour qu'une transmission d'entreprise aux salariés réussisse, il est nécessaire que les salariés aient été informés suffisamment en avance pour avoir le temps de constituer une offre de reprise crédible au propriétaire cédant. Pour cela, le projet de loi en faveur de l'économie sociale et solidaire, en discussion au Parlement, donne aux salariés de PME (moins de 250 salariés) le nouveau droit d'être informés de la vente de leur entreprise et leur donne un délai pour pouvoir faire une offre au cédant. Ce droit obligera le cédant à informer ses salariés au plus tard deux mois avant la cession de l'entreprise pour leur donner les conditions de temps et de réflexion nécessaires à la formulation d'une offre de rachat de leur entreprise. Les salariés pourront ainsi proposer une offre de reprise de leur entreprise sous la forme juridique qu'ils souhaitent (en société anonyme, en SARL, SCOP, etc.) mais la Scop étant par définition un des statuts juridiques les mieux adaptés à la reprise d'entreprise entre plusieurs salariés, cette mesure aura vraisemblablement un effet positif sur l'augmentation du nombre de Scop. Il convient de préciser que ce nouveau droit pour les salariés ne remet pas en cause les droits des chefs d'entreprises. Il n'y a pas de remise en cause des droits patrimoniaux du chef d'entreprise, qui demeure entièrement libre de vendre au prix qu'il souhaite et au repreneur qu'il désire. De même, le chef d'entreprise n'aura pas à donner cette information préalable lorsqu'il souhaite transmettre son entreprise à un des membres de sa famille. La négociation se fait de gré à gré et respecte les règles de confidentialité propres au droit commercial. Les salariés qui ne seront pas intéressés par une reprise de leur entreprise pourront volontairement renoncer au bénéfice de ce délai en informant le cédant qu'ils n'ont pas l'intention de proposer une offre. La sanction du non respect de cette obligation d'information anticipée relève du droit commercial commun. Les salariés peuvent donc saisir le juge si la mesure n'est pas appliquée. Sont explicitement exclues du champ d'application de la mesure, les PME soumises à une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire) du fait de la spécificité de cette situation. La reprise d'entreprises en difficulté par les salariés (redressement judiciaire ou liquidation) à la barre du tribunal de commerce peut néanmoins être une solution pour éviter des destructions d'emplois. Des reprises réussies par des salariés sous forme de Scop existent. Les cas récents de SET en Haute Savoie, Fontanille en Haute-Loire ou Arféo Buroform en Mayenne en sont l'illustration. Cela suppose cependant certaines conditions qui sont notamment l'existence d'un collectif de salariés compétents et homogènes, de l'existence d'un encadrement, d'une stratégie commerciale et financière et d'une capitalisation suffisante. En aucun cas cette solution ne doit être présentée comme le remède à toutes les fermetures d'entreprises en procédure collective. Elle reste néanmoins une solution à utiliser. Une proposition législative visant à obliger l'administrateur judiciaire à solliciter les salariés pour formuler une offre de reprise est en cours d'examen au Parlement. La proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle votée en première lecture à l'Assemblée nationale contient un article 3 qui pourra favoriser le recours aux salariés en cas de procédures collectives. Cet article modifie dans le code de commerce l'article relatif aux missions de l'administrateur judiciaire. L'article L. 631-13 du code de commerce serait complété par un alinéa ainsi rédigé : L'administrateur informe les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ou le représentant des salariés de la possibilité qu'ont les salariés de soumettre une ou plusieurs offres. Cette proposition pourrait permettre de mieux solliciter le potentiel de reprise des salariés. Le second objectif vise à faciliter le financement des Scop tant en fonds propres qu'en besoin de court terme. Le projet de loi ESS prévoit la création d'un nouveau statut dit de Scop d'amorçage pour aider les salariés à financer leur Scop. Pour faciliter la constitution de tours de table financiers solides et limiter la prise de risque des salariés, il sera proposé une adaptation à la loi de 1978 qui permettra aux salariés de ne pas être majoritaires en capital pendant une période donnée (7 ans) tout en possédant plus de 51 % des droits de vote. Les salariés conserveront les avantages fiscaux inhérents au statut de Scop pendant cette période. Durant cette phase d'émergence, grâce aux excédents accumulés, les salariés pourront constituer progressivement les fonds propres nécessaires à la pleine possession de l'entreprise et devenir ainsi pleinement majoritaires en capital. En faisant entrer au capital des investisseurs tiers patients, la mesure aidera et accompagnera les salariés-repreneurs à consolider leur modèle économique. Cette mesure est inscrite dans le projet de loi pour le développement de l'ESS et pour sa partie fiscale dans le projet de loi de finances rectificatif pour 2013. En parallèle, la banque publique BpiFrance est mobilisée pour financer les Scop. Des partenariats sont noués avec les acteurs du financement existants. Un fonds pour le financement en fonds propres des Scop qui sera abondé par BpiFrance est actuellement en cours de montage. A cela s'ajoute les interventions en prêt et garantie bancaire de la banque publique. Un troisième levier de développement des Scop consiste à leur permettre de se constituer en groupe. Afin d'aider les Scop à être plus compétitives sur des marchés souvent très concurrentiels, il faut leur permettre de se regrouper sans pourtant remettre en cause leur gouvernance particulière. Pour cela, le projet de loi ESS crée le groupe de Scop. Cette mesure permettra une avancée notable pour le droit des SCOP qui vont pouvoir prospérer en nouant des alliances entres elles, mais aussi en permettant à une Scop qui possède une filiale sous statut commercial de la transformer en Scop sans perdre pour autant le contrôle de la gouvernance de sa filiale. Cette mesure permettra de mettre fin à une pratique qui conduisait les Scop à devoir créer des sociétés anonymes commerciales (SA) pour constituer un groupe. Désormais, les filiales des Scop pourront être créées sous statut de Scop. Ainsi une Scop en difficulté financière pourra plus facilement s'adosser à une autre Scop mieux portante, tout en conservant une gouvernance démocratique fondée sur les principes de la loi de 1978. Pour les travailleurs des filiales commerciales ainsi transformées en Scop ce sera une avancée sociale majeure puisqu'ils obtiendront de facto, au minimum 25 % des excédents générés par leur entreprise, au titre de l'article 33 de la loi de 1978. Ils seront également associés à la gouvernance de leur entreprise. La création de groupe de Scop telle que proposée par la loi est un des leviers pour encourager un fort développement des Scop en France.
Auteur : M. Jean-Jacques Candelier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Économie sociale
Ministère interrogé : Économie sociale et solidaire et consommation
Ministère répondant : Économie sociale et solidaire et consommation
Dates :
Question publiée le 3 juillet 2012
Réponse publiée le 28 janvier 2014