Question au Gouvernement n° 2578 :
peines

14e Législature

Question de : M. Guillaume Larrivé
Yonne (1re circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 12 février 2015


LUTTE ANTITERRORISTE ET POLITIQUE PÉNALE

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le Premier ministre, pour que la voix de la France soit entendue en Europe, il faut qu'elle soit forte et cohérente. Mais notre pays est affaibli depuis bientôt trois ans par le désarmement pénal qui a été engagé par les gouvernements qui se sont succédé. C'est une réalité.

M. Marc-Philippe Daubresse. Et Taubira n'est pas là ! Où est Mme Taubira ?

M. Guillaume Larrivé. La première faute consiste à laisser en liberté des milliers de malfrats, de trafiquants, d'agresseurs. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, ne tombez pas dans les provocations, s’il vous plaît !

M. Guillaume Larrivé. Tel était l'objet de la loi qui a supprimé les peines planchers et qui a multiplié les réductions de peine.

La deuxième faute est de faire semblant de croire que la délinquance de droit commun et la criminalité terroriste n'auraient pas de rapport. C'est une erreur tragique, bien sûr, et les parcours de Coulibaly ou de Kouachi l'ont, hélas, démontré.

La troisième faute, monsieur le Premier ministre, c'est de refuser obstinément d'augmenter le nombre de places de prison ; il y en a 96 000 au Royaume-Uni, et seulement 57 000 en France.

Parce que nous respectons l'autorité judiciaire, nous vous appelons à rompre avec cette politique pénale qui entrave le travail des magistrats. Nous vous demandons de donner à l'autorité judiciaire tous les moyens de condamner fermement les terroristes à des peines de prison sans aucune forme de libération anticipée. Nous voulons que l'administration pénitentiaire ait enfin les moyens d'isoler tous les détenus radicaux.

M. Guy Geoffroy. Bravo !

M. Guillaume Larrivé. Nous voulons créer une rétention de sûreté pour que les terroristes condamnés restent isolés à leur sortie de prison, et nous vous appelons aussi, bien sûr, à expulser tous les terroristes étrangers.

M. Marc Le Fur et M. Guy Geoffroy . Très bien !

M. Guillaume Larrivé. Nous vous appelons aussi, monsieur le Premier ministre, à tirer toutes les conséquences politiques de la guerre contre le terrorisme en vous posant une question simple : Mme Taubira a-t-elle encore sa place au sein de ce gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives protestations sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. François Rochebloine. Très bien !

Un député UMP . Très bonne question !

M. Bernard Roman. C'est minable !

M. Guy Delcourt. Scandaleux !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez retrouver votre sérénité ; le Premier ministre va répondre. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur le député Guillaume Larrivé, Mme Christiane Taubira est actuellement en déplacement aux États-Unis…

Un député UMP . À Guantánamo ?

M. Marc-Philippe Daubresse. Elle est sur le départ !

M. Manuel Valls, Premier ministre . …où, avec son homologue américain, comme nous le faisons depuis deux ans et demi et comme cela a été fait par le passé, elle discute de la lutte contre le terrorisme. À l'évidence, Français et Américains doivent faire face ensemble.

Puisque c'était l'objet de votre dernière remarque, je pense qu'il est tout à fait légitime que les événements que nous avons connus suscitent débats et questionnements. Cela étant dit, notre pays sera d'autant plus fort que sur ces questions nous utiliserons, les uns et les autres, les bons mots et que nous ne nous affaiblirons pas collectivement. Vous avez toute légitimité à poser des questions, mais je crois avoir pour ma part toute légitimité à vous dire que ce gouvernement, avec, je n'en doute pas un seul instant, le soutien de la représentation nationale, fait tout et fera tout pour lutter contre le terrorisme, le djihadisme et l'islamisme radical. Et nous le faisons avec les armes du droit, avec la force de la République.

M. Claude Goasguen. Et le pénal ?

M. Manuel Valls, Premier ministre . Monsieur Larrivé, puisque je ne veux pas succomber, moi, à la tentation de la polémique, je peux vous dire qu'en tant que chef du Gouvernement, je suis fier de compter sur deux ministres tout à fait essentiels sur ces questions-là : Bernard Cazeneuve et Christiane Taubira. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.)

Vous ne m'entraînerez jamais dans ce vieux débat, que j'ai connu aussi lorsque j'étais ministre de l'intérieur : c'est tellement facile d'opposer l'action de la police, de la gendarmerie et des services à l'action de la justice !

M. Christian Jacob. Vous-même l'avez fait !

M. Manuel Valls, Premier ministre . À chaque fois, monsieur Larrivé, vous ou vos amis essayez d'affaiblir la garde des sceaux, le ministère de la justice, qui jouent pourtant un rôle essentiel.

Permettez-moi de vous rappeler que toutes les enquêtes antiterroristes sont menées sous l'autorité du parquet. Ce n'est pas le rôle du Parlement, ce n'est pas le rôle de l'Assemblée nationale d'affaiblir la justice et la garde des sceaux ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR.)

J'entends bien sûr votre préoccupation d'assurer la sécurité des Français, mais parler ici de fautes, celles du Gouvernement ou d'un ministre de la République, alors qu'il y a toujours une menace et un danger terroristes, ce n'est pas à la hauteur de la situation que nous connaissons, monsieur Larrivé ! (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

M. Claude Goasguen. C'est vous qui n'êtes pas à la hauteur !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vais vous rappeler quelques vérités : chacun ici sait que la politique pénale est le fruit d'un travail mûri, scientifique, éclairé, dont l'objectif est l'efficacité. Et l'efficacité – vous le savez parfaitement puisque vous connaissez ces sujets –, c'est la peine individualisée, le suivi serré des condamnations. C'est ce que nous faisons.

M. Philippe Goujon. C'est un travail d'amateur !

M. Manuel Valls, Premier ministre . J'ai en outre annoncé ici même, à la tribune, à la suite du conseil des ministres au cours duquel, sous l'autorité du Président de la République, des mesures contre le terrorisme ont été adoptées, qu'il fallait non seulement assurer ce suivi individualisé, mais aussi, sur la base des expérimentations que nous avons déjà menées, isoler, en effet, tous ceux qui représentent un danger en matière de terrorisme.

Je me dois de vous rappeler, monsieur Larrivé, que la réforme dite pénale est entrée en vigueur, selon les dispositions, le 1er octobre dernier ou le 1er janvier dernier. Il n'y a donc aucun lien entre la situation que nous avons connue et la loi pénale ; et n'en cherchez pas, parce que c'est mentir aux Français, ce n'est pas leur dire la vérité.

M. Claude Goasguen. Bien sûr qu'il y a des liens !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est un mensonge, à des fins uniquement politiques.

M. Pierre Lellouche et M. Claude Goasguen . Ce n'est pas vrai !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Plus vous tirerez la corde sur ce sujet-là, plus vous connaîtrez les déconvenues que vous avez connues il y a une semaine dans le Doubs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Il faut être rigoureux, parler des faits, et seulement des faits. Un des assassins, par exemple, avait été placé sous surveillance électronique de fin de peine en mars 2014. Je ne peux que vous rappeler qu'à cette date, la réforme pénale n'était même pas en cours de discussion au Parlement ; à l'époque, et je ne vous le reproche pas, ce sont les lois que vous avez votées, en l'espèce la loi pénitentiaire de 2009, qui étaient en application. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Mais la réforme pénale a empiré les choses !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Quand on veut critiquer, on regarde l'ensemble des faits et on assume aussi ses propres responsabilités, monsieur Larrivé.

Le Gouvernement veut faire toute la lumière sur ce qui s'est passé, en tirer toutes les leçons. Dans quelques semaines, le Parlement sera saisi d'un texte de loi sur le renseignement ; ce sera l'occasion d'avancer ensemble sur tous ces sujets. De grâce, face à l'attente des Français, le rôle du Gouvernement et de la majorité, mais aussi, j'ose vous le dire, celui de l'opposition, c'est d'être à la hauteur des responsabilités…

M. Pierre Lellouche. Vous ne l'êtes pas !

M. Manuel Valls, Premier ministre . …et de ne pas polémiquer sur ce qui n'intéresse personne. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Pierre Lellouche. Vous ne faites que des discours ! Il n'y a pas d'actes !

Données clés

Auteur : M. Guillaume Larrivé

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 février 2015

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