ministres
Question de :
Mme Isabelle Le Callennec
Ille-et-Vilaine (5e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 11 septembre 2014
AFFAIRE THÉVENOUD
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Mme Isabelle Le Callennec. Qui a dit : « j'inverserai la courbe du chômage », « le déficit public sera réduit à 3 % », « ma présidence sera celle de l'intégrité des élus » ? Vous l'avez tous reconnu.
M. Henri Emmanuelli. C'est Sarkozy !
Mme Isabelle Le Callennec. Il s'agit du Président de la République lui-même, qui dit et ne fait pas.
Vous êtes le chef du Gouvernement, monsieur le Premier ministre. Alors, je ne vous dirai pas merci pour cette rentrée parlementaire à hauts risques, à hauts risques, certes, pour votre majorité mais, surtout, pour notre pays et pour les Français. Le chômage continue d'augmenter. Le pouvoir d'achat est en berne. Les déficits s'envolent.
Et puis il y a cette incroyable révélation : un membre de votre gouvernement, en délicatesse avec le fisc, rejoint la liste noire des ministres qui se croient au-dessus des lois tout en s'autorisant des leçons de morale sur la fraude fiscale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean-Claude Perez. Balkany !
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues ! On écoutera la réponse du Gouvernement.
Un député du groupe UMP . La honte !
Mme Isabelle Le Callennec. Cette affaire choque, monsieur le Premier ministre. Elle sidère les citoyens honnêtes et les élus intègres, heureusement les plus nombreux de part et d'autre de cet hémicycle. Elle conforte les Français dans cette idée qu'entre vos discours et vos actes il y a un immense décalage, et cela aussi rapproche l'extrême-droite des portes du pouvoir.
Alors, inutile de vous le dire, le groupe UMP est impatient d'entendre votre discours de politique générale. Des annonces, des déclarations d'amour, il y en a eu, mais la représentation nationale est en droit de savoir comment vous allez les traduire concrètement dans les textes, dans les faits, et surtout dans les budgets de l'État et de la Sécurité sociale. C'est ma première question.
J'y ajoute une autre question, tristement d'actualité. Votre ministre du budget va-t-il, comme le lui demande notre président de groupe, saisir la commission des infractions fiscales, sur les agissements de votre ex- et éphémère secrétaire d’État au commerce extérieur ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, je réponds bien volontiers à votre question, et je comprends que vous la posiez. Le comportement de Thomas Thévenoud, les faits qui lui sont reprochés, son attitude, sa désinvolture ont fait mal à la République, à la France et, aussi, à la gauche. Dans cette période que je décrivais, si particulière, cette période, notamment, de crise de confiance – ce qui, très honnêtement, doit tous nous interpeller –, alors qu'une immense majorité de nos concitoyens vivent dans la difficulté ou craignent pour leur avenir, alors que beaucoup ont du mal à payer leurs impôts, à l'heure où une immense majorité de nos concitoyens – nous le savons, et je le dis avec gravité – considèrent, à tort, bien sûr, que la plupart des responsables politiques de notre pays sont corrompus, une telle attitude est désarmante, elle est révoltante, elle est impardonnable.
C'est ce que chacun d'entre nous pense, notamment ceux qui le connaissaient. Quand on est parlementaire, et quand on est appelé au gouvernement de la France, ce grand pays, on doit être irréprochable, responsable et à la hauteur de la mission que le Président de la République et le chef du gouvernement vous confient. Il faut donc être exemplaire et respecter les lois et les règles.
Mme Claude Greff et M. Claude Goasguen . Pourquoi l'avoir fait ministre ?
M. Manuel Valls, Premier ministre . Dès que j'ai été informé de cette situation, après la nomination de Thomas Thévenoud, parce que c'est ainsi que cela se passe – le président Bartolone a rappelé le processus, dans des termes que je crois très clairs et que chacun connaît ici – et après les vérifications nécessaires, y compris en lien avec la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, à qui je veux rendre hommage, puisqu'elle agit en impartialité – sans la loi votée en 2013 par la majorité cela n'aurait pas été possible, je me permets de le rappeler – (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.),…
M. Dominique Bussereau, M. François Fillon et M. Guy Teissier . C'est faux !
M. Manuel Valls, Premier ministre . …nous lui avons d'abord demandé de rembourser et, deuxièmement, je lui ai signifié, avec l'accord, évidemment, du Président de la République et du ministre des affaires étrangères, qu'il devait quitter le Gouvernement, car il ne pouvait pas en être autrement. Nous avons pris nos responsabilités. J'ai pris mes responsabilités comme chef du Gouvernement, et sa famille politique, son groupe parlementaire ont pris les leurs.
Aujourd'hui, il y a toute une série de procédures. Il faut les respecter. Chacun a le droit de se défendre, de s'expliquer, mais il faut que ces procédures aillent jusqu'au bout. Et, je vais vous dire aussi, franchement, ce que je pense : je ne comprends pas, même si aucun d'entre nous n'a de pouvoir sur lui, je ne comprends pas qu'en responsabilité et en conscience il reste aujourd'hui membre de cette Assemblée nationale. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) S'il en appelle, comme il le dit, aux citoyens de sa circonscription, alors il a une occasion de le faire. Et je veux dire aussi quelque chose de très clair, ici, devant vous, puisque dans une semaine il y aura un vote de confiance. Même si, disons-le encore une fois, aucun d'entre nous n'a le pouvoir de l'empêcher de venir et de voter, sinon par la persuasion, je considérerai que son vote, s'il est positif, ne peut pas être comptabilisé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et UDI.)
Enfin, pour terminer, sur ce type de sujet, madame la députée, chacun, disons-le encore une fois, doit prendre conscience de la gravité de la situation et de la crise de confiance. Personne ne peut donner des leçons. Ce qui a fait très mal, en plus, en ce qui concerne Thomas Thévenoud, ce sont les propos qui ont été rappelés ensuite, pas seulement par vous-mêmes mais aussi par les médias, à la suite de son départ du Gouvernement. Il avait en effet été en pointe, à juste titre, dans la lutte contre la fraude fiscale. Cela veut bien dire que nous avons tous une responsabilité : notre comportement doit être exemplaire, nous devons être à la hauteur de nos responsabilités et, dans le débat public, dans les débats que nous avons entre nous, nous devons faire attention, parce que les Français nous regardent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Auteur : Mme Isabelle Le Callennec
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 septembre 2014