Turquie
Question de :
M. François Rochebloine
Loire (3e circonscription) - Union des démocrates et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 10 mars 2016
NÉGOCIATIONS ENTRE LA TURQUIE ET L’UNION EUROPÉENNE
M. le président. La parole est à M. François Rochebloine, pour le groupe de l'Union des démocrates et indépendants.
M. François Rochebloine. Monsieur le Premier ministre, le sommet extraordinaire qui s'est tenu lundi entre l’Union européenne et la Turquie a acté un triple renoncement, d'une gravité sans précédent : celui d'une Europe qui renonce au droit d'asile en refoulant les migrants faute d'avoir su s'accorder sur une politique migratoire et sécuritaire commune ; celui d'une Europe qui marchande la relance du processus d'adhésion en échange d'un rempart illusoire contre les victimes de conflits que nous n'avons pas su gérer ; enfin, celui d'une France dont le silence est coupable. Ce triple renoncement est d'autant plus grave que le régime de M. Erdogan est en train de fouler au pied l'État de droit et les principes mêmes de la démocratie. Désormais, il piétine la liberté de la presse puisqu'il vient de mettre sous tutelle deux journaux. Sur de telles bases, l'Europe n'a pas à négocier. Le groupe UDI s'est toujours opposé résolument à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, et, aujourd'hui, c'est la relance du processus d'adhésion qui nous est imposée.
La régulation des flux migratoires passe par le développement d'une véritable politique européenne de voisinage et par la mise en œuvre d'accords de coopération plus étroits. Nous devons également poser les jalons d'une politique d'asile commune. L'Europe ne doit pas renoncer à ses valeurs ; bien au contraire, elle doit, plus que jamais, les affirmer haut et fort.
Monsieur le Premier ministre, la France doit enfin faire entendre sa voix et demander expressément l'arrêt des négociations relatives à l'adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Nous aimerions connaître votre position. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
M. Harlem Désir, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le député, il n'y a eu aucun renoncement. L'ordre du jour lors de la réunion du sommet des vingt-huit chefs d'État ou de Gouvernement avec le Premier ministre turque lundi comportait trois objectifs : tout d'abord, le renforcement du contrôle de la frontière extérieure commune de l’Union européenne ; deuxièmement, oui, le partenariat avec la Turquie dans la lutte contre les filières de l'immigration illégale : troisièmement, le renforcement de l'aide à la Grèce, aujourd'hui confrontée à un afflux de migrants qui ne peuvent plus franchir les frontières des pays des Balkans.
M. Claude Goasguen. Il ne faut tout de même pas déconner !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. La Turquie a proposé, au terme de discussions qui durent depuis maintenant plusieurs mois, la réadmission des migrants qui se trouvent sur des bateaux affrétés par les clandestins, en mer Égée, dans le cadre d'un accord avec la Grèce. Pour renforcer le contrôle de cette frontière maritime, l'OTAN a la mission de renforcer l'action de FRONTEX pour identifier ces bateaux et faire en sorte que la Turquie, membre de l’OTAN comme la Grèce, accepte que les migrants concernés puissent être réadmis en Turquie. Il faut vérifier les conditions dans lesquelles cette politique va être compatible avec le droit d'asile, avec la Convention de Genève et avec la directive européenne sur le droit d'asile.
De plus, la Turquie, c'est vrai, accueille 2,5 millions de réfugiés syriens,…
M. Claude Goasguen. La faute à qui ?
M. François Rochebloine. Et l'attitude d'Erdogan ? !
M. Harlem Désir, secrétaire d'État. …et nous avons donc convenu de l'aider pour que les réfugiés de la guerre de Syrie puissent rester au plus proche de leur pays, en Turquie, au Liban ou en Jordanie. Nous sommes prêts à aider la Turquie non pas en abondant son budget mais en donnant de l’argent au Haut-commissariat aux réfugiés, aux organisations humanitaires et aux agences des Nations unies concernées.
Concernant l'ouverture de chapitres de négociation, aucune adhésion n'est prévue. Il y a des critères à respecter. Vous avez ouvert des chapitres, nous en ouvrons. Mais de toute façon, comme le Président de la République l'a rappelé, il ne peut y avoir d'adhésion sans une consultation du peuple français. La position de la France sur ce point est connue.(Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Auteur : M. François Rochebloine
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires européennes
Ministère répondant : Affaires européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 mars 2016