politique de l'eau
Question de :
M. François de Rugy
Loire-Atlantique (1re circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 29 octobre 2014
DRAME DE SIVENS
M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.
M. François de Rugy. Monsieur le Premier ministre, c'est avec une grande émotion que je m'adresse à vous, au nom du groupe écologiste. Je veux tout d'abord rendre hommage à Rémi Fraisse, jeune homme pacifique, ami de la nature, engagé dans une grande association de protection de l'environnement, qui est mort ce week-end en marge du rassemblement contre le projet de barrage de Sivens, rendre hommage à ce qu'il fut, et rendre hommage à son combat qui est respectable et doit être respecté par tous. À sa famille, je présente nos plus sincères condoléances en ces temps de deuil.
Monsieur le Premier ministre, vous le savez, nous avons toujours récusé et condamné les actions violentes. En matière de maintien de l'ordre, la doctrine constante de l'État est de tout faire pour éviter les blessés et, plus encore, les morts, et nous savons que les forces de police et de gendarmerie ont à cœur d'agir dans le cadre de cette doctrine républicaine. En ce sens, et quelles que soient les conclusions de l'enquête judiciaire en cours, ce drame marque malheureusement un échec de l'État. Il vous appartiendra, monsieur le Premier ministre, d'en tirer les conséquences, toutes les conséquences.
Mais, au-delà de l'émotion qui nous étreint, et qui a enfin trouvé une expression officielle ce matin, dans une intervention du Président de la République, nous devons nous interroger sur le contexte de ce drame. Dans notre pays, comme c'est le cas d'ailleurs dans beaucoup de pays d'Europe, des mobilisations citoyennes surgissent contre des projets à l'utilité contestable, qui reposent sur un mode de développement destructeur de nos ressources et inadapté aux besoins d'aujourd'hui. Il y a quelques semaines, avant ce drame, la ministre de l'écologie, Ségolène Royal, avait commandé un rapport d'experts qui est venu confirmer point par point les arguments des opposants.
Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons aujourd'hui solennellement que l’État prenne là aussi ses responsabilités, toutes ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président François de Rugy, j'entends évidemment votre question, vos remarques et le ton, aussi, de votre question. Oui, nous vivons dans un État de droit, et, l'État de droit, il s'applique. Il s'applique quand il s'agit des procédures judiciaires en cours, et la seule chose que nous devons faire c'est nous mettre au service de la justice – le ministre de l'intérieur l'a rappelé il y a un instant – et tout faire pour connaître la vérité. Aucun d'entre nous, ici ou ailleurs, ne peut tirer des conclusions hâtives, sans même parler, monsieur le député, de mettre en cause l'État, même si, face à la mort de ce jeune garçon Rémi Fraisse, il y a forcément un échec. Cet échec, c'est celui de la société, face à cette violence que je condamnais tout à l'heure. Attendons donc les conclusions de la justice.
Comme tout projet d'investissement public ayant des incidences dans le domaine de l'environnement, le projet de barrage de Sivens est conduit depuis le début dans le respect des procédures prévues par le code de l'environnement. Toutes les procédures ont eu lieu. Les élus ont pris leurs responsabilités. Un dialogue nourri a eu lieu avec les chambres d'agriculture sur un projet qui concerne à la fois les agriculteurs et une ville comme celle de Montauban. C'est d'ailleurs à la demande de l'État, plus précisément du ministère chargé de l'environnement et donc de Mme la ministre Ségolène Royal, qu'un rapport d'expertise a été fait sur ce projet. En toute transparence, il a été remis à toutes les parties et rendu public.
Ces conclusions, vous les connaissez, sont au nombre de cinq. Elles visent à renforcer le volet environnemental ; elles ne demandent pas l'arrêt du projet ; elles ne demandent pas, non plus, le statu quo ; elles préconisent certaines évolutions. Il appartient maintenant au maître d'ouvrage, à savoir le président du conseil général du Tarn, qui est aussi sénateur, de se prononcer sur le sujet. Là aussi, respectons les procédures.
Enfin, monsieur le président de Rugy, oui, il y a des projets qui suscitent des contestations. Celles-ci sont pacifiques, font partie de notre débat démocratique, on peut le comprendre. En même temps, si nous voulons avancer dans ce pays, si nous voulons faire en sorte que les citoyens reprennent confiance dans l'action publique, si nous voulons réformer, si nous considérons que le progrès est une donnée essentielle de notre société, nous ne pouvons pas accepter – et je suis convaincu que nous nous retrouvons là-dessus – la moindre violence.
Un gouvernement qui considère que l'État de droit, que les lois de la République sont indispensables ne peut pas céder non plus à la violence. Ce gouvernement ne cédera donc en aucun cas à ce type de contestations et à la violence. Nous entendons parfaitement les contestations et les remarques que vous pouvez faire, mais, aujourd'hui plus que jamais, je dois ici affirmer que, dans un État de droit, on ne cède en aucun cas à la violence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
Auteur : M. François de Rugy
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Eau
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 octobre 2014