Question au Gouvernement n° 2423 :
protection

14e Législature

Question de : Mme Marie-George Buffet
Seine-Saint-Denis (4e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

Question posée en séance, et publiée le 17 décembre 2014


TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Mme Marie-George Buffet. Monsieur le ministre de l'intérieur, est-il pensable qu'aujourd'hui, en France, des femmes soient encore victimes de la traite, par de nouveaux exploiteurs, de soi-disant employeurs qui les font travailler plus de quatorze heures par jour, dans des conditions d'hygiène et de sécurité déplorables, sans réelle aération malgré l'emploi de produits toxiques, pour 200 à 400 euros par mois – quand elles sont payées.

C'est pourtant ce que viennent de mettre au jour les « coiffeuses du boulevard de Strasbourg ». Oui, on peut parler de traite, quand, non seulement on surexploite des êtres humains, mais qu'en plus on les prive de la liberté de circuler, voire d'exister en tant que personnes, en profitant de leur situation d'étrangères sans papier.

Ces « femmes courage » ont décidé de se battre pour leur dignité. Elles se sont mises en grève et, avec la CGT (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), ont porté plainte pour traite. Ces femmes ont dévoilé un système sur lequel notre pays ne peut fermer les yeux.

L'inspection du travail a d'ailleurs indiqué que les infractions constatées pouvaient relever du délit de traite des êtres humains, défini et réprimé par l'article 225-4-1 du code pénal.

Monsieur le ministre, cette plainte pour traite des êtres humains est un appel à protéger ces salariées et tous ceux et celles qui subissent la même exploitation.

Une pétition lancée par des élus et des personnalités affirme que, contre la traite des êtres humains, au nom de la dignité humaine, un État de droit se doit de protéger tous ceux qui travaillent sur son territoire.

Monsieur le ministre, allez-vous entendre cet appel ? La France, fidèle à ses valeurs, va-t-elle, une nouvelle fois, agir avec fermeté pour le respect des droits des êtres humains ? Allez-vous, comme la loi l'autorise, en attendant que la justice passe, régulariser la situation de ces femmes qui ont eu le courage de dénoncer un système de traite, et ainsi dire à ces odieux trafiquants : « stop, la France ne vous laissera pas faire ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme Nicole Ameline. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la députée, vous posez une question très juste et je partage totalement l'indignation que vous venez d'exprimer à la suite de la révélation de cette affaire épouvantable, où des femmes sont exploitées dans des conditions indignes par de véritables réseaux de traite des êtres humains.

Dès que cette affaire a été portée à notre connaissance, nous avons décidé d'appliquer les dispositions prévues par la loi, qui répondent d'ailleurs parfaitement aux préoccupations que vous venez d'exprimer à l'instant.

D'abord, dans le cadre de la circulaire prise par Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, le 28 novembre 2012, qui définit des critères de régularisation très précis, j'ai demandé aux autorités préfectorales d'examiner chaque cas et d'ouvrir le droit au titre de séjour à ces femmes, qui relèvent des dispositions de la circulaire.

Mais nous devons aller plus loin. Comme vous l'avez souligné, il existe un article – l'article L 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile –, qui permet de régulariser la situation des étrangers qui dénoncent des actes de traite des êtres humains, par l'attribution de cartes « vie privée et familiale », pour des raisons qui tiennent aux combats menés et à l'exploitation dont ces personnes ont fait l'objet. Le déclenchement de l'action publique par le procureur de la République ouvre immédiatement la possibilité pour ces personnes de bénéficier des titres précités. Je suis personnellement très attentif à cette situation, dans l'esprit que vous avez indiqué.

De manière générale, nous sommes déterminés à lutter contre la traite des êtres humains. En 2014, conformément aux instructions données par le Premier ministre, ce sont vingt-huit filières qui ont été démantelées, contre quatre l'an dernier, ce qui témoigne de la détermination du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Données clés

Auteur : Mme Marie-George Buffet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droits de l'homme et libertés publiques

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 décembre 2014

partager