Question au Gouvernement n° 2212 :
politique fiscale

14e Législature

Question de : M. Pierre Lequiller
Yvelines (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 23 octobre 2014


POLITIQUE ÉCONOMIQUE DU GOUVERNEMENT

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le Premier ministre, la France est aujourd'hui l'enfant malade de l'Europe ; elle paraît isolée face à Bruxelles, et doit quémander le secours de l'Allemagne, qu'il y a peu, les socialistes vilipendaient. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Tout le monde s'inquiète de vos choix catastrophiques, contradictoires et controversés au sein même d'une majorité éclatée – comme hier sur le vote, pourtant symbolique, du budget. La Commission européenne, le Fonds monétaire international, la Cour des comptes, nos partenaires européens, et même notre prix Nobel d'économie, Jean Tirole, tous vous appellent à réaliser de profondes réformes structurelles.

M. Sébastien Denaja. Que vous n'avez pas faites !

M. Pierre Lequiller. Le décalage de compétitivité se creuse entre la France et nos partenaires et le chômage s'aggrave mois après mois dans notre pays. Le candidat François Hollande promettait un déficit de 3 % en 2013, objectif qu'il n'a pas tenu et qu'il n'atteindra même pas en 2017. Sans aucun cap, vous êtes constamment pris en tenaille entre les multiples appels à la raison et votre majorité, qui ne tient plus qu'à un fil.

Vous croyez que le fait d'obtenir des délais supplémentaires est un succès pour votre gouvernement, mais c'est au contraire un échec humiliant pour la France !

Au sein de la zone euro, le grand défi est d'engager une étape majeure, celle de la convergence fiscale. Or le taux de prélèvements obligatoires culmine en France à 46,3 %, quand la moyenne européenne est de 40,5 % et qu'il se situe en Allemagne à 39 %.

Le peuple de France est capable de courage et de dépassement, dès lors qu'il sait où on le conduit. Mais le Président de la République, indécis et inaudible, ne donne aucun sens à son action, qui reste incomprise en France comme en Europe. Quand comprendrez-vous que la crédibilité et l'influence de la France en Europe dépendent d'abord de sa santé économique, donc de sa vertu fiscale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Lequiller, vous connaissez bien ces questions ; c'est pourquoi je m'étonne du ton que vous employez et de la manière dont vous parlez de notre pays ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. On fait ce qu'on veut !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Présenter la France comme « l'homme malade » de l'Europe, c'est reprendre la même antienne que celle qui avait été utilisée à propos de l'Allemagne au début des années 2000. Je l'ai dit à nos amis allemands, en m'adressant à la presse, au patronat et aux syndicats allemands – et je vous le dis également : dans les discussions que nous avons, évitons, les uns et les autres, de parler de nos pays respectifs dans ces termes ; évitez donc, monsieur le député, de parler ainsi de notre pays – si je puis vous donner ce conseil amical. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Nous ne sommes pas sûrs de vouloir de vos conseils !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La France a transmis mercredi dernier son projet de budget à la Commission européenne. Il faut être précis – car vous ne l'avez pas été : comme Michel Sapin l'avait rappelé ici même, la Commission n'a pas le pouvoir de rejeter ou de censurer un budget ; elle émet un avis sur notre budget, comme sur ceux de tous les États membres de la zone euro, dans le cadre de la coordination des politiques économiques de la zone euro. Mais je le redis une fois encore devant la représentation nationale : la souveraineté sur le budget appartient au Parlement français, donc à l'Assemblée, et c'est nous qui assumons la politique, les réformes et les choix budgétaires qui sont les nôtres.

M. Pierre Lellouche. Vous êtes engagés par les traités !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous sommes bien évidemment en dialogue permanent avec la Commission européenne et nos partenaires. Nous leur avons expliqué le contenu de nos textes : Michel Sapin, Emmanuel Macron et moi-même l'avons fait, pour leur montrer l'ampleur des efforts que nous – non le Gouvernement, mais la France – faisons en faveur des entreprises et les économies que nous réalisons. Mais ce qui a changé profondément – et je pense que le débat est désormais au cœur de l'Europe –, c'est l'environnement économique, et même macro-économique.

Or je n'ai pas entendu cela dans vos propos. Aujourd'hui – et c'est un risque majeur –, on craint une nouvelle récession, non pas seulement en France, mais dans toute la zone euro. L'Allemagne n'est pas épargnée, comme le montrent les mauvais chiffres publiés ces dernières semaines et dont nul ne peut se réjouir. C'est une préoccupation qui a été abordée dans les discussions que Michel Sapin et Emmanuel Macron ont eues avec leurs homologues allemands et lors de mon entretien avec la Chancelière et le Vice-chancelier, il y a trois semaines.

De plus, l'inflation a fortement baissé, ce qui n'avait pas été anticipé. Dès le 1er août, j'avais indiqué qu'il existait un risque de déflation. L'inflation est négative dans plusieurs pays de la zone euro ; en France, les chiffres publiés la semaine dernière par l'INSEE montrent que l'inflation sous-jacente est à un niveau inédit. Cela doit tous nous inquiéter ; nous sommes très éloignés de la cible de 2 % par rapport à laquelle les règles budgétaires ont été construites.

M. Pierre Lellouche. C'est donc la faute de l'inflation !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Le dialogue avec la Commission va être poursuivi, mais ce qui est essentiel, c'est le débat qui s'ouvre sur la question de la croissance et des investissements. Le problème, monsieur le député – et c'est là que vous faites un contresens –, ce n'est pas la France ; toutes les organisations internationales le répètent d'ailleurs depuis des mois.

M. Pierre Lequiller. Si, c'est la France !

M. Christian Jacob. Le problème, c'est vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La France doit prendre ses propres décisions ; elle doit faire des économies et des réformes, mais pour elle-même, et non parce que l'Europe le lui demande. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Non, le problème, c'est la panne de croissance et d'inflation dans la zone euro, qui risque de décrocher par rapport au monde. (Mêmes mouvements.)

M. Sylvain Berrios. Le problème, c'est vous !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Si vous voulez un débat de ce niveau, je vous rappellerai dans quel état nous avons trouvé le pays en 2012, et le niveau d'inflation qu'il y avait alors ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Fromion. Ah oui ? Et il n'y avait pas de crise alors ?

M. Manuel Valls, Premier ministre . Si vous voulez que l'on vous rappelle qui a respecté la parole de la France dans les traités, c'est très facile !

M. Pierre Lellouche. Oh, arrêtez !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Mais puisque vous connaissez ces questions, revenons à l'enjeu essentiel, monsieur Lequiller : il s'agit de doter l'Europe d'une réelle politique d'investissement et de soutien à la croissance et à l'emploi. Or deux éléments majeurs sont intervenus, que vous n'avez pas rappelés.

D'abord, la baisse de l'euro.

M. Pierre Lellouche. Vous l'avez voulue !

M. Manuel Valls, Premier ministre. À la tribune de l'Assemblée nationale, au mois d'avril, j'avais affirmé de manière solennelle – même si je n'étais pas le premier à le dire – que l'euro était trop fort, trop cher.

M. Yves Fromion. Ce n'est pas nouveau…

M. Manuel Valls, Premier ministre . Je me réjouis donc que la Banque centrale européenne ait pris des décisions essentielles afin de permettre la baisse de l'euro : c'est bon pour notre économie et pour nos entreprises qui exportent en dehors de la zone euro.

L'autre élément important, ce sont les 300 milliards proposés par le futur président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

M. Pierre Lellouche. Où sont-ils ?

M. Manuel Valls, Premier ministre . Il faut alimenter ces investissements ; c'est ce que nous voulons faire avec nos partenaires allemands.

Alors, plutôt que de regarder uniquement la situation de la France – même si elle nous intéresse évidemment au premier chef – et de critiquer pour critiquer, sans porter un regard lucide sur notre situation, je vous invite à regarder de près ce qui a échoué en Europe.

Plusieurs députés du groupe UMP . Ce sont les socialistes qui ont échoué en Europe !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce qui a échoué en Europe, ce sont des politiques d'ajustement, qui n'ont pas pris en compte les risques en matière de récession. Quand vous étiez au gouvernement, vous n'avez pas pris vos responsabilités ; nous, nous les prenons !

Voilà le débat qui est ouvert ; voilà la position que le Président de la République défendra au Conseil européen. Ainsi, sur tous les bancs de l'hémicycle, on verra que la politique du Gouvernement est bonne pour la croissance et l'emploi, non seulement en France, mais dans toute l'Europe ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Données clés

Auteur : M. Pierre Lequiller

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 octobre 2014

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