Question au Gouvernement n° 3104 :
Grèce

14e Législature

Question de : M. Éric Woerth
Oise (4e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 16 juillet 2015


ACCORD EUROPÉEN RELATIF À LA GRÈCE

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth, pour le groupe Les Républicains.

M. Éric Woerth. Monsieur le Premier ministre, nous assistons depuis dimanche, au sujet de la Grèce, à un drôle d'exercice d'autocélébration du Président de la République et d'autosatisfaction générale du Gouvernement – une sorte de fanfare du 14 juillet ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Marcel Rogemont. Vous êtes jaloux !

M. Jean Glavany. On reconnaît bien là le porte-parole de Sarkozy !

M. Éric Woerth. Vous nous aviez dit qu'une sortie de l'euro n'aurait pas d'incidence sur notre économie, ce qui est évidemment faux ; que M. Tsipras était un homme d'État, alors que M. Tsipras ment à tout le monde depuis le début…

M. Philippe Baumel. C'est un spécialiste qui parle !

M. Pascal Popelin. C'est lamentable !

M. Éric Woerth. …que le couple franco-allemand était renforcé, alors qu'il n'a jamais été aussi fragile.

Pendant longtemps, le Président a cherché un rôle dans cette négociation, sans le trouver. François Hollande a voulu jouer le rôle d'entremetteur entre M. Tsipras et Mme Merkel. Ce n'est pas un rôle digne de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Martin. Un peu de respect !

M. Éric Woerth. Face à cela, nos exigences ont été constantes …

M. Jean Glavany. Sarkozy n'a pas arrêté de changer d'avis !

M. Éric Woerth. … : garder la Grèce dans la zone euro, mais pas à n'importe quel prix, en obtenant des réformes profondes de l'économie grecque et en surveillant de près leur mise en œuvre ; préserver le couple franco-allemand, chahuté par l'attitude ambiguë du Président de la République ; réformer les modes de gouvernance de la zone euro. J'ajouterai un impératif supplémentaire : celui de protéger la France et le contribuable français.

Comme beaucoup de Français, j'éprouve une confiance très limitée envers votre gouvernement, et une méfiance absolue vis-à-vis du gouvernement grec. Néanmoins, je voterai pour l'ouverture des négociations (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) car j'ai la conviction que voter contre aurait des conséquences plus graves encore. Mais je souhaite avoir des réponses précises aux questions suivantes : comment pouvez-vous nous assurer que le plan de réformes sera strictement appliqué ? S'il ne l'était pas, quelles conséquences le Gouvernement français en tirerait-il ?

Le piètre spectacle qu'a donné l'Europe doit trouver une réponse aussi puissante que rapide. Quelles initiatives allez-vous prendre dans ce domaine, et notamment pour assurer un renforcement de la zone euro faute duquel on court au désastre ?

M. Jean Glavany. On va demander conseil à Sarkozy !

M. Éric Woerth. Enfin, le Président de la République exige pour la Grèce des réformes qu'il n'est pas capable de faire en France. Quand engagerez-vous en France les réformes que vous exigez de la Grèce ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)

M. Jean-Pierre Dufau. La voix de son maître !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le ministre, monsieur Woerth, on pourrait continuer sur le mode de l'humour, en parlant d'autocélébration, puisque j'ai cru comprendre que vous gratifiez le président de votre formation politique de l'accord qui a été conclu dimanche. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.) Cette gratification a fait sourire et pourrait bien vous valoir, dans quelques mois, le prix de l'humour politique. Ce n'est certes pas moi qui le décerne, mais j'essaie d'y contribuer à ma manière.

M. Christian Jacob. Vous êtes bien placé vous-même !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Alors nous sommes deux, monsieur Jacob !

Mais revenons à l'essentiel : la France s'est déterminée uniquement en fonction des intérêts de l'Europe. Tel a été le sens des discussions que Michel Sapin a menées au niveau de l'Eurogroupe, et le Président de la République au niveau du Conseil européen. Vous-même souhaitiez, comme une grande majorité de celles et ceux qui siègent dans cette assemblée, que la Grèce reste dans la zone euro – pas à n'importe quelle condition, bien sûr – pour des raisons à la fois économiques, politiques et géostratégiques, sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir.

Il y a une semaine, chacun ici souhaitait, exigeait même, que la France et l'Allemagne avancent de conserve. Le résultat du sommet européen – j'y reviendrai tout à l'heure, à l'occasion du débat qui sera suivi d'un vote, – c'est que la Grèce reste dans la zone euro. C'était essentiel, et c'était la position de la France, défendue de la manière la plus opiniâtre par le Président de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. Guy Geoffroy. Diantre, quelle opiniâtreté !

M. Patrick Hetzel. N'importe quoi !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous demandiez enfin que le couple franco-allemand joue pleinement son rôle – ce point était au cœur de mon intervention et le Président de la République a rappelé hier cette nécessité. S'il ne peut pas tout à lui tout seul, dans l'Europe telle qu'elle existe aujourd'hui, rien ne peut se faire si la France et l'Allemagne n'avancent pas de conserve.

M. Marc Le Fur. Et les contribuables français ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Président de la République avait non seulement le souci que la Grèce reste dans la zone euro, mais aussi que la France et l'Allemagne, que la chancelière allemande et lui-même, avancent ensemble, qu'un accord soit trouvé, et que le contribuable français soit en effet protégé. C'est sur ce résultat que vous aurez, en conscience et en responsabilité, à vous prononcer au terme du débat que nous aurons cet après-midi.

J'aurai alors l'occasion, monsieur Woerth, de revenir sur les questions de fond…

M. Guy Geoffroy. Il faudrait répondre tout de suite !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais je veux dire dès maintenant que l'Europe a traversé une crise sans précédent, une crise qui l'a fragilisée et qui nous impose de prendre un certain nombre d'initiatives concernant la zone euro – le Président de la République l'a dit hier.

Quand la France joue pleinement son rôle en Europe, quand le chef de l'État assume pleinement son rôle et qu'il permet, grâce à l'action conjointe de la France et de l'Allemagne (« Faux ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme Claude Greff. Surtout de l'Allemagne !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …de sortir l'Europe de la crise, on oublie, monsieur Woerth, que l'on est un opposant, et on salue une victoire pour l'Europe et pour la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Données clés

Auteur : M. Éric Woerth

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 juillet 2015

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