politique pénale
Question de :
M. Philippe Goujon
Paris (12e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 12 décembre 2013
DÉLINQUANCE DES MINEURS
M. le président. La parole est à M. Philippe Goujon, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Philippe Goujon. Ma question s'adresse à madame la garde des sceaux.
En 2012, pas moins de 70 000 mineurs ont été mis en cause devant le juge des enfants, comme ce mineur de 13 ans qui avait commencé sa carrière de délinquant un an plus tôt. En six mois, il a commis dix-sept vols et agressions. Placé à quatre reprises en foyer, il a fugué chaque fois et commis une série de vols. Le jour de ses 13 ans, il a été arrêté pour agression et, pour la première fois seulement, le juge des enfants a pu prononcer son placement en centre éducatif fermé !
Six mineurs sur dix récidivent. Les délinquants d'aujourd'hui récidivent d'autant plus qu'ils sont jeunes. Ces mineurs n'ont vraiment plus rien à voir avec ceux de l'après-guerre et il faut en finir avec cet anachronisme judiciaire qui fait de la sanction l'exception. C'est pourquoi votre intention de réécrire l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante suscite l'inquiétude et l'incompréhension, d'abord et avant tout de la part des victimes.
Alors que la meilleure des préventions est la certitude de la sanction, vous vous engagez dans la voie de l'absence de réponse pénale. Vous voulez en effet dissocier la culpabilité et la sanction, en reléguant l'incarcération adaptée au rang d'ultime recours. En dessous d'un certain âge, vous considérez les mineurs comme irresponsables, et les faites échapper à toute poursuite judiciaire. Vous reniez l'engagement présidentiel de doubler le nombre de centres éducatifs fermés, et décidez de ne plus faire comparaître devant les tribunaux correctionnels les mineurs auteurs d'actes passibles de plus de cinq ans de prison.
M. Matthias Fekl. Quelle est la question ?
M. Philippe Goujon. Enfin, vous privez de crédits le service citoyen pour mineur délinquant prévu par la loi Ciotti.
En France, pour être condamné, il faut avoir été présenté de nombreuses fois devant les tribunaux, sans aucune certitude que la sanction soit exécutée. Par votre réforme, vous érigez en modèle d'avenir ce qui a échoué avec les mineurs. Loin de permettre à la justice de remettre les mineurs délinquants dans le droit chemin, elle aboutira inéluctablement à une explosion de la délinquance des mineurs. Madame la garde des sceaux, allez-vous poursuivre dans la voie dangereuse du laxisme et de l'impunité généralisée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur Philippe Goujon, vous semblez faire de la situation que vous évoquez un véritable paradigme : je vous rappelle qu'elle s'est érigée alors que vous exerciez les responsabilités ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous avez décrit les conditions de prise en charge de la délinquance des mineurs : cela relève également des lois que vous avez adoptées !
L'ordonnance de 1945 a été révisée à trente-six reprises. Vous le savez d'autant mieux que vous y avez pris une très large part. Vous avez prétendu rechercher l'efficacité et éradiquer la délinquance des mineurs. Or vous savez parfaitement que 80 % des mineurs ne récidivent pas lorsqu'ils sont pris en charge en milieu ouvert. Lorsqu'ils doivent être pris en charge de façon plus drastique, les juges prononcent les décisions qu'il faut.
Vous avez prétendu vouloir être efficaces. Qu'avez-vous fait ? Vous avez supprimé 632 emplois à la protection judiciaire de la jeunesse, soit une réduction des effectifs de 8 % ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Mme Valérie Pécresse. N'importe quoi !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez diminué le budget de la PJJ, supprimé la moitié de ses directions interrégionales et territoriales et supprimé les crédits des associations ! (Mêmes mouvements.)
M. Alain Marty. Arrêtez !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . Monsieur le député, nous voulons rendre l'ordonnance de 1945 plus lisible. Nous tenons à la spécialisation de la justice des mineurs parce que nous voulons rendre les sanctions plus efficaces, qu'il s'agisse de mesures éducatives, de sanctions éducatives ou de sanctions plus contraignantes. Contrairement à vous, nous voulons rattraper ces mineurs ! (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe UMP.) Nous mettons déjà en œuvre des moyens pour cela.
M. Olivier Audibert Troin. Et les résultats ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux . Vous avez adopté en mars 2012 un projet de loi prévoyant qu'à partir du 1er janvier 2014 les mineurs faisant l'objet d'une mesure ou d'une sanction éducative devront être pris en charge par un éducateur dans un délai de cinq jours. Pourtant, vous avez supprimé des emplois d'éducateur ! Nous avons donc créé 205 postes d'éducateur dès 2013, de façon à permettre leur prise en charge. Nous visons l'efficacité, parce que nous voulons que les mineurs soient conscients de leurs actes, qu'ils les réparent auprès des victimes, et qu'ils respectent les règles de la société. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)
Auteur : M. Philippe Goujon
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 décembre 2013