Question au Gouvernement n° 3790 :
élection présidentielle

14e Législature

Question de : Mme Isabelle Attard
Calvados (5e circonscription) - Écologiste

Question posée en séance, et publiée le 30 mars 2016


RÈGLES APPLICABLES À L'ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Attard, pour le groupe écologiste.

Mme Isabelle Attard. Monsieur le Premier ministre, les 36 741 mairies de France arborent la devise de notre République : Liberté, Égalité, Fraternité. Or, les Français voient la liberté mise à mal par la surveillance généralisée et l'état d'urgence. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe socialiste, républicain et citoyen.) Ils voient la fraternité mise en mal quand sont désignés comme suspects les 5 millions de Français binationaux.

La semaine dernière, onze députés socialistes, en soumettant à l'Assemblée nationale une proposition de loi dite « de modernisation de l'élection présidentielle », se sont attaqués à l'égalité en verrouillant encore un peu plus l'accès à la principale élection de la Ve République.

M. Yves Fromion. Quand on a des amis comme ça…

Mme Isabelle Attard. Depuis 1974, tout candidat à l'élection présidentielle doit récolter 500 parrainages d'élus pour être légitime à se présenter. En 2012, 42 000 parrainages étaient possibles mais moins de 15 000 ont été donnés. Les élus ont peur des représailles s'ils soutiennent d'autres candidats que ceux des actuelles grosses écuries. Je prédis qu'en 2017, les parrainages seront encore moins nombreux. Et vous irez verser des larmes de crocodile sur le taux d'abstention en hausse !

Une décision révolte les Français aujourd'hui, qui concerne l'égalité d'accès aux médias pour tous les candidats. En effet, plus on est vu à la télévision, plus les sondages sont bons.

Le système qui régissait l'élection présidentielle était honnête puisqu'il était fondé sur l'égalité des candidats durant cinq semaines. En partant du constat que le CSA fait mal respecter l'égalité du temps de parole entre les candidats, vous avez choisi de supprimer la règle, là où il aurait fallu renforcer le gendarme ! Ce principe républicain d'égalité vient d'être anéanti, en réduisant de cinq à deux semaines l'égalité de temps de parole. Remplacer l'égalité par l'équité en se basant sur les intentions de vote est parfaitement absurde, puisque ce sont précisément les passages devant les médias qui favorisent ces intentions de vote !

L'objectif semble clair, monsieur le Premier ministre : limiter le choix des Français à trois bulletins, ceux du parti socialiste, du parti Les Républicains et du Front national. Affronter le Front National au deuxième tour semble être la seule chance d'être au pouvoir en 2017.

Monsieur le Premier ministre, il est encore temps de faire machine arrière et de rétablir l'égalité du temps de parole durant la campagne présidentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Madame la députée, la réalité est juste un peu plus compliquée que la présentation sommaire que vous venez d'en faire. Un principe régissait l'état du droit avant que cette proposition de loi ne soit discutée à l'Assemblée nationale : l'équité des temps d'antenne et l'égalité des temps de parole.

Vous conviendrez qu'il y a plus simple que cette règle, laquelle ne satisfaisait aucun des organismes ou des hautes instances qui, au lendemain des élections présidentielles de 2007 et 2012, ont été amenés à exprimer un avis sur les conditions dans lesquelles le scrutin s'était déroulé.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Verrouillage !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Qu'il s'agisse du Conseil constitutionnel, de la Commission nationale des comptes de campagne, de la Commission nationale des sondages, tous ont pointé la complexité et le manque de lisibilité de ce système, de surcroît fort défavorable à toutes les organisations politiques du système.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Faux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. La raison en est simple, comme le montre le temps dédié par les différentes chaînes de télévision à la campagne électorale. Entre 2007 et 2012, le temps d'antenne consacré aux candidats pendant la période qui s'étend de la déclaration des candidatures à l'ouverture de la campagne électorale, a été réduit de 50 %.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Supprimez les élections !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. On peut bien sûr considérer qu'un système qui réduit considérablement le temps du débat, le temps de parole et l'expression démocratique sur les chaînes de télévision est favorable à la manifestation des différentes opinions mais Jean-Jacques Urvoas n'était pas de cet avis lorsqu'il présidait la commission des lois. Aussi a-t-il décidé de proposer un texte, voté en seconde lecture, afin d'instaurer un dispositif qui garantisse à chacun des temps d'antenne comparables de façon à réduire les inégalités d'hier. Voilà l'objectif de cette proposition de loi, très éloigné de votre description. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Scandaleux !

Données clés

Auteur : Mme Isabelle Attard

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Élections et référendums

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 mars 2016

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