concurrence
Question de :
M. Jacques Cresta
Pyrénées-Orientales (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Jacques Cresta attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur la lutte contre la contrefaçon qui met à mal la production française, notamment les produits manufacturés. Les services des douanes françaises ne peuvent plus lutter efficacement contre la contrefaçon en raison d'une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (arrêt C-495-09 Nokia Philips, rendue le 1er décembre 2011) qui les empêchent de saisir les marchandises en transit sur les pays européens. Ceci à deux conséquences majeures : tout d'abord cela permet d'irriguer en contrefaçon les pays riverains de l'Union européenne et de mettre en place un e-commerce, rendant plus difficile le contrôle des douanes ; ensuite, la contrefaçon, même si elle n'est pas destinée au marché européen, représente un manque à gagner important pour les marques européennes, et notamment pour les marques françaises, qui sont les plus contrefaites. Il souhaiterait connaître son avis sur cette décision de justice et les incidences que cela représente sur la production française de produits manufacturés.
Réponse publiée le 12 mars 2013
La lutte contre la contrefaçon est une priorité gouvernementale et constitue un axe majeur de l'action de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). La quantité très importante des saisies opérées par les services douaniers ces dernières années illustre leur très forte implication face à ce fléau qui représente une grave menace à l'encontre de l'économie, de l'emploi, de la santé et de la création. Il résulte de l'arrêt Nokia-Philips, rendu le 1er décembre 2011 par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qu'une marchandise tierce en transit, transbordement ou sous un régime douanier suspensif, en provenance et à destination d'un État tiers, ne peut faire l'objet d'une retenue pour suspicion de contrefaçon qu'à condition d'être destinée à être commercialisée sur le marché de l'Union européenne (UE). Cette décision a eu un fort retentissement sur le contrôle par les services douaniers des marchandises en transit/transbordement, qui représentaient, en 2011, près de la moitié des marchandises de contrefaçons saisies en France. Cette décision révèle un décalage entre la réalité du trafic de contrefaçons, qui est devenu une activité lucrative pour les organisations criminelles, et la mise en oeuvre du droit de la propriété intellectuelle. Or il ne serait pas acceptable d'exposer l'Europe au risque de devenir une plateforme de redistribution de la contrefaçon, laissant les contrefacteurs agir en toute impunité. Par ailleurs, ces marchandises peuvent revenir sur le territoire de l'UE via des achats sur internet (16 % du total des saisies 2011 sont effectuées sur le fret postal et le fret express). C'est la raison pour laquelle les autorités françaises ont vivement réagi en alertant les autres Etats membres, la Commission européenne et les parlementaires européens sur les conséquences négatives que la cristallisation de la décision de la CJUE et sa transposition dans le projet de révision du règlement n° 1383/2003, qui encadre l'action des douanes sur les marchandises soupçonnées de contrefaçons, pourraient avoir sur la protection des droits de propriété intellectuelle. Dans le cadre du projet de révision du règlement n° 1383/2003, la France fait prospérer cette position, afin d'obtenir un texte qui laisserait la possibilité aux douanes européennes de contrôler en transit/transbordement. Dans un second temps, il s'agit de faire évoluer le droit matériel de la propriété intellectuelle de l'UE, à l'occasion de la réouverture des textes sur le droit des marques, dans le cadre du « paquet contrefaçon » proposé par la Commission. Il s'agit notamment de faire évoluer la notion de « vie des affaires », reprise dans ces textes car elle est actuellement cantonnée par la jurisprudence aux seuls actes de commercialisation dans l'UE. Il convient ainsi d'actualiser cette notion afin de tenir compte des mouvements commerciaux internationaux qui font partie intégrante de la « vie des affaires » dans une économie ouverte et d'y inclure le transport ainsi que toute activité de stockage ou de transformation en régime suspensif. Quant aux conséquences de cette décision de justice sur la production française de produits manufacturés, son incidence est indirecte puisqu'elle ne vise que les marchandises tierces, qui sont en transit, transbordement ou sous un régime douanier suspensif, en provenance et à destination d'un État tiers, et non pas les produits manufacturés fabriqués en France. Il n'en reste pas moins que les initiatives prises par le Gouvernement au niveau européen sont importantes car les entreprises françaises détentrices de droits de propriété intellectuelle sont nécessairement touchées par l'arrêt de ces contrôles, qui envoie un signal regrettable aux contrefacteurs, même s'il est difficile de chiffrer précisément cet impact. À moyen terme, une baisse de chiffre d'affaires, des pertes en emploi et un investissement sur la lutte anti-contrefaçon, au détriment du renforcement de la recherche & développement seraient à craindre faute d'une évolution de la législation communautaire.
Auteur : M. Jacques Cresta
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique économique
Ministère interrogé : Redressement productif
Ministère répondant : Budget
Dates :
Question publiée le 13 novembre 2012
Réponse publiée le 12 mars 2013