politique à l'égard des femmes
Question de :
Mme Sonia Lagarde
Nouvelle-Calédonie (1re circonscription) - Union des démocrates et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 26 novembre 2014
DÉLAIS DE PRESCRIPTION DES VIOLS ET AGRESSIONS SEXUELLES
M. le président. La parole est à Mme Sonia Lagarde, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
Mme Sonia Lagarde. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux. En ce 25 novembre, journée internationale pour l'élimination des violences à l'égard des femmes, le constat est sans appel. Selon l'ONU, 70 % des femmes dans le monde ont été, sont ou seront au cours de leur vie exposées à la violence en raison de leur sexe. L'heure est plus que jamais à la prise de conscience et à la mobilisation de chacun. En France, beaucoup a été accompli afin d'améliorer la prévention et la répression de telles violences, en particulier celles qui surviennent au sein du cercle familial, mais les femmes sont encore trop peu nombreuses à se tourner vers la justice. Si les facteurs en cause sont multiples, je souhaite appeler l'attention de la représentation nationale sur les délais de prescription des viols et des agressions sexuelles qui privent un grand nombre de femmes, et d'hommes aussi, il faut le dire, de la possibilité d'obtenir justice, en particulier si les victimes sont frappées d'amnésie traumatique.
C'est pourquoi le groupe UDI présentera ce jeudi à notre assemblée une proposition de loi visant précisément à allonger les délais de prescription, apportant une réponse concrète et immédiate aux associations de victimes. Je tiens d'ailleurs à rappeler que le groupe socialiste du Sénat a voté le texte au printemps dernier après un avis de sagesse du Gouvernement. Je vous appelle à mon tour, chers collègues, madame la garde des sceaux, à la sagesse ! Saurons-nous faire du débat un temps de consensus et de rassemblement contre les violences et pour une justice renforcée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Incontestablement, madame la députée Lagarde, il existe un consensus sur le sujet et sur la nécessité de protéger les victimes. On ne peut méconnaître l'objectif que votre groupe politique, au Sénat et ici, assigne à la proposition de loi visant à apporter des réponses concrètes aux difficultés rencontrées par les personnes victimes de viols et d'agressions sexuelles au cours de leur enfance ou de leur adolescence. Le Gouvernement est convaincu de la nécessité d'améliorer la protection et d'accompagner les victimes. Tel est le sens de l'effort budgétaire tout à fait substantiel que nous consentons, de l'expérimentation lancée au mois de janvier 2014 dans huit tribunaux de grande instance et de la transposition avec un an d'avance de la directive européenne relative aux victimes.
Le droit actuel tient compte de la spécificité de ces victimes car il est dérogatoire en matière de délais de prescription, lesquels, en cas de crime ou délit commis sur un mineur, sont respectivement de vingt et dix ans au lieu de dix et trois ans. Le délai court à partir de la majorité, la victime a donc jusqu'à ses trente-huit ans pour engager des poursuites contre un violeur. La proposition de loi que vous présentez est d'importance mais non sans conséquences. Ainsi, prévoir que les faits peuvent être poursuivis quarante-huit ans après avoir été commis comporte le risque que les preuves n'aient entre temps dépéri et pourrait donc susciter de faux espoirs. Il existe également un risque de distorsion si par exemple l'assassinat d'un enfant de huit ans est prescrit au bout de dix ans et un crime sexuel au bout de trente. Par conséquent, il faut retravailler le droit de la prescription, comme nous l'avons dit très précisément. Le Sénat a commencé le travail, l'Assemblée nationale peut le poursuivre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Alain Tourret. Bravo !
Auteur : Mme Sonia Lagarde
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Femmes
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 26 novembre 2014