Question au Gouvernement n° 3338 :
terrorisme

14e Législature

Question de : M. Philippe Meunier
Rhône (13e circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 18 novembre 2015


NATIONALITÉ FRANÇAISE

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe Les Républicains.

M. Philippe Meunier. Monsieur le Premier ministre, gouverner, c'est prévoir. Après cette série d'attentats perpétrés par des islamistes dont certains ont la nationalité française, la colère gronde dans nos villes et nos campagnes. Nos compatriotes ne supportent plus, et avec raison, de voir leur identité de Français ainsi dégradée et bafouée.

Le 4 décembre 2014, votre majorité a balayé d'un revers de main notre proposition de loi visant à déchoir de la nationalité française les islamistes binationaux, proposition qui n'a pas besoin d'une révision constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

Le 2 avril dernier, après les attentats de janvier, nous avons déposé une seconde fois cette proposition de loi que vous avez à nouveau écartée sous prétexte que la législation actuelle était suffisante. (Mêmes mouvements.)

Hier, le Président Hollande a reconnu que la législation ne répondait pas à nos besoins de sécurité, ce qui revient de facto à soutenir notre proposition au mot près. Que de temps perdu !

M. Philippe Vitel. Eh oui !

M. Philippe Meunier. Mais si déchoir de la nationalité française les islamistes est une nécessité absolue pour expulser du territoire ces traîtres à la nation, il est tout aussi important d'accorder la nationalité française avec parcimonie.

Or, depuis l'élection de François Hollande, le nombre de naturalisations augmente sans cesse. La semaine dernière, vous avez décidé d'attribuer plus largement encore la qualité de Français aux étrangers, allant jusqu'à déclarer vouloir en doubler le nombre. Outre le caractère symboliquement fort de cette acquisition, vous n'êtes pas sans savoir qu'accorder la nationalité française à un étranger donne à celui-ci des droits conséquents, notamment en termes de liberté de circulation et de résidence sur notre territoire. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Ma question est donc directe : allez-vous sans plus attendre revoir votre politique, afin de rendre plus restrictives les conditions permettant d'obtenir la nationalité française ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, l'action contre le terrorisme de guerre se mène sur tous les fronts. Il n'y a pas une mesure particulière – personne d'ailleurs ne le dit – qui permettrait de régler le problème. Le combat se mène d'abord – je le souligne à la suite de Jean-Yves Le Drian – sur le terrain extérieur, en frappant Daech, l'État islamique, en Irak comme en Syrie.

C'est ce que nous faisons en Irak depuis 2014.

M. Philippe Vitel. La question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. C'est ce que nous faisons depuis plusieurs jours en Syrie.

Les événements terribles que nous avons connus permettent aujourd'hui de faire bouger les lignes dans un certain nombre de pays et, nous l'espérons, de créer une grande coalition contre le terrorisme. Je veux ici saluer l'engagement de nos pilotes qui, à bord de leurs Rafale et de leurs Mirage, conduisent des opérations de frappes aériennes tous les soirs, toutes les nuits. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.)

Le combat se mène également sur le front intérieur. Qui peut l'ignorer ? Il se mène grâce aux moyens que nous allons donner à la police, à la gendarmerie, aux services de renseignement, aux services de la justice, aux douanes.

M. Philippe Vitel. Ce n'est pas la question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ces moyens, en termes d'hommes, de femmes, de postes, nous n'avons cessé de les augmenter depuis 2012, et nous allons poursuivre notre engagement. Ce sont là des investissements importants tant les budgets de fonctionnement ont baissé entre 2007 et 2012. Or, nos forces de l'ordre ont besoin de moyens pour faire face au terrorisme. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Philippe Vitel. La question !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Ce combat, ce sont encore les choix évoqués hier par le Président de la République, en particulier une révision constitutionnelle pour adapter la loi de 1955, que nous présenterons demain en conseil des ministres. Des mesures seront également prévues concernant la déchéance de la nationalité.

Apporter une réponse juridique et efficace au défi du terrorisme, comme le précisait le ministre de l'intérieur, c'est élargir les possibilités de déchoir une personne de sa nationalité française. Le code civil permet une telle déchéance pour une personne qui, ayant acquis la nationalité française, est condamnée pour des faits de terrorisme, sauf si cela a pour effet de la rendre apatride.

M. Philippe Vitel. On le sait déjà, cela !

M. Manuel Valls, Premier ministre. La révision constitutionnelle proposée permettra de déchoir également de sa nationalité une personne née française, disposant de la double nationalité, et condamnée pour des faits de terrorisme ou pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.

Mme Valérie Boyer. On n'a pas besoin que vous nous le rappeliez !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je vous réponds très précisément.

Enfin, monsieur le député, dans ce débat où se mêlent la colère, les angoisses, les peurs de nos concitoyens, je pense sincèrement que nous avons une responsabilité : préserver l'unité de la nation. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Pas uniquement l'unité de la représentation nationale, mais celle de la nation tout entière. Chaque fois que vous jouerez sur la confusion, comme vous le faites avec votre question, chaque fois que vous rendrez, par vos propos, tout étranger suspect, vous nous trouverez devant vous pour dire non. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste. - Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Je veux rappeler que, sur les trottoirs de Paris, monsieur le député, et dans la salle du Bataclan, des étrangers ont été tués, des Français d'origine étrangère ont été tués, peut-être même des Français qui avaient acquis leur nationalité (Mêmes mouvements.) Parce que moi, parmi d'autres, je fais partie de ceux qui ont décidé un jour de devenir Français, parce que j'aime ce pays par-dessus tout, je ne permettrai jamais cet amalgame qui met en cause les valeurs de notre pays. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se lèvent et applaudissent vivement.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Un député du groupe Les Républicains. C'est de la manipulation !

Données clés

Auteur : M. Philippe Meunier

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 novembre 2015

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