Question au Gouvernement n° 2050 :
Société nationale Corse Méditerranée

14e Législature

Question de : M. Camille de Rocca Serra
Corse-du-Sud (2e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 10 juillet 2014


GRÈVE À LA SNCM

M. le président. La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Camille de Rocca Serra. Monsieur le Premier ministre, depuis quinze jours, la Corse est prise en otage par une entreprise dont l'État est actionnaire à 25 %.

Un député du groupe UMP . Par la CGT !

M. Camille de Rocca Serra. Ce énième conflit à la SNCM est une violence faite à la Corse, à son économie, à sa population. Violence, aussi, à l'activité économique de Marseille, en raison des bateaux de croisière déroutés. Mais lorsque les artisans, les agriculteurs, les commerçants, l'ensemble des chefs d'entreprise du secteur du tourisme et de tous les autres secteurs d'activité viennent demander, vendredi dernier, au préfet de Haute-Corse de faire respecter l’état de droit, à Marseille comme ailleurs, et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour libérer un bateau dont l'équipage n'est pas en grève afin de pouvoir desservir la Corse, alors ces personnes, déjà victimes du conflit, et qui ne demandaient que d'être respectées et de pouvoir travailler, se voient confrontées aux forces de l'ordre.

Cela n'est pas supportable. Ces gens sont venus défendre le droit de travailler, qui reste garanti dans ce pays, et non demander l'arrêt de la grève. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe UDI.) Ils ont seulement demandé au Gouvernement – c'est-à-dire à vous, monsieur le Premier ministre –, de faire respecter l’état de droit, et donc de libérer les ports et de permettre la circulation des navires. Ils sont aussi venus vous demander – et je le demande également en leur nom – de prendre les mesures nécessaires, dans les domaines fiscal, social et bancaire, pour compenser la perte d'activité qu'ils subissent et continueront de subir.

Je vous demande également, monsieur le Premier ministre, de dire enfin la vérité aux salariés de la SNCM, de leur révéler que leur avenir n'est pas celui qu'on leur avait promis, et de garantir à la Corse un service minimum. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, depuis plus de deux semaines, la SNCM est en effet touchée par un mouvement de grève. Le devoir du Gouvernement – et Frédéric Cuvillier l'a dit avec force il y a quelques jours – est donc de dire, sur ce dossier comme sur bien d'autres, la vérité aux Français.

La vérité, et il faut la dire aussi aux salariés de la SNCM, est que cette situation est insupportable et qu'elle a trop duré. La société est confrontée depuis très longtemps à de graves difficultés, et sans réforme d'envergure, elle ne s'en sortira pas. Au cours des dix dernières années, la SNCM a en effet été déficitaire à neuf reprises. J'en appelle donc une nouvelle fois au sens de la responsabilité de ses agents, car cette grève, si elle devait se poursuivre, sera fatale à l'entreprise.

M. Pierre Lellouche. Faites respecter le droit !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est la troisième grève en six mois, et elle intervient au début de la saison touristique, c'est-à-dire au pire moment. Ce mouvement remet en cause la survie même de l'entreprise, et il touche à la survie même de l'économie corse, liée, pendant cette période, au dynamisme de l'économie touristique. J'entends donc parfaitement l'exaspération de la population, des milieux économiques corse et marseillais, des chefs d'entreprise, des responsables d'hôtels, des agriculteurs, devant ces grèves à répétition qui paralysent l'économie locale.

M. Pierre Lellouche. Alors on fait quoi ?

M. Nicolas Sansu. Et vous entendez les salariés de la SNCM ?

M. Patrick Ollier. Il faut agir !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Notre objectif est simple : trouver les solutions – on les cherche depuis longtemps, et c'est pourquoi personne n'est en mesure de donner des leçons sur ce dossier (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) – pour la société et ses salariés. Je le dis clairement une nouvelle fois : la SNCM ne s'en sortira pas sans une restructuration dans le cadre d'un redressement judiciaire.

M. Dominique Bussereau. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre . C'est la condition même pour que l'entreprise puisse repartir sur des bases assainies et qu'un repreneur puisse se manifester.

Cela fait trop longtemps que l'on refuse de la dire, mais j'assume cette vérité, car nous la devons aux salariés comme à ceux qui subissent les conséquences de la grève.

M. Dominique Bussereau. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est la raison pour laquelle, compte tenu du climat de tension qui règne en Corse comme à Marseille, et que personne ne peut ignorer, nous avons nommé un médiateur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au moment où nous parlons, une négociation est en cours, et je crois aux vertus du dialogue.

Dans le même temps, j'appelle l'ensemble des parties prenantes de ce dossier à garder leur sang-froid. Le blocage des navires et les violences sont non seulement inacceptables, mais ne permettront pas de dénouer la situation. Le Gouvernement prendra donc, dans les heures qui viennent, toutes les mesures nécessaires pour que cessent ces blocages qui n'ont que trop duré : il y va du respect de l’état de droit.

Par ailleurs, une enquête administrative a été demandée par le ministre de l'intérieur concernant les incidents qui ont eu lieu à la préfecture de Haute-Corse.

Depuis le début de cette grève, le Gouvernement agit pour s'assurer que la desserte de la Corse soit maintenue. C'est essentiel pour l'île, pour son attractivité, pour le secteur du tourisme et pour l'économie locale. J'ai moi-même signé, comme ministre de l'intérieur, le plan de développement économique dont l'île avait besoin, et dont elle a bénéficié de manière continue depuis plus de dix ans, quelles que soient les majorités. Je recevrai d'ailleurs demain les représentants du monde économique et social de la Corse pour parler des mesures de compensation.

La SNCM, monsieur le député, pourrait repartir sur de bonnes bases. Les solutions existent ; pour cela, il faut que les salariés reprennent le travail. Un accord est possible, et les acteurs doivent continuer à travailler ensemble pour discuter d'un avenir commun. Si chacun joue pleinement son rôle, si nous tenons un discours de responsabilité, mais aussi de fermeté, si nous sommes à l'écoute des salariés, mais aussi des entrepreneurs, du monde économique corse et des Corses, alors je crois que nous pourrons trouver la bonne solution. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Données clés

Auteur : M. Camille de Rocca Serra

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports par eau

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 juillet 2014

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