terrorisme
Question de :
M. Noël Mamère
Gironde (3e circonscription) - Écologiste
Question posée en séance, et publiée le 13 janvier 2016
RÉFORME CONSTITUTIONNELLE
M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, pour le groupe écologiste.
M. Noël Mamère. Monsieur le Premier ministre, comment ne pas exprimer notre indignation face à la dérive sécuritaire du Président de la République et de votre gouvernement ? Après le tournant social-libéral, les aventures militaires, vous enfoncez aujourd'hui un clou de plus sur le cercueil de la gauche. (« Oh ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.) Quelle déchéance, au regard de ce que la gauche avait fait en 1981 – je pense en particulier à l'abolition de la peine de mort et à la suppression de la Cour de sûreté de l'État !
Trente-cinq ans plus tard, pour satisfaire de misérables calculs politiciens (« Bravo ! » sur quelques bancs du groupe Les Républicains), vous vous apprêtez à toucher à notre loi fondamentale en y introduisant la déchéance de nationalité. Avec un cynisme sidérant, vous recyclez une obsession de l'extrême droite, dont vous légitimez la logique xénophobe en la faisant entrer par la grande porte. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Partant, vous stigmatisez 3,7 millions de binationaux, vous portez atteinte au caractère indivisible de la citoyenneté et vous ouvrez une brèche dans le sacro-saint droit du sol. Non, monsieur le Premier ministre, vous ne rassemblez pas les Français, vous les divisez !
Au nom de la guerre que vous prétendez mener contre le terrorisme, vous vous apprêtez à introduire l'état d'urgence dans la Constitution et vous préparez une loi qui va profondément réformer le code pénal et le code de procédure pénale. Petit à petit, vous détricotez l'État de droit pour installer un État de sécurité. Vous posez les bases d'une société dans laquelle la sécurité prime la liberté, où le juge judiciaire est en retrait par rapport au policier, au procureur, au préfet, et où le législatif est derrière l'exécutif, qui va désormais légiférer par ordonnances.
Au nom de cette logique guerrière, vous nourrissez la peur au lieu d'affirmer les valeurs démocratiques, qui sont pourtant le meilleur rempart contre ce poison. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe écologiste et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Guy Geoffroy. Du calme ! (Sourires.)
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur Mamère, au-delà de l'outrance de vos propos, que je ne veux même pas commenter, j'affirme en effet mon désaccord absolu avec votre vision de la gauche et de la France, ainsi qu'avec les termes que vous avez utilisés.
Vous parlez de « dérive sécuritaire », mais nos compatriotes ont besoin de sécurité, et c'est l'honneur de ce gouvernement, de cette majorité et de l'ensemble du Parlement que d'avoir été au rendez-vous à chaque fois qu'il a fallu voter des lois qui nous permettent de mieux lutter contre le terrorisme tout en préservant notre État de droit et nos libertés – mais il est vrai que ce n'était pas votre cas.
Vous parlez d'« aventures militaires »…
M. Noël Mamère. Oui !
M. Manuel Valls, Premier ministre. On me dit parfois : « Ne répondez pas à M. Mamère, n'entrez pas dans son jeu, ne répondez pas à ses outrances ». Je sais bien qu'on peut tout entendre aujourd'hui dans notre vie publique, mais tout de même ! Des « aventures militaires » ? Mais lesquelles, monsieur Mamère ? Quand nos soldats sont allés sauver le Mali, ce pays ami, ce pays d'Afrique qui a l'amour de la France et qui était confronté à une invasion terroriste, était-ce une « aventure militaire » ? Et est-ce une « aventure militaire » lorsqu'il s'agit de combattre le terrorisme en Irak et en Syrie ? Enfin !
Je vous le confirme, monsieur Mamère : nous n'avons rien à faire ensemble. Vous nous parlez de valeurs, quand des gens proches de vous, avec qui vous signez des pétitions, participent de mouvements avec M. Tariq Ramadan, qui mettent profondément en cause les valeurs de la République et de la France ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.)
Mais nous savons vos outrances, et je me rappelle vos mots quelques minutes après un terrible accident d'autocar dans votre département.
Monsieur Mamère, vous n'en ratez pas une, vous êtes toujours en dehors de la réalité, vous ne comprenez rien, ni à la France ni à la gauche ! (« Bravo ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l'Union des démocrates et indépendants.) Moi, mon rôle, c'est d'être chef du Gouvernement et d'assurer la protection des Français ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Auteur : M. Noël Mamère
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Ordre public
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 janvier 2016