Question au Gouvernement n° 3735 :
lutte contre l'exclusion

14e Législature

Question de : M. Christophe Caresche
Paris (18e circonscription) - Socialiste, républicain et citoyen

Question posée en séance, et publiée le 16 mars 2016


PROJET DE CENTRE D'HÉBERGEMENT POUR SANS-ABRIS DANS LE XVIE ARRONDISSEMENT DE PARIS

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Caresche. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur le projet de création d'un centre d'hébergement d'urgence pour sans-abris en lisière du Bois de Boulogne. Cette question a une dimension locale mais il me semble que les réactions d'hostilité à ce projet nous interrogent sur la manière dont doit s'exercer la solidarité vis-à-vis des sans-abris mais aussi des réfugiés, puisque la France prend sa part dans ce domaine.

Hier soir se tenait dans le XVIe arrondissement de Paris une réunion d'information à l'initiative de l'État. Les réactions qu'elle a suscitées ont choqué par leur violence, mais aussi par ce qu'elles révèlent d'égoïsme borné. Insultes, vociférations, huées, mises en cause personnelle des représentants de l'État et des élus ont émaillé une réunion qui a finalement dû être interrompue.

M. Laurent Furst. Ils sont mal élevés !

M. Christophe Caresche. Certains y verront la confirmation que la vulgarité et la grossièreté se jouent des barrières de classe et, dans tous les cas, qu'elles ne s'arrêtent pas aux portes du XVIe arrondissement. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Joël Giraud. Très bien !

M. Christophe Caresche. Mais ce refus de participer à un effort de solidarité équilibré et nécessaire inquiète. À Paris, sur les 9 700 places d'accueil en centre d'hébergement d'urgence, 18 seulement se situent dans le XVIe arrondissement. Quand plusieurs arrondissements comptent plus de 1 000 places d'hébergement, 200 places supplémentaires et temporaires ne devraient pas constituer un effort insurmontable pour les élus et les habitants du XVIe arrondissement. C'est d'ailleurs pourquoi la maire de Paris soutient fortement ce projet.

M. Christian Jacob. C'est Claude Goasguen qui répondra à la question !

M. Christophe Caresche. Partout, dans notre pays, les Français font preuve de solidarité, notamment dans l'accueil des réfugiés. Des communes, je pense à Pessat-Villeneuve dans le Puy-de-Dôme, acceptent d'héberger des migrants venus de Calais. Ce n'est pas facile. Cela peut provoquer des tensions. Mais personne ne peut se dispenser d'exercer cette solidarité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Monsieur le Premier ministre, nous vous demandons de tenir bon sur la création de ce centre d'hébergement dans le XVIe arrondissement, parce que reculer non seulement donnerait raison aux égoïsmes les plus médiocres, mais aussi menacerait la politique courageuse qui est la vôtre en matière de solidarité. (Applaudissements sur de les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Mme Dominique Orliac. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, il est toujours difficile à un maire d'être confronté à ce type de dossier. J'ai naturellement pris connaissance, comme vous, des conditions dans lesquelles s'est déroulée la réunion d'information publique, organisée hier par la mairie de Paris, à la demande de M. le maire du XVIe arrondissement.

M. Claude Goasguen. Non !

M. Manuel Valls, Premier ministre. J'en suis profondément choqué. Je souhaite dire, à mon tour, la détermination de l'État pour mener à bien ce projet. Le débat public est indispensable, parce qu'il faut convaincre.

M. Laurent Furst. Il faut un référendum !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais on ne peut pas tolérer que le débat public soit ainsi manipulé.

M. Laurent Furst. Et Notre-Dame-des-Landes ? On rêve !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Rien ne peut justifier les insultes et les menaces dont la représentante de l'État a été l'objet. Je vois que cela suscite beaucoup d'émotion dans l'opposition, au premier rang de cette assemblée. Nous pouvons du moins être d'accord, monsieur Furst, sur le fait que rien ne peut justifier les mensonges sur ce projet.

M. Alexis Bachelay. Bravo !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je veux donc le dire avec clarté : le Gouvernement soutient pleinement le projet de création du centre d'hébergement…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Très bien !

M. Manuel Valls, Premier ministre. …sur l'allée des fortifications, en lisière du bois de Boulogne.

Ce projet me semble nécessaire et exemplaire. Nécessaire car, faut-il le rappeler ici, l'accueil des personnes en détresse est une obligation légale que le représentant de l'État doit assumer dans chaque département. Faut-il rappeler que ce centre accueillera 200 personnes, pour moitié des familles avec enfants, et qu'à Paris, plus de 30 000 personnes sont mises à l'abri chaque jour ? Aujourd'hui, 78 centres les accueillent. Mais aucun centre n'existe dans le XVIe arrondissement ! (« Hou ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

Son ouverture, en juin, est un élément indispensable pour partager l'effort et pour ne pas concentrer l'accueil des populations en difficulté dans les quartiers les plus populaires.

M. Claude Goasguen. Il fallait en parler avant !

M. Manuel Valls, Premier ministre. Je voudrais aussi souligner le grand sérieux du travail accompli pour la construction de ce centre par la préfecture de Paris, en lien avec la mairie de Paris, ainsi que l'engagement de l'association Aurore. Reconnue pour sa gestion, elle réalise un travail exceptionnel, dont le sérieux est reconnu depuis des décennies.

Pour mon gouvernement, monsieur le député, je vous réponds de manière plus large. Faire vivre la solidarité, c'est aussi garantir que tout le monde mais aussi tous les territoires prennent leur part à l'effort. C'est ce que nous accomplissons ici en direction des familles en détresse. C'est aussi ce que nous accomplissons pour les migrants. L'Île-de-France, la ministre du logement et de l'habitat durable aurait pu le dire aussi bien, accueille plus de 3 000 migrants, répartis sur tout son territoire. C'est enfin ce que nous faisons à Calais, où le regroupement des migrants dans les abris solides, installés dans la partie nord de la lande, s'opère dans l'intérêt, le respect et la dignité des personnes.

Le Gouvernement agit. Nous sommes conscients qu'il y a des égoïsmes et aussi de la démagogie : j'en ai notamment entendu ce matin sur une radio. Mais il n'est pas possible, il n'est pas juste que certains souhaitent se dérober à l'effort. En matière de solidarité et de lutte contre la pauvreté, chacun doit assumer ses responsabilités. Le Gouvernement assume les siennes. Les collectivités – toutes les collectivités – doivent faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur de nombreux bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.)

Données clés

Auteur : M. Christophe Caresche

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique sociale

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 mars 2016

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