Question au Gouvernement n° 3305 :
sang

14e Législature

Question de : M. Erwann Binet
Isère (8e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 5 novembre 2015


DON DE SANG PAR LES HOMOSEXUELS

M. le président. La parole est à M. Erwann Binet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Erwann Binet. Ma question s'adresse à Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales.

Madame la ministre, vous avez annoncé ce matin la fin de l'exclusion à vie du don de sang pour les hommes ayant eu des relations sexuelles avec d'autres hommes. Cette exclusion date de 1983, période où les connaissances scientifiques sur le virus de l'immunodéficience humaine – VIH – étaient bien différentes de celles dont nous disposons aujourd'hui. Cette exclusion est générale, absolue – et aveugle.

Naturellement, il n'existe pas de droit à donner son sang. Néanmoins, cette exclusion de principe véhicule l'insupportable idée que la relation homosexuelle est dans son essence une relation à risque. Elle suggère même une présomption de séropositivité. Ce faisant, elle alimente les préjugés, les idées reçues et toutes les autres discriminations fondées sur l'orientation sexuelle.

Vous avez, madame la ministre, engagé un débat sur cette question dès 2012. Dans son rapport sur la filière du sang en France, notre ancien collègue isérois Olivier Véran avait préconisé la fin de cette interdiction globale au profit d'une exclusion limitée aux pratiques à risques, comme c'est le cas pour l'ensemble de la population des donneurs de sang. Vous avez engagé une concertation, qui aboutit aujourd'hui à la mise en place d'un dispositif en deux temps, permettant d'appuyer les décisions sur des connaissances scientifiques incontestables et de répondre à l'exigence de sécurité qui s'impose pour l'ensemble de la filière du sang et pour l'ensemble des dons.

Plusieurs de vos prédécesseurs s'étaient engagés à mettre fin à l'exclusion aveugle des hommes homosexuels du don du sang ; aucun n'avait concrétisé ses engagements par des actes. Ce gouvernement inscrit enfin pour l'avenir la fin de cette pratique. Nous nous en réjouissons.

Pouvez-vous, madame la ministre, préciser les conditions qui accompagnent la fin de cette discrimination ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Monsieur le député, vous l'avez rappelé, dans les années quatre-vingt, dans un contexte marqué par l'épidémie du sida, avait été décrétée l'interdiction absolue et définitive, pour les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, de donner leur sang.

M. Yves Fromion. Et pour les femmes ayant des relations sexuelles avec d'autres femmes ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Aujourd'hui, aucune base scientifique ne permet d'étayer cette exclusion définitive, qui relève par conséquent d'une discrimination fondée sur la seule orientation sexuelle. J'ai donc mis fin aujourd'hui à cette discrimination. C'est un tabou qui a été levé et une page est définitivement tournée. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, cela faisait dix à quinze ans que l'on en parlait, sans que cela se fasse.

De nombreux pays, comme l'Allemagne, l'Autriche ou le Danemark, maintiennent l'exclusion définitive des homosexuels du don de sang. D'autres, comme l'Australie, les États-Unis, les Pays-Bas, le Japon, permettent un don après un ajournement de douze mois. Nous faisons un choix différent ; nous voulons aller vers un alignement des conditions requises pour donner son sang. Une première étape sera franchie au printemps 2016 : les homosexuels pourront alors donner leur plasma dans les mêmes conditions que les hétérosexuels. S'agissant du don de sang total, nous instaurons une période d'ajournement de douze mois.

M. Philippe Meunier. Et pour le chômage, vous faites quoi ?

Mme Marisol Touraine, ministre. C'est la fin de l'interdiction du don de sang total ; nous attendons 40 000 dons dès l'année prochaine par suite de cette décision.

Une deuxième étape interviendra environ un an après, sur la base des études scientifiques que nous aurons réalisées. L'objectif est de réduire la période d'ajournement de douze à quatre mois ; ce sera une étape décisive.

Vous le voyez, monsieur le député : nous avançons. C'est la fin d'une discrimination. Dans le respect de la sécurité, nous permettons, sous certaines conditions, aux hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes de donner leur sang. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Données clés

Auteur : M. Erwann Binet

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Sang et organes humains

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 novembre 2015

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