Question au Gouvernement n° 3250 :
culte musulman

14e Législature

Question de : M. Jacques Bompard
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit

Question posée en séance, et publiée le 22 octobre 2015


PRÉSENCE DE L'ISLAM EN FRANCE

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Chers collègues, la France est au point de rupture : une rupture identitaire, spirituelle, économique, sociale et migratoire, une rupture que l'on désigne comme insécurité culturelle, dictature du prêt-à-penser, grand remplacement, crise de la France périphérique, dissolution civilisationnelle. Personne n'ose prendre la mesure de la signification de cette crise, alors que les explosions identitaires sont historiquement les plus violentes.

En vérité, sans redécouverte rapide du bon sens et du réel, notre pays va à l'implosion. Face à cette civilisation fragmentée et dissoute, une autre explication du monde avance : l'islam. Une explication du monde dont le président hongrois, Viktor Orbán, a dit récemment qu'elle n'appartenait pas spirituellement à l'Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Il va sans dire que La Mecque n'est ni voisine d'Aix-la-Chapelle, ni à côté de Reims.

M. Patrick Mennucci. Ça suffit !

M. Jacques Bompard. En France, une forte communauté musulmane existe, qui totalise sept millions de pratiquants, d'après leurs représentants. (Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Razzy Hammadi. Honte à vous !

M. Jacques Bompard. Mais ce qui est insupportable aux Français, c'est que l'État encourage l'islamisation de notre société.

M. Michel Pouzol. Honteux !

M. Jacques Bompard. En France, des préfets font pression pour la construction de mosquées. En France, des membres du Conseil d’État sont commissionnés à la Fondation pour les œuvres de l'islam. En France, les Frères musulmans sont des interlocuteurs du ministère de l'intérieur. (Mêmes mouvements.)

M. Pascal Terrasse. Il y a deux visions !

M. Jacques Bompard. J'ajoute que l'explosion de l'influence salafiste auprès des communautés musulmanes modérées est une réalité, quand nous ne maîtrisons toujours pas le financement des mosquées et des associations cultuelles et nous ne mettons pas en œuvre le refus de tout communautarisme dans l'action politique. (Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Le tumulte couvre progressivement les propos de l'orateur, qui deviennent à peine audibles.)

M. Jean Glavany. Les deux minutes sont écoulées, madame la présidente !

M. Jacques Bompard. Dans ma circonscription, à Bollène, des non-salafistes en sont à réclamer un deuxième lieu de culte. Devant une telle situation, il est urgent de créer un moratoire sur la construction de mosquées en France, afin de fermer celles qui sont soutenues par des islamistes.

M. Jean-Luc Laurent. C'est nul !

Mme la présidente. La parole est à M. le Premier ministre.

Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen. Il ne faut pas lui répondre !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je n'ai pas pu entendre la fin de votre intervention…

Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen. Cela vaut mieux !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …mais on aurait pu penser que votre question avait pour objet d'appeler la vigilance nécessaire sur des dangers qui existent en termes d'endoctrinement et de propagande, liés au djihadisme ou à l'islam radical. Le Gouvernement, la représentation parlementaire, à travers les travaux, les réponses et, surtout, l'action, y répondent tous les jours. Nous devons bien sûr être vigilants, ce qui amène régulièrement le Gouvernement à dissoudre des associations, à alerter sur les dangers du salafisme et à expulser des imams étrangers radicaux.

Mais, monsieur le député, il faut être cohérent. Quand on veut lutter contre le terrorisme, contre le djihadisme, contre l'islamisme radical, on va jusqu'au bout et, contrairement à ce que vous avez fait, on vote la loi sur le renseignement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) S'il s'agit, en revanche, monsieur le député, de trouver un nouveau prétexte pour mettre en cause la liberté de culte et, tout simplement, la liberté dans notre pays, alors vous nous trouverez pour vous barrer la route.

Je vous rappelle – vous devriez le savoir – que le principe de laïcité signifie, comme l'énonce en son article 1er la loi du 9 décembre 1905, que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. » C'est cela qui fonde, précisément, la loi de la République.

Vous avez énoncé des contre-vérités. Au fond, cela doit être une chance pour la France – mais c'est un débat que nous avons dans le pays – de compter sur plusieurs millions de compatriotes ou de concitoyens de confession et de culture musulmanes. En quoi cela serait-il un défi, un problème ? C'est sans doute un défi pour l'islam, mais pas pour la France et pour l'Europe, qui accueillent d'ailleurs des musulmans depuis de très nombreuses années, depuis des siècles même – il suffit de regarder l'histoire de l'Espagne, celle de l'ex-Yougoslavie ou notre propre histoire, depuis des décennies. Mais si vous voulez ce débat – et je peux sentir parfois de la gêne dans d'autres rangs –, eh bien il faut l'avoir.

Chacun, quelle que soit sa croyance ou son absence de croyance, doit respecter les lois de la République, mais chacun, dans notre pays, a le droit de croire et d'exercer son culte à partir du moment où il respecte les lois de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. Michel Piron. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Il est hors de question d'adopter l'attitude de M. Orbán, qui se trouve d'ailleurs aujourd'hui avec M. Sarkozy, Mme Merkel et M. Rajoy au congrès du Parti populaire européen. Parce qu'il ne suffit pas de citer M. Orbán, il faut que chacun soit au clair, aussi, avec les prises de position des uns et des autres en Europe, quand on appartient à la même formation politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

M. Olivier Falorni. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. M. Orbán a tenu des propos inadmissibles, indignes à l'aune des valeurs de l'Europe. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Qu'un chef d'État, en Europe, puisse tenir ces propos est inacceptable, comme il est inacceptable que l'on puisse, comme vous le souhaitez, établir parmi les réfugiés qui demandent le droit d'asile une distinction en fonction de leur confession – ici, chrétiens ; là, musulmans – avant de les accueillir dans nos villes. C'est ce débat qu'il faut avoir dans le pays. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Il est fini le temps où l'on courbait l'échine, où l'on acceptait cette doctrine, la théorie du grand remplacement, la théorie sur l'immigration qui est en train de tout envahir : des mots, mesdames, messieurs, qui sont prononcés par l'extrême droite, mais qui sont aussi prononcés par des leaders de la droite courant derrière le Front national. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Il est temps – je le dis notamment à la gauche – d'avoir un vrai débat sur ce que sont les valeurs de la République et quelle France nous voulons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)

Mme Marie-George Buffet. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Jacques Bompard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Cultes

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 octobre 2015

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