gestion
Publication de la réponse au Journal Officiel du 14 juin 2016, page 5503
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au sujet de la directive-cadre européenne (DCE) 2000 sur l'eau et de ses conséquences sur les rivières et les forêts. Cette directive oblige les États-membres de l'Union européenne à mettre en œuvre les conditions d'un bon état écologique et chimique des rivières et masses d'eau. Afin de remédier au problème de la pollution chimique de l'eau, contre lequel beaucoup reste à faire, la France a classé une grande partie de ses cours d'eau en liste 2 de l'article 214-17 du code de l'environnement, au titre de la continuité écologique. Or il semblerait que l'application du principe de continuité écologique ne repose pas sur des bases fiables et semble parfois précipitée et désordonnée. C'est en tout cas l'opinion du syndicat de propriétaires forestiers de Meurthe-et-Moselle, qui estime que l'on est en train de procéder à la destruction du patrimoine hydraulique au détriment de l'intérêt touristique et économique des territoires ruraux. Aussi, les dépenses colossales d'argent public déjà déployées n'offriraient aucune garantie de résultat, à l'image des 10 à 20 000 seuils et barrages menacés de destruction sur fonds publics ou des obligations d'équipement représentant des coûts exorbitants pour les propriétaires privés ou publics. En outre, des études scientifiques montrent la faible corrélation entre la présence de seuils en rivières, créés il y plus de mille ans pour la plupart, et les impacts biologiques ou écologiques au sens de la DCE 2000. Enfin, selon le rapport remis en 2006 par M. Fabrice Dambrine sur demande du Ministre de l'industrie, la perte du potentiel hydroélectrique consécutive à cette mauvaise application du principe de continuité écologique est évaluée à l'équivalent d'une tranche de centrale nucléaire. Or cette déperdition énergétique n'est plus acceptable à l'heure de la transition vers une croissance verte. Par ailleurs, on constate des erreurs dans les cartographies des cours d'eau en cours d'élaboration sous la conduite des directions départementales des territoires (DDT), tant dans la définition de la notion de cours d'eau qui excède largement les exigences européennes que dans l'exécution des travaux de l'administration sur le terrain. En effet, l'administration se heurte à des effectifs insuffisants pour réaliser les analyses nécessaires au suivi de ces travaux. Les forestiers constatent ainsi des erreurs de classification, certains fossés ont été classés en cours d'eau avec des conséquences considérables sur l'entretien, la préservation des cours d'eau et des plans d'eau qu'ils traversent. Il s'interroge sur les conditions d'une mise en œuvre plus équilibrée de la continuité écologique et de la définition des cours d'eau, et souhaiterait ainsi connaître ce que le Gouvernement envisagerait dans cette perspective.
Réponse publiée le 14 juin 2016
La continuité écologique des cours d'eau constitue l'un des objectifs fixés par la directive cadre sur l'eau. Elle est indispensable à la circulation des espèces mais également des sédiments. La conciliation entre ce principe et l'existence de moulins, dont l'aspect patrimonial de certains est indéniable, est cependant un autre objectif à atteindre. L'atteinte du bon état écologique impose de réduire les impacts des ouvrages sur la circulation des espèces et le transport sédimentaire, c'est à dire sur les fonctionnalités naturelles des cours d'eau. C'est pourquoi un plan de restauration de la continuité écologique des cours d'eau (PARCE) a été lancé fin 2009, visant le traitement de 1 200 ouvrages avant 2012 et a été prolongé par la mise en œuvre des obligations liées aux nouveaux classements des cours d'eau en liste 2 au titre de l'article L. 214-17 du code de l'environnement. La mise en œuvre de cette politique ne concerne pas en priorité les moulins, mais tous les ouvrages implantés dans le lit mineur des cours d'eau et faisant obstacle à la circulation des poissons migrateurs ou au transport sédimentaire. Différentes solutions existent, allant de la suppression de l'ouvrage à l'ouverture régulière de vannes en passant par l'aménagement de passes à poissons, la réduction partielle de la hauteur de l'ouvrage, ou l'implantation de brèches. Toutes ces solutions sont susceptibles de s'appliquer aux ouvrages hydrauliques sur la base d'études de scénarios et d'examen des avantages et inconvénients de chacun, tenant compte, entre autres, de la dimension patrimoniale des ouvrages. Cette approche correspond à l'esprit des textes règlementaires sur le sujet, aucun n'ayant jamais prôné la destruction des seuils de moulins. Ainsi, afin de pouvoir appréhender au mieux la situation actuelle, l'office national de l'eau et des milieux aquatiques a établi un inventaire des obstacles à l'écoulement de toutes sortes (barrages, buses, radiers de pont, etc.). Celui-ci recense plus de 80 000 obstacles. Parmi ceux-ci, un premier ordre de grandeur de 18 000 obstacles dont le nom contient le mot « moulin » peut être tiré. Moins de 6 000 d'entre eux se situent sur des cours d'eau où s'impose une obligation de restauration de la continuité écologique. Enfin, une partie d'entre eux sont de fait partiellement ou totalement détruits et d'autres sont déjà aménagés d'une passe-à-poissons ou correctement gérés. Plus spécifiquement, la coexistence entre les moulins et l'abondance des poissons dans les cours d'eau fait débat. L'étude (Van Looy et al, 2014), menée conjointement par l'office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) et l'institut national de recherche en sciences et technologies de l'environnement (IRSTEA) a précisé l'influence négative notable des ouvrages, quels qu'ils soient, sur les populations de poissons, en militant bien pour la baisse de leur densité. Une convention d'engagements pour le développement d'une hydroélectricité durable a été signée le 23 juin 2010, pour établir un équilibre entre la restauration des milieux aquatiques, et la production d'hydroélectricité. Elle vise à trouver des compromis entre la suppression de vieux ouvrages, l'aménagement de certains ouvrages existants et la mise en place de nouveaux. Beaucoup de dossiers sont déjà en cours de traitement concernant la construction de nouvelles exploitations, dans des sections ciblées de cours d'eau et en accord avec le droit existant. De nombreuses remises en exploitation de moulins sont en cours un peu partout sur le territoire. Le ministère chargé de l'environnement vient de prendre plusieurs mesures pour renforcer la conciliation sur cette question : un appel d'offre pour le développement de la petite hydroélectricité, vient d'être lancé, qui comprend la remise en exploitation de moulins dans le respect des enjeux environnementaux. Il fait suite à l'arrêté fixant les nouveaux objectifs de développement des énergies renouvelables qui a été publié au Journal officiel le 26 avril 2016 ; des pages pédagogiques sur le fonctionnement des cours d'eau et la continuité écologique ont été mises en ligne sur l'internet et sont disponibles à l'adresse suivante http://www.developpement-durable.gouv.fr/Un-cours-d-eau-comment-ca-marche.html ; une charte est prête à être signée entre le ministère chargé de l'environnement, l'ONEMA, la fédération nationale pour la pêche en France, France nature environnement et une des fédérations de représentants des propriétaires de moulins ; sa signature est en attente des dernières décisions législatives en la matière ; un article du projet de loi sur la biodiversité, par exemple, prévoit d'ores et déjà de donner un délai de 5 ans supplémentaires pour finaliser les travaux de mise en conformité des ouvrages, dès lors qu'un dossier d'aménagement aura été déposé dans le délai initial ; le conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) (a été missionné pour faire un état des lieux précis des moulins et une analyse des situations qui posent des difficultés et préconiser des solutions ; un groupe de travail a été lancé à l'initiative du ministère de la culture, avec les services du ministère de l'environnement et les représentants des propriétaires de moulins, sur la question de la dimension patrimoniale des moulins. Tous ces éléments sont de nature à apaiser les tensions que cette question des moulins a pu générer, mais aussi à mettre en place une démarche appropriée, qui implique au cas par cas les parties concernées, pour concilier la restauration du bon état écologique de nos cours d'eau et la préservation de notre patrimoine des moulins. La politique du Gouvernement est donc bien celle du compromis en matière de restauration de la continuité écologique visant l'atteinte du bon état et le développement de l'hydroélectricité en tant qu'énergie renouvelable. Par ailleurs, les services du ministère chargé de l'environnement sont aussi engagés dans un travail d'identification des cours d'eau dans un souci de clarification du droit applicable et d'exercice apaisé de la police de l'eau, répondant à une demande de clarification des règles, exprimée fortement sur le terrain. En effet, il existe une difficulté réelle à distinguer des cours d'eau très aménagés et rectifiés dans le passé, servant d'exutoire de drainage et des fossés artificiels. Les fossés ou les drains créés de la main de l'homme, qui sont donc des ouvrages artificiels, sont des réseaux d'écoulement qui s'entretiennent dans le but de maintenir leur fonctionnalité, ce pour quoi ils ont été créés. Un groupe de travail à l'initiative du ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, a rédigé une instruction sur la cartographie des cours d'eau, issue d'une concertation avec l'ensemble des parties prenantes, au rang desquels figuraient les représentants du monde forestier. Les critères utilisés pour la définition d'un cours d'eau sont issus de la jurisprudence du Conseil d'État (notamment son arrêt du 21 octobre 2011) et sont repris dans le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Cette instruction technique n'est pas créatrice de droit, et la cartographie constitue un inventaire non opposable. Elle vise simplement à mieux faire connaître les parties du réseau hydrographique qui doivent être considérées comme cours d'eau. L'ensemble des acteurs concernés est associé à l'élaboration des cartes : les organisations professionnelles agricoles, les représentants des forestiers et des propriétaires ruraux, les associations de protection de la nature, les représentants d'élus locaux, etc.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Cours d'eau, étangs et lacs
Ministère interrogé : Écologie, développement durable et énergie
Ministère répondant : Environnement, énergie et mer
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 17 mai 2016
Dates :
Question publiée le 19 janvier 2016
Réponse publiée le 14 juin 2016