agriculteurs
Question de :
M. Christian Jacob
Seine-et-Marne (4e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 23 juillet 2015
CRISE AGRICOLE
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains.
M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, vous êtes au pouvoir depuis trois ans.
Un député du groupe Les Républicains. C'est long !
M. Christian Jacob. Et, depuis trois ans, vous n'avez jamais pris la mesure du caractère stratégique de l'agriculture. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Il n'y a pas d'industrie agroalimentaire sans une agriculture forte. En France, je vous le rappelle, un actif sur cinq travaille dans cette filière. Depuis six mois, la crise couve. Vous avez semé la tempête en restant inerte, passif, je dirai même inexistant. (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Alain Fauré. Vous, vous soufflez sur les braises !
M. Christian Jacob. Et ne nous parlez pas de votre plan de 600 millions d'euros ! C'est une opération de « com' », une mascarade, un mensonge, ce sera même vraisemblablement une fumisterie, monsieur le Premier ministre.
M. Bruno Le Roux. C'est du grand Jacob !
M. le président. Monsieur Le Roux, s'il vous plaît !
M. Christian Jacob. Les critères d'utilisation de ces 600 millions d'euros sont tels qu'à l'arrivée seules quelques dizaines de millions seront utilisés.
Et ne me dites pas non plus que tout vient de la loi de modernisation de l'économie. La LME, c'était il y a sept ans ! Qu'avez-vous fait depuis lors ? Le contexte a complètement changé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Les Républicains, aujourd'hui, monsieur le Premier ministre, vous demandent un moratoire sur la mise aux normes des bâtiments d'élevage, des mesures immédiates de baisse des taux d'intérêt et d'étalement des prêts. Ce que nous avons fait pour la Grèce, nous le devons aux paysans de France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains – « Minable ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen). Il faut un partage des marges au sein de la filière, parce que, aujourd'hui, le seul dont le travail n'est pas respecté, c'est le producteur, et il faut enfin, monsieur le Premier ministre, une mobilisation européenne puissante pour lutter contre les distorsions de concurrence avec les pays qui ne respectent ni les normes sociales ni les normes environnementales. Mais, pour cela, il nous faudrait un ministre digne de ce nom (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains – Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), un ministre qui aille faire le tour des capitales européennes, pas un ministre qui passe son temps rue de Solférino à gérer les problèmes internes du Parti socialiste ! Monsieur le Premier ministre,…
M. le président. Merci, monsieur le président Jacob !
M. Christian Jacob. …les paysans sont au bout du rouleau, ils attendent de vous des décisions, ils attendent que vous changiez de ministre de l'agriculture (Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen) et que vous…
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, je vous réponds parce que vous êtes président de groupe, mais le ministre de l'agriculture s'exprimera également puisque de nombreuses autres questions porteront sur ce sujet.
Le monde agricole, le monde de l'élevage traversent une crise importante, qui n'est pas nouvelle, nous avons déjà eu l'occasion de le dire. Le monde agricole – pas tout le monde agricole, mais une partie –…
Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen . C'est sûr, les céréaliers nantis ne sont pas touchés !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …traverse depuis longtemps une crise économique, sociale et même morale. Il y a de l'angoisse, de la détresse, de la colère, chacun peut le constater, et ce message, nous l'avons entendu déjà depuis longtemps.
M. Charles de La Verpillière. Et vous n'avez rien fait !
M. Sylvain Berrios. Mettez-vous donc au travail !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Et c'est tout le sens de l'action que nous menons depuis 2012, avec la loi sur l'avenir de l'agriculture. Le chef de l'État, le Gouvernement, le ministre de l'agriculture entendent le message. Être éleveur, vous le savez, car vous connaissez ces sujets, monsieur Jacob – ce qui ne signifie pas que votre diagnostic est le bon – c'est exercer un métier difficile, c'est avoir une volonté d'entreprendre, de prendre des risques, c'est travailler sans compter, s'engager sans compter, au détriment, tout simplement, de sa vie, notamment de sa vie familiale.
Monsieur le président Jacob, face à cette détresse, les vociférations, les mises en cause personnelles, notamment celle du ministre de la culture,…
Plusieurs députés du groupe Les Républicains. De l'agriculture !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …ne sont pas dignes. Elles ne sont pas à la hauteur de la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen – Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Les responsabilités que vous avez exercées dans ce domaine et votre qualité de président de groupe justifieraient que vous vous portiez à la hauteur de la situation, monsieur Jacob, mais vous n'en êtes pas capable. (Mêmes mouvements.)
M. le président. S'il vous plaît, chers collègues, nous n'en sommes qu'au début de cette séance !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La détresse des agriculteurs ne doit pas être exploitée à des fins politiciennes. Je comprends, monsieur Jacob, que vous n'ayez pas envie que l'on revienne sur le passé, mais, vous allez le souffrir, on peut y revenir. La loi de modernisation de l'économie, que vous avez défendue aveuglément, nous en payons les conséquences aujourd'hui. La fin des quotas laitiers, que vous avez actée en 2008, nous en payons les conséquences aujourd'hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Aujourd'hui, je vous le dis, monsieur Jacob, mais cela peut aussi s'adresser à M. Le Maire, le monde paysan n'a pas besoin d'exploitation politicienne, il n'a pas besoin d'une récupération comme celle à laquelle vous êtes en train de vous livrer. (Mêmes mouvements.) Il a besoin de solutions durables, il a besoin d'avoir de nouveau confiance dans l'avenir. C'est cela que nous devons à tous les agriculteurs, notamment aux jeunes et à ceux qui ont fait le choix d'investir dans cette filière.
M. Christian Jacob. Mais quelles réponses apportez-vous ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous ne considérons en effet pas seulement que l'agriculture est au cœur de l'identité de notre pays et qu'elle est, notamment avec l'élevage, une filière d'avenir. Nous considérons aussi qu'elle est au cœur même de l'économie d'aujourd'hui et de demain.
M. Bernard Deflesselles. Des mots, des mots !
M. Étienne Blanc. Baratin !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Le Gouvernement est aux côtés des éleveurs. Nous apportons deux réponses, l'une à l'urgence, l'autre, structurelle, pour le moyen et le long termes. Ce plan, qui a été détaillé ce matin par le ministre de l'agriculture…
M. Étienne Blanc. C'est une catastrophe ! Il faut changer de ministre !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais, monsieur Jacob, quel mépris !…
M. Christian Jacob. C'est vous qui pratiquez le mépris !
M. Manuel Valls, Premier ministre. …Quelle manière de faire de la politique ! Quel type de langage vous utilisez ! De quelle manière parlez-vous ! Jamais je n'oserais parler d'un responsable de l'opposition de cette manière, jamais ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vous qui avez été ministre de la République, vous rendez-vous compte de la manière dont vous vous êtes adressé à un autre ministre de la République ? Mais, enfin, monsieur Jacob, la manière dont vous parlez, c'est une manière qui déconsidère l'action et le langage politiques ! (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen ainsi que quelques députés du groupe écologiste se lèvent et applaudissent longuement.) Pardon de vous le dire, mais, encore une fois, ce n'est pas digne d'un député de la République et d'un président de groupe ! Sur des sujets pareils, ne vous rendez-vous pas compte, monsieur Jacob, que ces propos, cette attitude, ce type d'attaque ne vous aideront pas et ne profiteront pas à vos amis ? C'est une nouvelle fois le poujadisme et le populisme que vous êtes en train de soutenir. (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Monsieur Jacob, rendez-vous compte de vos propres responsabilités !
Six axes sont au cœur des propositions qui ont été détaillées par le ministre de l'agriculture. Pour ma part, j'entends ce que disent les agriculteurs depuis tout à l'heure : ils sont en train de se rendre compte que le Gouvernement répond précisément à leurs attentes, avec le redressement des prix payés aux éleveurs, la restructuration des dettes, les allégements et les reports de charges. Comment pouvez-vous parler de mesurettes, de quelque chose qui ne correspondrait pas à la réalité ? C'est cette réponse urgente qui est attendue. Que demandent les agriculteurs, monsieur Jacob, puisque vous parlez en leur nom ? Ils demandent précisément, qu'on réponde au problème de la dette et de sa structuration. Ce sont des mots qu'ils ont utilisés hier, à l'occasion de leur rencontre avec le ministre. Et, vous, pour des raisons politiciennes, parce que vous êtes dans l'opposition la plus totale et la plus absurde, vous ne reconnaissez pas que ce plan va dans le bon sens !
Ce plan comporte également trois axes de moyen et long termes, avec, premièrement, le développement de la contractualisation dans les filières. D'ailleurs, M. Le Maire avait commencé, sur ce dossier – je le dis parce que nous considérons, nous, que, sur ces sujets, face aux difficultés, quand les choses vont dans le bon sens, on peut le reconnaître.
M. Yves Censi. Ce n'est pas ce que vous disiez à l'époque !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Deuxièmement, des actions viseront à développer les débouchés à l'exportation. Au passage, si vous aviez tout réglé, nous n'en serions peut-être pas là, non plus ! Enfin, le troisième axe est l'amélioration de la compétitivité des filières, et je n'oublie pas, bien sûr, la simplification.
Sur tous ces sujets, le dialogue, la discussion vont se poursuivre, encore cet après-midi avec les représentants de la filière bovine, avec le ministre de l'agriculture, avec le ministre de l'économie, avec le ministre du commerce extérieur.
M. Étienne Blanc. Baratin !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous sommes tous mobilisés pour trouver des solutions dans le court terme et des solutions structurelles. Le pays a besoin de cette filière. Il faut adresser un message de confiance. Nous voulons construire, nous voulons construire l'avenir. Monsieur Jacob, si vous étiez responsable, vous seriez avec nous ; vous ne l'êtes pas, mais, nous, nous continuons à agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. et plusieurs bancs du groupe écologiste.)
Auteur : M. Christian Jacob
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juillet 2015