Question au Gouvernement n° 2433 :
modes de scrutin

14e Législature

Question de : Mme Marion Maréchal-Le Pen
Vaucluse (3e circonscription) - Non inscrit

Question posée en séance, et publiée le 17 décembre 2014


MODE DE SCRUTIN

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, au titre des députés non inscrits.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le Premier ministre, vous indiquiez la semaine dernière que si la proportionnelle intégrale était instaurée pour les élections législatives, le Front national obtiendrait entre 150 et 180 députés. Il n'aura pas fallu plus d'arguments pour écarter définitivement la perspective d'une telle réforme puisque déjà à l'occasion du débat sur les élections départementales, vous aviez écarté le mode de scrutin proportionnel départemental par listes, au prétexte que certains départements pourraient tomber entre les mains du Front national, dont le Vaucluse.

Vous brandissez la menace, assez classique, de l'« ingouvernabilité ». Mais il ne vous aura pas échappé, monsieur le Premier ministre, que nous ne sommes plus sous la IVème République. De l'eau a coulé sous les ponts des institutions depuis Vincent Auriol ! Vos arguments, tirés du livre de Michel Debré, La mort de l'État républicain, datent de 1948 : autant vous dire qu'ils sont pour le moins dépassés.

M. Julien Aubert. Le FN est favorable au régime des partis !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ce type de risque existe, il est vrai, dans un régime dominé par le Parlement, où le Gouvernement est véritablement responsable devant cette chambre. Mais sous la Vème République, le pouvoir est concentré entre les mains du chef de l'État et l'exécutif dispose d'un certain nombre de moyens d'action sur le Parlement qui lui permettent de gouverner, comme la maîtrise de l'ordre du jour ou le système des votes bloqués.

La vérité, c'est que vous tirez avantage, avec l'UMP, du mode de scrutin majoritaire, qui favorise le bipartisme et les vagues successives d'alternance. Les valeurs de la République, comme la démocratie, ne se récitent pas devant les caméras, elles se défendent. Et il ne suffit pas, pour se donner bonne conscience, de les clouer sur les murs, comme votre Charte de la laïcité dans les écoles.

Certes, il vous faudra apprendre à convaincre, à composer, à débattre véritablement en vue d'adopter un texte, ce qui n'est pas votre fort, ni celui de votre majorité, dont la suffisance et l'aveuglement sont inversement proportionnels à son succès dans l'opinion.

Monsieur le Premier ministre, dépasserez-vous les intérêts de votre camp ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la députée, je vous remercie pour cette question extrêmement apaisante, truffée de références aux valeurs républicaines et qui appelle de notre part une réponse extrêmement simple.

Tout d'abord, madame la députée, le mode de scrutin n'est pas une affaire de convenance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Même pas en 1986 ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Vous avez fait référence à de nombreuses considérations constitutionnelles, mais un mode de scrutin traduit une conception de la République et de l'équilibre des relations entre les pouvoirs constitués.

Le Premier ministre a eu raison, la semaine dernière, de répondre à un parlementaire qui l'avait interrogé sur ce point, que la stabilité gouvernementale et politique était essentielle dans un pays confronté à autant de difficultés que le nôtre.

M. Guy Geoffroy. Vous êtes stables à 14 % !

M. Bernard Cazeneuve, ministre . Il faut de la stabilité gouvernementale et de la stabilité politique pour affronter les difficultés économiques et assurer le redressement productif de notre pays et celui de nos comptes.

M. Christian Jacob. 14 % !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il faut de la stabilité politique si nous voulons rassembler les Français autour des valeurs de la République – mais je comprends que ce ne soit pas votre préoccupation. Il faut de la stabilité politique si nous voulons reconstruire notre système éducatif.

M. Jean-Frédéric Poisson. Bla bla !

M. Bernard Cazeneuve, ministre . Il est évident, et le Premier ministre a eu raison de le souligner, que le choix de tel ou tel mode de scrutin peut dans certaines situations politiques, accroître l'instabilité et ajouter des difficultés aux difficultés, alors que l'objectif de ce gouvernement est de rassembler les Français pour redresser le pays.

M. Jean-Pierre Gorges. Et avec quel succès !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c'est qu'il existe des procédures et qu'un mode de scrutin ne se modifie pas comme ça. Ce n'est pas parce que cela vous arrange que c'est nécessairement bon pour le pays !

C'est la raison pour laquelle, s'il devait y avoir une modification du mode de scrutin, elle ne pourrait être engagée que dans le cadre d'une grande concertation réunissant l'ensemble des formations politiques avec un seul objectif : l'intérêt général du pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP . Comme en 1986 !

Données clés

Auteur : Mme Marion Maréchal-Le Pen

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Élections et référendums

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 décembre 2014

partager