Question au Gouvernement n° 2784 :
Rwanda

14e Législature

Question de : M. Noël Mamère
Gironde (3e circonscription) - Écologiste

Question posée en séance, et publiée le 8 avril 2015


COMMÉMORATION DU GÉNOCIDE AU RWANDA

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.

M. Noël Mamère. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. M. le Président de la République, le 27 janvier dernier, a commémoré l'extermination des Juifs d'Europe en se rendant au mémorial de la Shoah et à Auschwitz. Le 24 avril, M. le Président de la République se rendra à Erevan pour commémorer le génocide des Arméniens. Nous sommes le 7 avril ; il y a vingt et un ans, en 1994, un autre génocide avait lieu : le génocide des Tutsis, au Rwanda. Un million de victimes entre le mois d'avril et le mois de juillet, et nous restons silencieux, et les plus hauts responsables de l'État ne se sont pas rendus à Kigali.

Nous avons le sentiment très fort qu'il n'y a pas de volonté, de la part du Gouvernement et de ceux qui l'ont précédé, d'aller sur le chemin de la vérité. Pourtant, un certain nombre de faits ont été établis, ici, à l'Assemblée nationale, par la mission d'information conduite par notre ex-collègue Paul Quilès en 1998, des enquêtes journalistiques, des documents officiels, des recherches historiques. Ces faits nous disent qu'un petit groupe de politiques, de droite et de gauche, sous le deuxième septennat de François Mitterrand, a mené une politique secrète avant, pendant et après le génocide de soutien à un groupe extrémiste, Hutu Power, dont on savait les relents racistes, totalitaires et génocidaires.

M. Bernard Accoyer. Et la proximité avec le fils Mitterrand !

M. Noël Mamère. Cette politique n'a jamais été débattue devant le Parlement, jamais débattue devant les Français. Vingt et un ans après, c'est donc encore le silence qui domine ; vingt et un ans après, résident dans notre pays un certain nombre de personnes soupçonnées d'être génocidaires et qui vivent sur notre sol en toute impunité.

La question qui vous est posée, monsieur le Premier ministre, est de savoir si ce gouvernement est prêt à dire la vérité et à ce que la justice fasse tout ce qui est en son pouvoir pour qu'enfin la vérité soit faite. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. François Loncle. La vérité a déjà été dite !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Monsieur Mamère, la réponse est oui ! Bien sûr que nous sommes disposés à dire toute la réalité !

M. François Loncle. Cela a été fait !

M. Laurent Fabius, ministre. Le génocide rwandais, vous l'avez rappelé, est une des pages les plus tragiques de l'histoire récente : un million d'innocents massacrés parce qu'ils étaient Tutsis ou parce qu'ils s'opposaient à la folie meurtrière d'un système.

Vous avez fait allusion à un rapport de l'Assemblée nationale : vous avez raison ! Une mission parlementaire a étudié très soigneusement le rôle de notre pays ; le rapport est long, mais je vous cite ses conclusions : « Si la France n'a pas apprécié à sa juste valeur la dérive politique du régime rwandais, elle a été le pays le plus actif pour prévenir la tragédie de 1994. » (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et UMP.)

M. Jacques Myard. C'est vrai, contrairement aux Américains !

M. Laurent Fabius, ministre. Je crois qu'il faut dire les choses telles qu'elles sont. Par ailleurs, vous faites référence à l'actualité et à toute une série de procès. Là encore, je voudrais rappeler la réalité et les chiffres : une condamnation l'année dernière, deux renvois aux assises cette année et plus de vingt dossiers en cours d'instruction, qui seront donc jugés. Il n'y a donc pas lieu de faire état de je ne sais quelle impunité : le Gouvernement français est parfaitement objectif dans cette affaire et l'impunité n'a pas lieu d'être.

Enfin, je voudrais rappeler un élément, qui sort peut-être de notre sujet mais qui est intéressant pour l'avenir : vous savez que nous nous mobilisons pour empêcher à l'avenir les génocides. En ce sens, nous sommes la seule puissance membre permanent du Conseil de sécurité – rejointe par d'autres, je l'espère – qui propose que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité renoncent volontairement à leur droit de veto en cas d'atrocités de masse. Cela dit assez la détermination du Gouvernement français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Jacques Myard. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Noël Mamère

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères

Ministère répondant : Affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 avril 2015

partager