Question au Gouvernement n° 2129 :
transports fluviaux

14e Législature

Question de : Mme Barbara Pompili
Somme (2e circonscription) - Écologiste

Question posée en séance, et publiée le 2 octobre 2014


CANAL SEINE-NORD EUROPE

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le ministre des transports, le Premier ministre a annoncé vendredi le soutien de l'État au projet de canal Seine-Nord Europe. En période de disette budgétaire, tant au niveau national qu'européen, vous vous apprêtez donc à engager, au bas mot, la somme colossale de 4,5 milliards d'euros, dont 1 milliard pour l'État, sur un projet absurde.

Depuis des années, des chiffres fantaisistes circulent, que ce soit sur les supposées créations d'emplois, sur les tonnages prévus, ou sur l'illusoire évitement de camions que ce projet permettrait.

Les inquiétudes sont grandes sur l'impact environnemental de ce canal, notamment sur la ressource en eau. Le coût estimé ne prend en compte qu'un tronçon au gabarit de 4 400 tonnes, au milieu d'un réseau de gabarit inférieur.

Il faudra donc des budgets supplémentaires pour exploiter ce canal de façon optimale, et connecter le bassin parisien à Rotterdam en délaissant les ports français.

Dans son rapport, l'inspection générale des finances souligne que la concentration des financements européens sur ce projet exercerait un effet d'éviction vis-à-vis du financement d'autres projets d'infrastructures.

Financer ce canal, ou d'autres grands projets inutiles comme le Lyon-Turin, signifie donc en abandonner d'autres, qui eux seraient vraiment utiles. Avec les sommes englouties, combien d'infrastructures utilisées quotidiennement par les Français pourraient être rénovées ? Combien de lignes dites malades du réseau de la SNCF vont devoir encore attendre alors que le drame de Brétigny-sur Orge illustre l'urgence d'agir ?

Quid de l'amélioration des transports urbains, des autoroutes ferroviaires, des canaux existants qui sont délaissés depuis des décennies ?

Nous avons perdu 800 millions d'euros cette année en raison des reports de la taxe poids lourds. Les collectivités vont être amenées à financer ce projet de canal, alors que leurs dotations devraient baisser de plus de 3 milliards cette année.

Monsieur le ministre, quel projet d'investissement comptez-vous supprimer pour donner suite à cette annonce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Barbara Pompili, je vous réponds bien volontiers. Ce canal est un projet structurant pour le transport : il représente le chaînon manquant qui reliera le bassin de la Seine au réseau du Nord de la France, à la Belgique et aux Pays-Bas.

L'Île-de-France, qui génère 30 % de la richesse du pays avec ses 12 millions d'habitants ainsi que les grands ports de Rouen et du Havre, seront enfin connectés aux régions du Nord de la France, à la métropole lilloise, aux ports de Dunkerque et de Boulogne-sur-mer, ainsi qu'aux grandes nations fluviales du nord de l'Europe.

Ce canal constitue aussi une réponse essentielle à l'enjeu du développement durable pour les territoires du Nord de la France. C'est pourquoi je m'étonne de vos remarques. Il répond également à la saturation de l'autoroute A1, qui accueille un trafic croissant de poids-lourds. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP).

Il faut des solutions moins polluantes pour le transport durable des marchandises.

N'oublions pas non plus l'impact économique décisif, surtout dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, du projet de canal Seine-Nord Europe.

M. Bernard Roman. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je pense d'abord aux 12 000 emplois directs et indirects induits par la réalisation de cette infrastructure. Je pense aussi au développement des communes traversées, grâce à la création de zones d'activités. Je pense aussi, et surtout, à la préparation de l'avenir : les investissements d'aujourd'hui, qui permettent d'améliorer la qualité de vie, l'attractivité économique et l'emploi, font aussi la réussite de demain.

Le gouvernement est donc déterminé à relancer l'investissement dans le pays. C'est pour cette raison que j'ai souhaité, avec Sylvia Pinel, que la nouvelle génération des contrats de plan entre l'État et les régions, pour la période 2015-2020, soit signée d'ici à la fin de l'année, pour un montant de 12 milliards d'euros.

Pour toutes ces raisons, avec Alain Vidalies, secrétaire d’État aux transports, nous avons pris vendredi dernier, à Arras, cet engagement ferme sur ce projet d'infrastructure fluviale.

M. Bernard Roman. Excellent !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Gouvernement a décidé de confier au député Rémi Pauvros, que je veux saluer pour le travail accompli, une nouvelle mission pour mener à bien ce projet sur de nouvelles bases réalistes et crédibles. Je veux également saluer l'engagement de Frédéric Cuvillier, à qui nous devons aujourd'hui de pouvoir lancer ce projet. (Applaudissement sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP).

Enfin, le Gouvernement attend une subvention de la Commission européenne : c'est un très bon exemple du rôle que doit jouer l'Europe pour la relance économique, en soutenant la croissance à travers les investissements.

Ce projet de près de 5 milliards d'euros bénéficiera donc d'une subvention européenne à hauteur de 40 %. Notre objectif doit être un début des travaux en 2017, pour une mise en service en 2023.

Voilà, madame la députée, un projet structurant, qui redonne de l'espoir, un projet utile pour la France, son avenir et le nord-est de notre pays. Il doit être soutenu par tous ceux qui s'engagent pour des projets qui favorisent le développement durable. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe SRC)

Données clés

Auteur : Mme Barbara Pompili

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Transports par eau

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 octobre 2014

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