INA
Question de :
M. Lionel Tardy
Haute-Savoie (2e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 27 mai 2015
DIRECTRICE DE L'INA
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Lionel Tardy. Ma question s'adresse à Madame la ministre de la culture.
Mes chers collègues, cette fois c'est sûr : la République exemplaire que nous avait tant vantée le président François Hollande est définitivement morte. La présidente de l'Institut national de l'audiovisuel, Agnès Saal, a été contrainte de démissionner après avoir dépensé 40 000 euros en frais de taxis en dix mois, alors qu'elle disposait d'une voiture avec chauffeur. Non seulement elle n'a pas à ce jour été sanctionnée, mais elle a même été recasée dans son administration d'origine – votre ministère – avec la création toute spéciale d'un poste de « chargée de mission sur les questions de gestion prévisionnelle et de compétences ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Un intitulé fort compliqué, reconnaissons-le : en langage militaire, on appelle cela une exfiltration ; sauf que dans votre cas, il y a eu des fuites. Cette réintégration surprend, et pas seulement parce qu'elle a été effectuée avec une rapidité inhabituelle, en à peine trois semaines. Elle est en contradiction totale avec l'éthique que votre gouvernement prétend défendre. Le bon usage de l'argent public devrait être un devoir absolu pour tous les hauts fonctionnaires.
Ne me répondez pas en parlant des gouvernements précédents. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C'est du vôtre, c'est de votre responsabilité dont il s'agit.
M. Jean Glavany. Vous n'avez pas bonne conscience, mon cher collègue !
M. Lionel Tardy. Cette aberration s'inscrit dans la longue liste des recasages effectués depuis 2012 : Jack Lang à l'Institut du monde arabe ; Jean-Pierre Bel comme envoyé spécial pour l'Amérique latine et les Caraïbes, sans compter les anciens conseillers de l'Élysée et de Matignon nommés préfets hors cadre. Copinage et recasage : voilà vos mots d'ordre pour sélectionner les dirigeants d'organismes publics, et tant pis pour la compétence !
Madame la ministre, allez-vous persister à affirmer que pour un haut fonctionnaire fautif le reclassement est la procédure normale, alors qu'un simple salarié du privé aurait été licencié pour faute grave depuis bien longtemps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Un député du groupe UMP. Magouilles !
Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Tardy, vous avez raison de ne pas souhaiter que je parle de la gestion de votre majorité à l'époque car je crois qu'il y en aurait pour trop longtemps. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
S'agissant d'Agnès Saal, je tiens à être très claire : lorsque les faits ont été portés à ma connaissance, je lui ai immédiatement demandé de démissionner. Par la suite il y a, dans un État de droit, des procédures, et cela vaut même dans le privé puisque quand on reproche des faits à une personne, l'on suit certaines règles pour faire une enquête, établir la réalité des faits et mettre cette personne en position de s'expliquer. Cela s'appelle, je le répète, l'État de droit. Vous avez peut-être des cours de rattrapage à suivre en la matière. (Vives protestations sur les bancs du groupe UMP – Bruit.)
M. Philippe Cochet. C'est honteux de dire ça !
Mme Fleur Pellerin, ministre. C'est cela la démocratie. En démocratie, dans la fonction publique, on travaille pour un gouvernement qui peut être d'une sensibilité ou d'une autre. (Mêmes mouvements.) Si l'on part du principe que c'est comme les jeux du cirque, c'est-à-dire qu'il appartient au Président de la République, au Premier ministre, à un ministre de baisser le pouce pour mettre fin au destin d'une personne sans faire une enquête, sans établir les faits, sans lui permettre de se défendre, il ne s'agit pas de démocratie. (Mêmes mouvements – De nombreux députés du groupe UMP quittent l'hémicycle.)
M. Philippe Cochet. Monsieur le président, défendez les droits du Parlement !
Mme Fleur Pellerin, ministre. Je serai intraitable. Je trouve les faits reprochés à Agnès Saal inacceptables. Je peux vous dire qu'il n'y aura ni passe-droit ni petits arrangements entre amis. Dès lors que la procédure aura permis d'établir les faits et qu'Agnès Saal aura pu présenter ses arguments, je prendrai des mesures extrêmement fermes parce que je n'accepte pas qu'on confonde son porte-monnaie avec l'argent des Français. Mais je respecte la démocratie, nos institutions, l'État de droit, et vous savez très bien que dans le privé, les salariés protégés, les syndicalistes par exemple, bénéficient d'une protection renforcée contre l'arbitraire. Je me flatte que nous puissions être fermes mais justes, et respecter l'État de droit. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)
Auteur : M. Lionel Tardy
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Audiovisuel et communication
Ministère interrogé : Culture et communication
Ministère répondant : Culture et communication
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mai 2015