Question au Gouvernement n° 3321 :
Iran

14e Législature

Question de : Mme Seybah Dagoma
Paris (5e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain

Question posée en séance, et publiée le 11 novembre 2015


RELATIONS COMMERCIALES AVEC L'IRAN

M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Seybah Dagoma. Monsieur le ministre des affaires étrangères et du développement international, l'accord historique sur le nucléaire iranien de juillet dernier ouvre de nouvelles perspectives entre nos deux pays en matière commerciale. En effet, alors que les flux commerciaux entre la France et l'Iran s'élevaient à 3,7 milliards d'euros en 2004, ils ne représentaient plus, dix ans plus tard, que 500 millions d'euros.

Bien évidemment, pour agir, nos entreprises auront besoin de soutiens bancaires. Or, il apparaît que nos banques sont aujourd'hui tétanisées à la suite des très lourdes sanctions financières infligées à plusieurs d'entre elles aux États-Unis, au motif qu'elles avaient financé des transactions avec le Soudan ou l'Iran.

Dans ce contexte, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne ont mené une démarche commune à Washington pour obtenir des règles claires sur la levée des sanctions contre l'Iran. Pouvez-vous nous faire part, monsieur le ministre, du résultat de ces démarches ? Les clarifications du gouvernement fédéral engageront-elles aussi l'autorité de supervision bancaire de l'État de New York et la justice américaine ?

Plus fondamentalement, les sanctions prononcées aux États-Unis sont, de leur point de vue, justifiées notamment par l'utilisation du dollar dans les transactions incriminées. Cela me conduit à vous poser la question de la place de l'euro dans les transactions commerciales.

D'après les derniers chiffres disponibles, 80 % des crédits documentaires, qui constituent le moyen classique de règlement du commerce international, sont libellés en dollars, 9 % en yuan, du fait de la politique très volontariste de la Chine, et seulement 6 % en euros.

Monsieur le ministre, avons-nous, en Europe, une volonté politique de faire de l'euro une grande monnaie du commerce international, comme la Chine en a une pour sa monnaie ? Comment mobiliser nos partenaires ? Comment pourrions-nous agir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Jacques Myard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. Madame la députée, vous avez fort bien résumé les choses. Il est vrai qu'en raison de la situation politique internationale et de la question nucléaire, les transactions commerciales avec l'Iran furent pendant longtemps extrêmement réduites. Et puis, avec l'accord du 14 juillet et la levée des sanctions – qui n'est pas encore intervenue –, nous avons de nouvelles perspectives. Nous y travaillons ; je me suis moi-même rendu en Iran, une délégation du MEDEF aussi, de même que d'autres ministres. Espérons que la situation va se débloquer.

Mais – car il y a un « mais » – encore faut-il qu'il y ait les financements nécessaires. Je voudrais vous donner une information que vous n'avez peut-être pas : avant de terminer la négociation, j'avais demandé à mon collègue américain Kerry de me certifier que – pour le dire simplement – l'on n'adopterait pas envers nos entreprises qui pourraient travailler en Iran la même attitude que celle qui, en d'autres circonstances, avait été adoptée envers BNP Paribas et d'autres entreprises françaises. Vous en rappelez-vous ?

M. Pierre Lellouche. Ah ça, on se rappelle !

M. Laurent Fabius, ministre. Cela ne manque pas de sel, d'ailleurs, car l'on a reproché à BNP Paribas de faire du commerce avec l'Iran et avec Cuba ; or on sait ce qui est advenu dans les relations entre les États-Unis, l'Iran et Cuba…

M. Pierre Lellouche. Il a quand même fallu payer 9 milliards de dollars !

M. Laurent Fabius, ministre. Bref.

Deux fois de suite, des missions se sont rendues aux États-Unis ; elles comprenaient des représentants de la France, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. Je puis dire que, d'après ce qui m'a été rapporté par nos envoyés, l'attitude des Américains fut plutôt encourageante ; mais nous attendons maintenant des traductions concrètes, pour qu'il n'arrive pas la même chose que par le passé.

Plus largement, cela pose en effet le problème du statut de l'euro. Je répondrai simplement qu'il faut que les Européens croient en l'euro. Il n'y a pas de raison qu'il y ait une extraterritorialité du dollar et que l'euro, qui est la monnaie d'une zone économique puissante, n'ait pas la même force ; mais encore faut-il que, collectivement, les Européens le demandent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Données clés

Auteur : Mme Seybah Dagoma

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères

Ministère répondant : Affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 11 novembre 2015

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