Question au Gouvernement n° 3059 :
terrorisme

14e Législature

Question de : M. Christian Jacob
Seine-et-Marne (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 1er juillet 2015


LUTTE CONTRE LE TERRORISME

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains.

M. Christian Jacob. Monsieur le président, je sais qu’un hommage sera rendu à Charles Pasqua au Sénat, dernière assemblée où il a siégé, mais permettez-moi, au nom de mon groupe, d’avoir une pensée émue pour celui qui fut un grand patriote et un grand serviteur de l’État. (Mesdames et messieurs les députés du groupe Les Républicains, du groupe de l'Union des démocrates et indépendants, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, puis mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, ainsi que les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, se lèvent et applaudissent.)

Merci, monsieur le président. Merci également à vous, monsieur le Premier ministre, et au Gouvernement, ainsi qu’à tous nos collègues qui ont salué la mémoire de cet homme d’État.

Monsieur le Premier ministre, un homme, un innocent, un Français digne et droit, est mort décapité au nom de l’islamisme radical qui nous a déclaré la guerre. Pour tous les Français, cet acte de barbarie est insoutenable. C’est une guerre contre notre civilisation judéo-chrétienne, une guerre contre la civilisation des Lumières, dont la France est l’héritière.

Face à un ennemi qui s’attaque à nos valeurs les plus profondes, nous avons un devoir d’unité derrière nos soldats engagés au Sahel et au Moyen-Orient pour défendre nos libertés, derrière nos policiers, nos gendarmes, et nos services, partout remarquables.

Ici, à l’Assemblée, monsieur le Premier ministre, l’opposition n’a jamais manqué à son devoir d’unité. À trois reprises, nous avons voté les textes que vous nous avez soumis : en décembre 2012, en 2014 et, tout récemment, le texte sur le renseignement.

Mais aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, nous vous demandons solennellement d’aller plus loin. Pour ne pas perdre cette guerre, il faut s’en donner les moyens. D’abord, avec un collectif budgétaire, pour affecter à nos services les moyens dont ils ont besoin dans la durée. Ensuite, avec un volet répressif puissant qui permettra l’enfermement des individus radicalisés au départ et au retour du djihad. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.) Enfin, avec la déchéance de nationalité et l’expulsion des binationaux qui ont porté les armes contre la France. (Mêmes mouvements.) Ceux qui combattent et qui salissent le drapeau français ne méritent pas d’être Français.

Ma question est donc simple : monsieur le Premier ministre, au moment où les Français attendent de nous que nous soyons unis et intraitables face à nos ennemis, allez-vous retenir nos propositions ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, le Président de la République, plusieurs membres du Gouvernement et moi-même avons salué la mémoire de Charles Pasqua. Nous avons en mémoire les mots de François Mitterrand le concernant et personne ici ne peut oublier, au-delà des différences et du parcours de Charles Pasqua, qu’il fut gaulliste, qu’il avait une certaine idée de la République et de la France et qu’il fut l’un des plus jeunes résistants de notre pays. Vous avez raison : il faut honorer la mémoire de Charles Pasqua. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Je vous remercie de votre question. Il est vrai, en effet, comme nous l’avons tous dit ici d’une manière ou d’une autre, que nous sommes confrontés à ce qui est sans doute la plus grande menace de ces dernières décennies : celle de ce terrorisme, de cet adversaire à la fois extérieur et intérieur – c’est le même, ce sont les mêmes terroristes qui agissent à l’extérieur, ici ou dans d’autres pays.

J’ai rappelé tout à l’heure les chiffres, au nom de ce devoir de vérité et de lucidité. Je rappelle une nouvelle fois que d’autres pays sont concernés par ces phénomènes – la plupart en Europe. Un chiffre effrayant doit nous amener à mesurer l’ampleur de ce phénomène : celui des 5 000 Européens – je ne parle que des Européens – qui sont présents aujourd’hui en Irak ou en Syrie. Pour la fin de l’année, les projections prévoient un chiffre de 10 000 Européens, outre tous ceux, Tunisiens, Marocains ou Algériens, qui sont déjà là-bas.

Chacun doit donc comprendre que, comme je l’ai rappelé à la tribune de cette assemblée le 13 janvier dernier et, déjà, dès la fin de l’année 2012, lorsque nous avons voté ensemble la première loi antiterroriste, qui tirait aussi les leçons des crimes de Merah à Toulouse et à Montauban, nous sommes engagés dans une guerre contre le terrorisme – un guerre que mène le terrorisme, celle que mène notamment Daech, et qui est nouvelle par rapport aux phénomènes de terrorisme que nous avons connus.

Pour cela, il faut évidemment des moyens nouveaux et considérables. Notre arsenal juridique est là, je l’ai rappelé : ce sont les deux lois antiterroristes, avec des mesures concrètes et efficaces qu’il faut appliquer tous les jours, et la loi sur le renseignement, qui est aujourd'hui devant le Conseil constitutionnel et qui nous donne des moyens supplémentaires.

C’est difficile à dire, en pensant à la famille de notre compatriote, mais je reste convaincu, comme le ministre de l’intérieur, que les moyens que nous donne cette loi auraient peut-être – je le dis avec prudence – permis de savoir ce que préparait cet individu. Nous avons donc besoin de ces moyens et, bien sûr, d’une coopération européenne, qui est indispensable, majeure, pour adopter au plus vite le Passenger Name Record – le PNR –, ce fichier recensant les passagers des vols. Il faut que chaque parlementaire européen se rende bien compte que, dans tous les pays d’Europe, les citoyens ont aujourd'hui, à juste titre, peur du terrorisme, que chaque parlementaire européen prenne ses responsabilités et que le Parlement européen puisse enfin voter le PNR, qui est aussi l’un de ces instruments. ((Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Mme Nicole Ameline. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous avons besoin de cette coopération avec les pays d’Europe – nous l’avons engagée avec Bernard Cazeneuve – et tous les pays concernés. Il faut que l’Europe – la France, elle, prend ses responsabilités – aide la Tunisie, qui est un pays ami, un pays frère, victime du terrorisme. C’est ce pays qui a enclenché le processus démocratique. C’est un pays qui porte haut les valeurs de la démocratie et de la laïcité. C’est aussi pour cela que ce pays frère a été attaqué par les terroristes. Nous avons un devoir de soutien, comme l’a manifesté hier le ministre de l’intérieur en se rendant en Tunisie avec ses homologues allemand et britannique.

Nous avons mis les moyens. On peut certes toujours faire plus : monsieur le président Jacob, comme nous l’avons montré à l’occasion de la réunion de ce matin à l’Élysée, autour du chef de l’État, nous sommes toujours disponibles pour examiner vos propositions et aller plus loin. J’ai rappelé le nombre de policiers, de gendarmes et de militaires mobilisés. Je peux rappeler aussi les 1 830 policiers et gendarmes supplémentaires dédiés à la lutte contre le terrorisme qui ont été créé en trois ans, dont 930 au sein du renseignement intérieur, les 250 millions d’euros engagés et les 950 emplois qui se mettent en œuvre. On peut toujours aller plus vite, mais il faut des hommes et des femmes formés dans les juridictions spécialisées, dans la lutte contre le terrorisme et dans le milieu pénitentiaire, car il faut poursuivre sans relâche cette action.

Tous les jours – je dis bien tous les jours –, des individus sont arrêtés et des filières démantelées. Six attentats majeurs ont été évités depuis 2013. Des filières ont été démantelées. Ces derniers jours, quatorze personnes ont été interpellées. Nous continuerons les expulsions – c’est, bien sûr, indispensable – de prêcheurs de haine et de terroristes en fin de peine, dont des imams, je l’ai rappelé. La déchéance de la nationalité, dans des conditions de respect du droit, nous y sommes prêts. Cela n’avait jamais été fait à ce niveau. Nous continuerons.

Mais, monsieur Jacob, la lucidité – et je sais que, sur ces questions, nous pouvons nous retrouver – nous amène aussi à voir que, comme c’est également le cas dans de nombreux pays, certains de nos compatriotes concernés, dans certains quartiers, ne sont pas des binationaux, mais des convertis, notamment au salafisme. Nous devons donc agir sur tous les paramètres, en rassemblant la société française – la laïcité, l’école, la manière dont on vit, les quartiers – car, au fond, c’est ce qui se joue.

Si je suis inquiet, comme vous l’êtes et comme, évidemment, le sont aujourd'hui les Français, qui se disent qu’aujourd'hui leur voisin peut être un terroriste, c’est à cause de ce changement qui est train de s’opérer. Après l’émotion du mois de janvier, c’est aujourd'hui la peur qui s’est emparée de nos compatriotes. Si nous ne voulons pas que la peur s’impose dans notre société, nous devons être forts.

Monsieur Jacob, je vous donne rendez-vous pour examiner ensemble les solutions que nous pouvons mettre en œuvre, dans le strict respect de l’État de droit, avec les moyens nécessaires. Avec le ministre de l’intérieur et la garde des sceaux, nous sommes ouverts au dialogue, car j’ai la conviction profonde que l’unité, le rassemblement des Français autour des valeurs est plus que jamais indispensable face à ce qui est une véritable guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Données clés

Auteur : M. Christian Jacob

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juillet 2015

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