lutte contre le racisme
Question de :
M. Pascal Popelin
Seine-Saint-Denis (12e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
Question posée en séance, et publiée le 10 décembre 2014
LUTTE CONTRE LE RACISME ET L'ANTISÉMITISME
M. le président. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Pascal Popelin. Permettez-moi tout d'abord, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, de saluer à mon tour la libération de notre compatriote Serge Lazarevic et d'exprimer le bonheur et le soulagement que nous avons tous éprouvés consécutivement à cette annonce. La France va retrouver l'un des siens et, sur tous les bancs de cette assemblée, nous nous en réjouissons.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Il y a un peu plus d'une semaine, à Créteil, au principal motif qu'ils étaient juifs, une femme et un homme ont vécu une tragédie. Ce crime allonge l'insupportable liste des actes antisémites, qui s'inscrit elle-même dans le triste décompte de toutes les haines mortifères, racistes, xénophobes, islamophobes et antireligieuses.
Il témoigne non seulement de la violence, mais aussi de la perte de repères qui traverse notre société. Ne pas l'accepter est bien sûr de la responsabilité de l'État. C'est aussi l'affaire de la nation, de chaque Français, de tous les habitants d'un pays qui a su, si souvent, montrer le chemin au monde.
« Il est plus facile de désintégrer un atome qu'un préjugé », disait Albert Einstein. Au-delà de tout ce qui a déjà été entrepris pour combattre ces taches qui souillent notre drapeau, je vous remercie, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir préciser à la représentation nationale la réponse qui doit être celle de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, j'imagine que chacun en convient ici et je veux le dire le plus clairement possible, le racisme, l'antisémitisme, la xénophobie ne peuvent pas avoir leur place dans la République et n'ont pas leur place en France. Jamais le Gouvernement et la représentation nationale, j'en suis convaincu, ne pourront se résoudre à tolérer de tels actes, visant à détruire physiquement, moralement et psychologiquement leurs victimes. Chacune de ces agressions et chacun de ces actes commis en raison de la religion, des origines, est une insulte à la France.
La semaine dernière, la violence antisémite la plus abjecte a une fois de plus fait l'actualité. De même que M. le ministre de l'intérieur dimanche à Créteil, je fais à nouveau part de notre très grande compassion pour les victimes de ces violences, celles de Créteil bien sûr, mais aussi celles, trop nombreuses, qui ne font pas la une des journaux. Il est vrai que cette forme de violence a atteint de nouveaux sommets en 2014, car les faits ont été multipliés par deux par rapport à 2013.
Il y a un mal, ancien et perfide, qui transporte à travers les siècles la détestation du peuple juif. Ce mal est aussi parfois encouragé par des groupes politiques, notamment sur internet. Cela se fait souvent sous couvert d'antisionisme et de la haine d'Israël. Il y a aussi la menace terroriste qui, au-delà de ce climat détestable, ajoute le risque d'actes dirigés contre les symboles de la communauté juive et contre nos compatriotes juifs. Les drames de Toulouse ou de Bruxelles en ont été les manifestations les plus effroyables.
Nous entendons l'inquiétude de nos compatriotes de la communauté juive. Je sais que beaucoup pensent à partir, car ils sont inquiets et doutent de la capacité de la France à les protéger. Je veux leur dire, devant vous, comme j'ai déjà eu malheureusement l'occasion de le faire, que la France sans les juifs de France, ne serait pas la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP, UDI et UMP.)
C'est ce message de protection que nous devons leur adresser. Pour réduire cette menace qui pèse sur tant de concitoyens, bien sûr, les forces de l'ordre et de la justice ont un rôle à jouer. Bien sûr, il est important que le Gouvernement prenne des mesures. Il l'a d'ailleurs fait il y a quelques jours, en créant une délégation interministérielle renforcée et disposant de plus de moyens, car il y a un travail considérable à faire dans la société. Les responsables publics et le Gouvernement mènent ce travail, en s'appuyant sur l’État de droit.
Mais j'appelle de nouveau à la mobilisation de la société. Je ne vous le cache pas, j'ai été étonné que cet acte de violence à l'encontre d'une femme et l'agression d'un couple, commis parce qu'ils étaient juifs et qu'ils devaient avoir de l'argent, n'aient pas suscité une plus grande indignation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP, UDI et UMP.)
Il y a des années, il y aurait eu des dizaines de milliers de personnes dans la rue. J'ai été étonné que la presse n'en ait pas fait davantage sa Une. J'ai été étonné que les intellectuels, les forces de notre société, ne se soient pas davantage indignés. C'est d'un cri d'indignation que nous avons besoin.
J'évoquais dimanche dernier le très beau film Les héritiers, qui, par un hasard absurde, se déroule au lycée Léon Blum de Créteil ; il met en scène des enfants en difficultés scolaires, qui apprennent tout simplement ce qu'a été la Résistance et la Shoah, grâce à un travail pédagogique et à une rencontre avec un ancien déporté. Voilà ce que nous devons faire ! J'appelle à une rébellion de la société. Comment a-t-on pu laisser faire de tels actes ? Comment de tels propos peuvent-ils être prononcés ?
Je l'ai rappelé dimanche, quand j'ai engagé le combat contre M. Mbala Mbala, je n'ai pas été suffisamment soutenu. Voyez ce qui se passe sur internet ! Voyez les accointances entre les extrêmes qui appellent à l'antisémitisme ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, RRDP, UDI et UMP.)
J'appelle à une rébellion de la société, parce que nous ne pouvons pas accepter de tels actes dans la France des droits de l'homme, que l'on célébrait ce matin à Prague, dans le cadre de la commémoration de la rencontre entre Mitterrand et Havel. Il faut un mouvement d'indignation ! Certes, le droit, la justice et les forces de l'ordre ont un rôle à jouer, mais c'est toute la société qui doit dire non à l'antisémitisme et au racisme ! (Applaudissements sur tous les bancs. – Les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP et quelques députés du groupe UDI se lèvent et applaudissent.)
Auteur : M. Pascal Popelin
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 décembre 2014