Question au Gouvernement n° 3123 :
agriculteurs

14e Législature

Question de : Mme Véronique Louwagie
Orne (2e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 23 juillet 2015


CRISE AGRICOLE

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour le groupe Les Républicains.

Mme Véronique Louwagie. Monsieur le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, votre réponse à Guénhaël Huet, il y a quelques instants, nous interpelle quant à votre analyse de la situation.

Vous dites connaître, grâce à votre BTS agricole, le monde agricole. Mais alors, pourquoi ne pas l'avoir écouté ? Pourquoi ne pas nous avoir écoutés dans cet hémicycle, lorsque nous tentions, ces dernières semaines, d'attirer votre attention sur la dégradation du niveau de vie des familles des éleveurs ainsi que sur les grandes difficultés d'exercice de la profession ?

M. Jean-Pierre Dufau. On t'a attendue.

Mme Véronique Louwagie. Après avoir longuement hésité à vous rendre à Caen, lieu emblématique de la crise de l'élevage, vous vous êtes finalement excusé de ne pas avoir mesuré l'urgence de la situation. Pour vous, il était urgent d'attendre et nous en voyons aujourd'hui le résultat.

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt n'a rien réglé pour le présent, et encore moins pour l'avenir. Vous n'avez alors apporté aucune réponse concrète, pas plus concernant le niveau des prix, notamment celui de la viande et du lait, que concernant l'excès de normes pesant sur les exploitations, devenues aujourd'hui insupportables,…

M. Jean-Pierre Dufau. N'importe quoi.

Mme Véronique Louwagie. …ou sur l'organisation indispensable des filières qui permettrait d'apporter une solution à la répartition des marges entre les différents acteurs.

Aujourd'hui, nous sommes de nouveau inquiets. Les vingt-quatre mesures d'urgence présentées ce matin en conseil des ministre sont-elles à la hauteur des enjeux formulés ces derniers jours ?

Un exemple, monsieur le ministre : vous présentez quatre mesures destinées à diversifier le revenu des éleveurs à travers la transition énergétique. Mais les éleveurs veulent d'abord, et avant tout, vivre de leur métier !

Autre exemple : vous avez présenté une mesure d'exonération de fiscalité locale portant sur les installations de méthanisation. Or une telle disposition a déjà été votée dans la loi de finances initiale pour 2015, et tenez-vous bien : nous attendons actuellement la parution du décret d'application !

M. Alain Fauré. Quel rapport avec l'élevage ?

Mme Véronique Louwagie. S'agit-il alors de mesures nouvelles ou d'une opération de communication ? Ma question, en fait, est simple : à quand des actes pour l'avenir, des mesures structurelles prenant en compte d'une part la baisse des charges, d'autre part la diminution des normes et, enfin, une juste concurrence entre États producteurs, notamment en matière de normes environnementales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la députée, il faut poursuivre jusqu'au bout ce débat sur les responsabilités des uns et des autres.

M. Étienne Blanc. Trois ans !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Prenons les différentes filières concernées. Dans la filière laitière, la crise est liée, vous le savez, au faible niveau des cours internationaux, dû à une production mondiale en hausse, mais aussi, je le répète, à la fin, depuis le 1er avril dernier, des quotas laitiers au sein de l'Union européenne. La décision d'y mettre fin avait été prise en 2008 avec l'accord du gouvernement français de l'époque, contre l'avis de la plupart des producteurs français. Et vous nous expliquez, madame la députée, qu'il faut être à l'écoute des producteurs et des agriculteurs, alors que vous ne l'avez pas été quand vous vous trouviez au pouvoir ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Philippe Martin. Et voilà !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Les relations commerciales au sein de la filière alimentaire sont marquées, vous le savez également, par des tensions récurrentes qui ont atteint leur paroxysme ces derniers temps.

M. Bernard Accoyer. Et l'embargo russe ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Cette situation, comme le ministre de l'agriculture l'a rappelé il y un instant, est en partie le résultat de dispositions prises par la majorité précédente au travers de la loi de modernisation de l'économie.

M. Christian Jacob. Il y a sept ans.

M. Manuel Valls, Premier ministre. La majorité précédente, malgré les mises en garde répétées de l'opposition de l'époque, a ouvert la porte à une guerre des prix effrénée entre les enseignes de la grande distribution. Les mots de François Fillon rappelés il y a quelques instants par Stéphane Le Foll l'illustrent parfaitement. Elle a encore davantage écrasé les producteurs et les petits fournisseurs de la grande distribution. La baisse des prix pour le consommateur, derrière laquelle vous vous cachez pendant tous les débats pour mieux imposer la règle d'un libéralisme non maîtrisé, n'est qu'une grande illusion : le pouvoir d'achat des Français n'en est pas pour autant sorti renforcé.

M. Bernard Accoyer. Et l'abrogation de la TVA anti-mondialisation ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Nous travaillons, nous, depuis mai 2012, à rééquilibrer les termes des négociations commerciales sur la ligne de crête actuelle. Mais cette libéralisation du commerce aura sans nul doute bouleversé notre économie aux dépens des fournisseurs les plus faibles, sans avoir d'effet réel pour le consommateur.

M. Patrick Ollier. C'est faux.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Un mot sur le prétendu acharnement de ce Gouvernement à complexifier l'environnement réglementaire des exploitations et à surtransposer les directives communautaires. Mon gouvernement est le seul qui ait pris des mesures concrètes d'allègement des procédures en faveur des élevages, en créant un régime d'enregistrement pour les élevages porcins et en préparant un dispositif comparable pour l'élevage bovin et les exploitations laitières, sans abaisser les exigences environnementales.

Enfin, grâce au crédit d'impôt compétitivité emploi, le CICE, la filière agricole bénéficie de 1,6 milliard d'euros.

M. Marc Le Fur. Pas les coopératives !

M. Christian Jacob. Donc tout va bien.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Non, tout ne va pas bien. Oui, des difficultés existent. Oui, il faut des réponses de court, de moyen et de long terme devant ces difficultés.

Plusieurs députés du groupe Les Républicains. C'est comme le chômage : il devait baisser.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais plutôt que d'avoir un débat caricatural, plutôt que d'accuser le ministre de l'agriculture, plutôt que de ne pas écouter la réaction des agriculteurs et des éleveurs, je vous demande, madame la députée, de faire preuve de responsabilité. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Jacob. Mais pour qui vous prenez-vous ?

M. Manuel Valls, Premier ministre. Pour cela, il faut regarder la réalité en face et soutenir les mesures que nous avons proposées ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Données clés

Auteur : Mme Véronique Louwagie

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 23 juillet 2015

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