Question au Gouvernement n° 3709 :
immigration clandestine

14e Législature

Question de : M. Yves Fromion
Cher (1re circonscription) - Les Républicains

Question posée en séance, et publiée le 10 mars 2016


OPÉRATION SOPHIA

M. le président. La parole est à M. Yves Fromion, pour le groupe Les Républicains.

M. Yves Fromion. Monsieur le Premier ministre, au terme d'une mission d'information sur la mise en œuvre, par l’Union européenne, du dispositif SOPHIA contre l'activité des réseaux de traite des êtres humains à partir des côtes libyennes vers l'Europe, je souhaite appeler votre attention sur le caractère singulier pris par cette opération à laquelle la France participe.

Le dispositif SOPHIA mobilise, depuis juillet 2015, des moyens militaires, maritimes et aériens de plusieurs États européens. Il a pour mission d'intercepter, dans sa phase actuelle, hors des eaux territoriales libyennes, les embarcations utilisées par les organisations criminelles qui exportent vers l'Europe des migrants illégaux originaires des États subsahariens.

Si l'on ne déplore plus de pertes de vies humaines en mer, c'est parce que les trafiquants conduisent leurs embarcations surchargées de migrants à la limite des eaux territoriales libyennes, après avoir épuisé leur carburant. À ce moment-là, ils déclenchent, par téléphone satellite, l'intervention des secours en mer, c'est-à-dire celle des navires de l'opération SOPHIA, lesquels prennent en charge les migrants.

Les trafiquants n'ont plus qu'à empocher leur bénéfice : 400 000 euros pour un bateau de pêche, et près de 100 000 euros pour un canot pneumatique. L'Union européenne tend donc à se muer en associé d'un trafic de migrants clandestins, pour le plus grand bénéfice des organisateurs de ce trafic.

Les responsables de l'opération SOPHIA estiment que le nombre de migrants qui attendent en Libye est compris entre 500 000 et 1 million. Selon les mêmes sources, le chiffre d'affaires du trafic de migrants s'élève annuellement à 4,5 milliards d'euros. Une telle manne ne peut laisser Daech indifférent, alors qu'il étend son emprise sur la côte libyenne concernée par ce trafic.

Monsieur le Premier ministre, qu'entend faire votre gouvernement pour redonner du sens à l'intervention européenne avant que le trafic de migrants illégaux reprenne avec la fin de l'hiver, et avant que Daech en prenne le contrôle – et les profits ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Monsieur le député, vous vous préoccupez, avec raison, des trafics en Méditerranée.

M. Yves Fromion. Comme vous !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. En 2015, plus de 153 000 migrants sont arrivés sur les côtes italiennes, et 90 % d'entre eux provenaient de Libye. Compte tenu de ce constat, l'Union européenne a décidé – vous l'avez rappelé – en avril 2015 de déclencher rapidement l'opération EUNAVFOR MED, appelée SOPHIA. Cette opération vise à empêcher les trafics d'êtres humains depuis la Libye. C'est d'autant plus nécessaire aujourd'hui car depuis lors, Daech a pris le contrôle d'une partie du territoire libyen.

Cette opération comporte trois phases. La première consiste en la collection et la fusion de renseignements : la France, comme vous le savez, y contribue. Nous sommes à présent entrés dans la deuxième phase, qui consiste en l'arraisonnement et la fouille de navires en haute mer. Mais tout cela sera dénué de sens si nous ne passons pas rapidement à la troisième phase : l'interpellation, à la fois dans les eaux territoriales, mais aussi sur le littoral libyen. La France y contribue par des moyens aériens et par la mise à disposition d'une frégate.

Mais il nous faut, au préalable, la garantie du droit international ; pour cela, nous devons être sollicités soit par le gouvernement libyen…

M. Yves Fromion. Il n'y en a pas !

M. Jean-Yves Le Drian, ministre. …soit par le Conseil de sécurité des Nations unies. C'est pourquoi nous soutenons le processus politique en cours en Libye – ce sujet a encore été évoqué hier soir à Venise lors de la rencontre entre le président du Conseil Matteo Renzi et le Président de la République François Hollande – afin qu'un gouvernement d'union nationale soit formé le plus vite possible. Alors nous pourrons passer très rapidement à la troisième phase, ce que vous souhaitez. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Données clés

Auteur : M. Yves Fromion

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Défense

Ministère répondant : Défense

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 mars 2016

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