Question au Gouvernement n° 2862 :
collèges

14e Législature

Question de : M. Bruno Le Maire
Eure (1re circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 13 mai 2015


RÉFORME DU COLLÈGE

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.

M. Bruno Le Maire. Ce qui nous rassemble ici, monsieur le Premier ministre, c'est le même amour de la nation française et la même volonté d'offrir le meilleur à nos enfants. C'est ce qui nous a tous amenés à vous apporter notre soutien au lendemain des attentats du 11 janvier lorsque vous avez appelé à l'union nationale. C'est ce qui amène aujourd'hui 234 parlementaires de la droite et du centre à exprimer leurs profondes inquiétudes sur la réforme du collège et en particulier de ses programmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Nous tous ici sommes convaincus, monsieur le Premier ministre, que l'excellence est le produit du mérite et qu'elle doit rester au cœur de l'école de la République.

M. Rémi Pauvros. Qu'avez-vous fait ?

M. Sébastien Denaja. Vous avez supprimé 80 000 postes !

M. Bruno Le Maire. Nous tous ici sommes convaincus qu'un collège diversifié reconnaissant l'intelligence de chacun de nos enfants est préférable à un collège unique. Nous sommes convaincus que les classes bilangues et les classes européennes sont un succès et doivent être maintenues. Nous sommes convaincus que l'apprentissage de la langue française est essentiel et qu'enseigner la langue latine est un moyen de préserver les racines de notre langue.

M. Daniel Vaillant. Pour tous !

M. Bruno Le Maire. Nous sommes convaincus que nos enfants doivent être fiers de l'histoire de la nation française. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Nous sommes convaincus que l'apprentissage des Lumières ne doit pas être une option facultative mais une obligation pour chacun de nos enfants afin qu'ils sachent quel est l'esprit de la France et de la République. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Mes chers collègues, s'il vous plaît !

M. Bruno Le Maire. Qu'avons-nous reçu en guise de réponse à ces inquiétudes ? Des critiques personnelles, des attaques, des invectives et des caricatures. Nous ne menons aucun combat personnel contre l'une de vos ministres, monsieur le Premier ministre, mais un combat pour la République, pour notre école et pour la Nation ! C'est au nom de ce combat que nous vous demandons solennellement de retirer le projet de réforme du collège et des programmes d'histoire. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous remercie de votre question, monsieur Bruno Le Maire, car elle est l'occasion de clarifier et poursuivre la discussion en sus des nombreuses explications que Mme la ministre a déjà eu l'occasion de donner et des arguments qu'elle défend avec courage et talent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. François de Rugy. Très bien !

M. Yves Fromion. Elle essaie !

M. Manuel Valls, Premier ministre . La réforme du collège est nécessaire. Ce gouvernement a fait le choix d'une réforme ambitieuse luttant d'abord contre les inégalités dès l'origine car là est le problème essentiel de l'école.

M. Dominique Le Mèner et M. Nicolas Dhuicq . C'est faux !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Le collège, moment essentiel de la scolarité, est le maillon faible de la scolarité des élèves français, nous pouvons tous nous accorder sur ce constat.

M. Sylvain Berrios. C'est vous le maillon faible !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Que constatons-nous, non pas depuis six mois ou trois ans mais depuis plus de dix ans ? Qu'un élève sur huit ne maîtrise pas les compétences de français à la fin de l'école primaire et un sur quatre à la fin du collège.

M. Yves Nicolin. Avec votre réforme, ce sera pire !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Une telle réalité, puisque vous parlez d'unité nationale, monsieur Le Maire, ne peut satisfaire personne, ni les élèves, ni les parents d'élèves, ni les enseignants dont je salue ici une nouvelle fois l'engagement quotidien. Qui peut se satisfaire d'un collège ne préparant pas assez bien nos enfants à l'avenir ? Qui peut se satisfaire d'un collège où les inégalités entre les enfants et les territoires se creusent ? Qui peut se satisfaire d'un collège aggravant les difficultés scolaires, en particulier dans les disciplines fondamentales que vous évoquez ? Personne ! Il faut donc réformer, ce qui suppose de l'engagement, du courage et des moyens. Comme l'éducation est notre priorité, nous avons donné des moyens à l'école. C'est pourquoi le budget de l'éducation nationale est redevenu le premier budget de la nation sous la présidence de François Hollande ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Interroger, questionner et interpeller, y compris pour demander le retrait d'une réforme, c'est votre droit, monsieur Le Maire, mais il faut cependant revenir sur votre bilan. Quel est-il ? La suppression de près de 80 000 postes en cinq ans !

M. Yves Censi. En raison de la baisse du nombre d'élèves !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Après ces cinq années, nous avons rendu à l'école les moyens de ses missions. Sur les 60 000 créations de postes prévues au cours du quinquennat, nous en avons déjà réalisé 35 200 ! Votre bilan est simple, monsieur Le Maire, car je crois que vous avez été ministre : moins de professeurs et le saccage de la formation des enseignants, que nous avons restaurée ! Moins de moyens et plus d'inégalités ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste - Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sylvain Berrios. Fossoyeur !

M. Manuel Valls, Premier ministre . L'enquête PISA le montre bien, malheureusement ! Sans être caricatural, les dix années au cours desquelles la droite a gouverné ce pays ont été celles de l'abaissement du niveau des enfants ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Sylvain Berrios. Mensonge !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Vous évoquez également la philosophie, les lettres et l'enseignement des humanités, monsieur Le Maire. Je rappellerai un seul chiffre : le nombre de postes ouverts au CAPES de lettres classiques a diminué de 50 % entre 2002 et 2012 et augmenté de 35 % depuis 2012 !

M. Jean-Luc Laurent. Affreux !

M. Claude Goasguen. Rien à voir !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Allons plus loin car cela vous concerne très directement : le nombre de postes ouverts au concours de l'agrégation a diminué de 17 % de 2002 à 2012 et augmenté de 42 % depuis 2012 !

M. Jean-Claude Perez. Quelle honte !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Il ne suffit pas de vociférer ni d'interpeller, il faut aussi que chacun défende un bilan et nous, nous sommes fiers de celui que nous défendons devant les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et si l'on regarde l'avenir, quel est votre projet, monsieur Le Maire ? Parlons-en ! Il consiste à supprimer 300 000 postes d'enseignants comme le propose le président de votre formation politique, Nicolas Sarkozy. Dites-le clairement ! Dites aux Français, aux parents d'élèves et aux enseignants que l'école n'est pas une priorité ! Vous voulez la détruire, nous voulons la reconstruire car tel est l'intérêt des Français ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Telle est votre conception et c'est pourquoi votre question est intéressante. Comme l'a dit il y a un instant Mme la ministre, il s'agit en effet d'un débat essentiel pour l'avenir de la nation entre la droite et la gauche, entre ceux qui ont une certaine conception de la République assurant la réussite de tous et ceux qui séparent les élèves d'un côté et de l'autre au nom de je ne sais quelle conception ! Nous voulons la réussite de tous ! Tel est le sens d'une réforme de justice et de progrès qui suppose de l'exigence ! Il ne faut pas s'opposer à la réussite de tous !

Ce gouvernement a le courage de réformer alors que tant de gouvernements, notamment ceux auxquels vous avez appartenu, monsieur Le Maire, n'ont pas réformé et ont en général reculé dès qu'il s'agissait de réformer l'école ! De tout temps d'ailleurs et au moins depuis Jules Ferry, puisque vous avez des lettres, dès que les progressistes ont eu le projet de réformer l'école, ils se sont heurtés aux conservatismes ! Le cœur de la réforme du collège, c'est l'autonomie des collèges dont on vous dira sur tous les bancs que les responsables des collèges, principaux et enseignants, la demandent ! Nous ne reculerons donc pas sur l'autonomie des collèges prévue par la réforme ni sur l'exigence d'apporter une réponse à chaque élève avec pour seul but la réussite. Nous irons au bout de la réforme des collèges, monsieur le ministre. La concertation sur les programmes vient de commencer et durera un mois. Personne ici ne peut nous donner des leçons car nous sommes tout aussi républicains que vous en matière d'histoire de la Nation, d'appartenance à la République, d'enseignement et de transmission des valeurs ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Fromion. Prétentieux !

M. Manuel Valls, Premier ministre . Enfin, vous avez bien raison de refuser les attaques personnelles, monsieur Le Maire, mais j'en ai lues, dirigées contre Mme la ministre de l'éducation nationale, à la une des quotidiens les plus réactionnaires et j'en ai entendues hier soir dans la bouche du président de votre formation dont les mots sont insupportables ! Si vous voulez un vrai débat projet contre projet, valeurs contre valeurs, sur les vraies questions, votre bilan et notre projet, nous y sommes prêts ! (Mesdames et messieurs les députés des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent. – Huées sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Données clés

Auteur : M. Bruno Le Maire

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Enseignement secondaire

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 mai 2015

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