pesticides
Question de :
Mme Laurence Abeille
Val-de-Marne (6e circonscription) - Écologiste
Question posée en séance, et publiée le 16 mars 2016
ABEILLES ET NÉONICOTINOÏDES
M. le président. La parole est à Mme Laurence Abeille, pour le groupe écologiste.
Mme Laurence Abeille. Monsieur le Premier ministre, à quelques heures du début de l'examen, en seconde lecture, du projet de loi sur la biodiversité, des voix divergentes en provenance de votre gouvernement se sont exprimées, suite au vote en commission de l'amendement d'interdiction des pesticides néonicotinoïdes. Ce vote a confirmé d'ailleurs celui exprimé en première lecture. La secrétaire d'État à la biodiversité, Barbara Pompili, semblait soutenir l'interdiction, alors que le ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll, a adressé hier un courrier à tous les députés pour leur demander de ne pas soutenir cette interdiction. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)
Vous le savez : plus aucun doute n'existe sur le fait que ces pesticides systémiques utilisés massivement dans l'agriculture intensive sont l'une des causes principales de la surmortalité des abeilles et des phénomènes d'effondrement des colonies. Ils sont 5 000 à 10 000 fois plus toxiques que le DDT et représentent aujourd'hui un tiers des insecticides utilisés dans le monde. Ainsi, l'un tiers des ruches périt chaque année en France ; nous sommes un des pays européens les plus fortement touchés. La production nationale de miel est en chute libre : elle a été divisée par deux en vingt ans. Or, sur les 100 espèces végétales qui fournissent 90 % des ressources alimentaires mondiales, 70 % dépendent de la pollinisation des abeilles. De plus, rappelons-le une fois encore : l'effet du pesticide est permanent sur les écosystèmes.
Vous le savez : nous pouvons nous passer de ce produit mortel. Ainsi, en Italie, l'arrêt des néonicotinoïdes et du fipronil a fait massivement chuter les mortalités d'abeilles, et sans baisse des rendements. On peut donc produire sans ces pesticides et maintenir le rendement !
Monsieur le Premier ministre, les abeilles et donc la biodiversité sont en grand danger. La santé humaine n'est pas épargnée. Il est possible et urgent d'agir dès maintenant. Pouvez-vous m'indiquer si la position du Gouvernement sera bien de maintenir l'interdiction de ces pesticides ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, sur de nombreux bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Madame la députée, votre assemblée débutera dans quelques minutes l'examen en séance publique d'un projet de loi dense, ample et ambitieux visant à protéger la biodiversité. Au cours de ses travaux, elle tentera de trouver des réponses adaptées à l'utilisation des néonicotinoïdes qui jouent en effet, vous l'avez dit, un rôle dans la disparition des insectes pollinisateurs, notamment des abeilles.
Le Gouvernement aborde ce sujet avec une volonté et une méthode : la volonté, c'est celle d'assurer la protection de la biodiversité et de préserver la santé publique ; la méthode consiste à asseoir nos choix sur des données scientifiques, à y associer autant que possible utilisateurs et professionnels tout en leur donnant une visibilité sur l'avenir car c'est le gage de la bonne application de la loi. C'est dans ce cadre que Ségolène Royal a lancé en 2015 l'opération « France, terre de pollinisateurs ».
S'agissant des néonicotinoïdes, Ségolène Royal, Marisol Touraine et Stéphane Le Foll ont commandé il y a quelques mois un rapport à l'ANSES – l'Agence nationale de sécurité alimentaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail –, autorité scientifique compétente,…
M. Bernard Accoyer. Elle est très contestable !
Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État. … rapport dont les conclusions ont été publiées en janvier. Celles-ci confirment la pertinence du moratoire européen sur l'utilisation de trois types de néonicotinoïdes et soulèvent la question de l'usage intensif des néonicotinoïdes en général et de la pratique des semences de céréales d'hiver enrobées.
Suite à ce rapport, le Sénat a adopté lors de l'examen du projet de loi sur la biodiversité un amendement qui prévoit la publication d'un arrêté du ministère de l'agriculture pour préciser les conditions d'usage des néonicotinoïdes encore autorisés afin qu'ils ne causent pas de dommage à l'environnement ou à la santé des agriculteurs. Votre commission du développement durable a adopté, la semaine dernière, une position plus radicale ; vous et vos collègues allez en débattre dans les heures qui viennent en séance publique. Je souhaite que ce débat soit serein et constructif et que vos travaux permettent de concrétiser de la meilleure des manières les recommandations de l'ANSES. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)
Auteur : Mme Laurence Abeille
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Produits dangereux
Ministère interrogé : Biodiversité
Ministère répondant : Biodiversité
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 mars 2016