gouvernement
Question de :
M. Christian Jacob
Seine-et-Marne (4e circonscription) - Les Républicains
Question posée en séance, et publiée le 2 mars 2016
LÉGITIMITÉ DU GOUVERNEMENT
M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains.
M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, à plus d'un an de l'élection présidentielle, les Français sont en droit de se poser une question : sur quelle légitimité votre gouvernement peut-il encore s'appuyer ?
M. Jean Glavany. Celle du suffrage universel !
M. Christian Jacob. Il y a trois semaines, vous avez été incapable de recueillir une majorité de gauche pour voter la constitutionnalisation de la déchéance de nationalité. Ensuite, est venu le temps du remaniement-rafistolage, comme aux plus belles heures de la Quatrième République. Il est clair que ce remaniement vous a été imposé et que vous n'avez eu aucune marge de manœuvre. À présent, nous vivons une farce, une véritable mascarade : le report de la présentation de la loi travail. Nous allions voir ce que nous allions voir, monsieur le Premier ministre ! Un gouvernement réformateur, à la manœuvre pour rendre de la compétitivité aux entreprises !
Mais après huit jours d'un psychodrame qui a agité toutes les gauches, votre projet de loi vient de faire pschitt ! Le report de sa présentation n'est rien d'autre qu'une humiliation pour vous et pour votre méthode de gouvernement, celle des coups de menton ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.) Et ne nous faites pas le coup de la décision prise en commun avec le Président de la République ! C'est bien vous qui disiez mardi dernier : « J'irai jusqu'au bout ! ». Jusqu'au bout, ce sera en réalité, comme d'habitude avec vous, une simple posture, pour ne pas dire une imposture ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
M. Jean Glavany. Parole d'expert !
M. Christian Jacob. Dire que vous venez de caler en rase campagne devant Mme Aubry, ce n'est donc pas vous faire injure, monsieur le Premier ministre ! Vous n'avez plus la confiance des Français, monsieur Valls, et vous avez perdu la confiance de votre majorité ! Après l'enterrement de première classe de votre projet de loi sur le travail, considérez-vous avoir toujours la confiance du Président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Comme j'ai l'occasion de vous le dire à chaque fois que je réponds à l'une de vos questions, monsieur le président Jacob, j'admire la nuance, la modération et le nécessaire recul dont vous faites preuve !
M. Yves Fromion. Le recul, c'est vous !
M. Manuel Valls, Premier ministre. J'admire à présent une drôle de conception des institutions de la Vème République, d'ailleurs assez étrange venant de vous.
Un député du groupe Les Républicains. Macron président !
M. Manuel Valls, Premier ministre. La mission dont est responsable le Premier ministre que je suis découle bien évidemment des choix du Président de la République et forcément aussi de la confiance de la majorité.
M. Christian Jacob. C'est bien ma question !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Avons-nous, depuis que nous gouvernons et depuis que je suis Premier ministre, dû reculer sur tel ou tel texte ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Avons-nous dû changer telle ou telle position après le nécessaire débat ? Non !
M. Yves Fromion. Il n'y a que le chômage qui ne recule pas !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Sous la Vème République, le Premier ministre comme la majorité doivent être conscients du fait présidentiel et de la légitimité donnée par les Français au Président de la République.
Un député du groupe Les Républicains. 17 % !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Donc, avec cette majorité, tant qu'il y aura cette confiance, le Gouvernement agira et continuera à réformer.
M. Christian Jacob. En utilisant le 49-3 !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Vous avez d'ailleurs pris un drôle d'exemple, monsieur Jacob, en parlant de la révision constitutionnelle. Je me contenterai de vous rappeler que la majorité des trois cinquièmes réunie ici à l'Assemblée nationale en sa faveur, que j'évoque avec prudence, découle du vote d'une partie de la gauche et d'une partie de la droite. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Bernard Deflesselles. Ce qui démontre que vous n'avez pas la majorité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. J'aurais très bien pu vous poser exactement la même question si vous étiez au gouvernement et si j'étais, moi, responsable de l'opposition !
Quant au projet de loi réformant le code du travail, le texte a été adressé au Conseil d’État, le conseil des ministres l'examinera quinze jours après la date prévue et l'Assemblée nationale l'examinera à la fin du mois d'avril et au début du mois de mai. Franchement, parler de reculade n'est-ce pas un peu exagéré ?
Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Non !
M. Manuel Valls, Premier ministre. En matière de reculade, je pourrais vous donner des exemples concernant les majorités précédentes ! Quant au texte lui-même, je vous donne rendez-vous non pas sur des suppositions, monsieur Jacob, mais sur le fond, c'est-à-dire sur la liberté, la souplesse et la flexibilité à donner aux entreprises et sur les droits accordés aux salariés. Voilà sur quoi je vous demande de juger !
Au fond, votre question trahit une inquiétude. Lorsque la gauche réforme, va de l'avant et donne à la fois des libertés aux entreprises et des protections aux salariés, cela vous gêne ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) J'ai d'ailleurs remarqué avec beaucoup d'intérêt que certains parlementaires de l'opposition ont apporté leur soutien à cette démarche. Je vous donne donc rendez-vous sur le fond plutôt que sur des boursouflures, monsieur Jacob. C'est ce sur quoi chacun jugera. Quoi qu'il en soit, ma volonté de réforme subsistera, soyez en certains ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Auteur : M. Christian Jacob
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 2 mars 2016